La Chine prend la tête de la suprématie quantique
Des chercheurs chinois ont fait la démonstration du plus puissant ordinateur quantique du monde, une machine de 56 qubits capable d’effectuer des opérations plusieurs fois plus rapides que l’ordinateur quantique de Google, son plus proche concurrent. L’ordinateur quantique chinois a effectué un calcul complexe en un peu plus d’une heure, une tâche qui prendrait 8 ans à un superordinateur classique.
Image d’entête : schéma d’une puce à qubit supraconducteur bidimensionnelle. (Université des sciences et technologies de Chine)
La tâche accomplie par le nouvel ordinateur quantique Zuchongzhi est une nouvelle démonstration de la « suprématie quantique ». Ce terme à consonance mythique décrit le franchissement du seuil à partir duquel les ordinateurs quantiques peuvent faire des choses que les ordinateurs conventionnels ne peuvent pas dans un délai raisonnable.
Les ordinateurs quantiques exploitent les bizarreries mathématiques du monde quantique pour dépasser largement les performances des ordinateurs classiques.
Les ordinateurs numériques nécessitent que les données soient codées en chiffres binaires (bits), dont chacun est toujours dans l’un des deux états définis (0 ou 1), alors que les ordinateurs quantiques utilisent des qubits, également appelés bits quantiques, qui peuvent exister dans plusieurs états simultanément.
En 2019, le processeur quantique de 54 qubits de Google, connu sous le nom de Sycamore, a été le premier au monde à atteindre la suprématie quantique.
Mais sa renommée a rapidement été éclipsée par Jiuzhang, un processeur quantique de 53 qubits à circuit optique développé par des chercheurs de l’Université des sciences et technologies de Chine à Hefei.
Plutôt que des matériaux supraconducteurs sur une puce, Jiuzhang utilise des circuits optiques qui effectuent des calculs à l’aide de photons et non d’un flux d’électrons comme celui utilisé par le Sycamore de Google. Jiuzhang a effectué en 200 secondes une tâche complexe qui aurait demandé au superordinateur chinois le plus rapide, TaihuLight, environ 2,5 milliards d’années pour arriver au même résultat.
Cependant, Jiuzhang est une machine “monotache”. C’est un appareil spécialisé qui ne peut pas être programmé pour effectuer d’autres tâches. À bien des égards, la machine de Google était donc beaucoup plus pratique, même si Jiuzhang était beaucoup plus rapide à accomplir sa tâche spécialisée.
Récemment, des chercheurs chinois ont présenté un ordinateur quantique de 66 qubits beaucoup plus polyvalent, connu donc sous le nom de Zuchongzhi. La machine a été mise au point par une équipe dirigée par Jian-Wei Pan à l’Université des sciences et technologies de Chine à Shanghai. Elle comporte 11 rangées et 6 colonnes de qubits formant un réseau rectangulaire bidimensionnel.
A partir de l’étude, schéma du processeur Zuchongzhiquantum : (a) le processeur Zuchongzhiquantum est constitué de deux puces saphir. L’une porte 66 qubits et 110 coupleurs, et chaque qubit se couple à quatre qubits voisins, à l’exception de ceux situés aux frontières. L’autre héberge les composants de lecture et les lignes de contrôle ainsi que le câblage. Ces deux puces sont alignées et reliées entre elles par des plots en in-dium. (b) Schéma simplifié du circuit du qubit et du coupleur. (Yulin Wu et Col./ Quant-ph)
Zuchongzhi a utilisé 56 de ses qubits pour accomplir une tâche d’échantillonnage aléatoire de circuits quantiques, que les chercheurs qualifient de « candidat exceptionnel pour démontrer les avantages du calcul quantique ». L’idée est que cette tâche est beaucoup trop complexe pour qu’un ordinateur classique puisse la résoudre dans un délai raisonnable et qu’elle est environ 100 fois plus difficile que celle résolue par Sycamore.
Zuchongzhi a terminé l’échantillonnage en 1,2 heure avec seulement 56 qubits. Cela montre que l’avantage de deux qubits sur Sycamore compte beaucoup. Chaque qubit supplémentaire rend le processeur quantique exponentiellement plus puissant, c’est pourquoi toutes ces avancées sont si importantes.
Selon les chercheurs chinois :
Nous estimons que la charge de calcul classique pour simuler le Zuchongzhi est supérieure de 2 à 3 ordres de grandeur à la tâche mise en œuvre sur le processeur Sycamore à 53 qubits de Google. Par conséquent, notre expérience a établi sans ambiguïté une tâche de calcul qui peut être réalisée par un ordinateur quantique en 1,2 heure, mais qui prendra au moins un temps déraisonnable pour n’importe quel superordinateur.
L’étude en prépublication dans ArXiv : Strong quantum computational advantage using a superconducting quantum processor.