Des particules artificielles de la taille du pollen protègent les abeilles contre les insecticides
Les abeilles jouent un rôle essentiel dans la pollinisation d’un grand nombre de plantes consommées par l’humain et sont donc indispensables à la sécurité alimentaire, mais leurs populations continuent de décliner rapidement dans le monde entier. Un certain nombre de facteurs y contribuent, notamment la perte de leur habitat et la sécheresse, mais une nouvelle particule minuscule et comestible développée à l’Université Cornell (États-Unis) s’attaque à un facteur clé, en détoxifiant les insecticides mortels avant qu’ils ne puissent nuire à ces importants insectes.
Image d’entête : abeille femelle masquée (Meroglossa gemmata). (James Dorey)
Des insecticides courants comme les néonicotinoïdes, que l’UE a interdits en 2016, sont utilisés pour protéger les cultures en pleine croissance des insectes affamés, mais les abeilles sont souvent prises entre deux feux. Ces substances toxiques interfèrent avec les molécules qui aident les abeilles à produire de l’énergie, et peuvent perturber leurs cycles de sommeil et les laisser immobiles et affamées.
La nouvelle technologie est décrite comme un antidote à ces types de produits chimiques. Les chercheurs se sont d’abord intéressés aux insecticides à base d’organophosphates, qui représentent environ un tiers du marché. Les scientifiques de l’université Cornell ont mis au point une microparticule de la taille du pollen, qui peut être remplie d’enzymes qui décomposent et détoxifient complètement ces insecticides avant que l’abeille ne les absorbe.
Les particules peuvent être mélangées à des galettes de pollen ou à de l’eau sucrée et données aux abeilles. Une enveloppe protectrice protège les enzymes lors de leur passage dans l’estomac, qui est acide et les décomposerait autrement. Au lieu de cela, elles voyagent idem jusqu’à l’intestin moyen, où la digestion a lieu, et les enzymes peuvent se mettre au travail pour décomposer et détoxifier les organophosphates.
Ce phénomène a d’abord été démontré par des expériences in vitro, puis sur des abeilles vivantes en laboratoire, où les insectes ont été nourris à la fois avec un pesticide organophosphoré et avec les particules, tandis qu’un autre groupe témoin n’a reçu que le pesticide organophosphoré. Les scientifiques ont observé un taux de survie de 100 % chez les abeilles nourries avec les particules, tandis que toutes celles du groupe témoin non protégé sont mortes dans les jours qui ont suivi.
Selon James Webb, coauteur de l’étude et PDG de Beemmunity, une société dérivée qui continue à travailler sur cette technologie :
Nous avons une solution qui permet aux apiculteurs de nourrir leurs abeilles avec nos produits à base de microparticules dans des galettes de pollen ou dans un sirop de sucre, et cela leur permet de désintoxiquer la ruche de tous les pesticides qu’elles pourraient trouver.
Beemmunity développe cette technologie pour s’attaquer à un éventail encore plus large d’insecticides. Nombre d’entre eux, dont les néonicotinoïdes, agissent en ciblant les protéines des insectes. Pour lutter contre ce phénomène, cette société développe des particules qui, au lieu d’enzymes, contiennent une huile absorbante spécifique et une enveloppe faite de protéines d’insectes. L’idée est qu’au lieu de décomposer l’insecticide, la particule l’absorbe et le piège dans l’enveloppe, qui peut ensuite être transmise en toute sécurité par l’abeille.
Selon l’auteur principal, Minglin Ma :
Il s’agit d’une solution peu coûteuse et évolutive qui, nous l’espérons, constituera une première étape pour résoudre le problème de la toxicité des insecticides et contribuer à la protection des pollinisateurs gérés.
Beemmunity mène des essais sur 240 ruches dans le New Jersey aux Etats-Unis cet été, et prévoit de lancer ses produits en février 2022, si tout va bien.
L’étude publiée dans Nature Food : Pollen-inspired enzymatic microparticles to reduce organophosphate toxicity in managed pollinators et présentée sur le site de l’Université Cornell : Pollen-sized technology protects bees from deadly insecticides.