Des physiciens se sont immiscés dans la conversation de deux atomes
Des chercheurs néerlandais et allemands ont intercepté une « conversation » entre deux atomes, ce qui pourrait avoir des implications intéressantes pour la recherche dans le domaine de l’informatique quantique.
Image d’entête : représentation artistique de l’expérience, où une impulsion électrique est appliquée à un atome de titane. (TU Delft/ Scixel)
Les atomes ne parlent pas réellement, mais ils interagissent par le biais d’une propriété appelée spin.
Selon le chef d’équipe à l’origine de cette étude, Sander Otte, de l’Université de technologie de Delft (TU Delft), aux Pays-Bas :
Ces spins s’influencent mutuellement, comme le font les aiguilles d’une boussole lorsque vous les rapprochez.
Si vous donnez une impulsion à l’un d’entre eux, ils commencent à se déplacer ensemble d’une manière très spécifique. Mais selon les lois de la mécanique quantique, chaque spin peut pointer simultanément dans plusieurs directions, formant une superposition. Cela signifie qu’un transfert réel d’informations quantiques a lieu entre les atomes, comme une sorte de conversation.
Dans leur étude (lien plus bas), Otte et ses collègues chercheurs ont utilisé un microscope à effet tunnel pour placer deux atomes de titane très près l’un de l’autre, à un millionième de millimètre de distance. Ils ont ensuite fait tourner un atome pour voir ce que ferait l’autre.
Mais la technique traditionnelle pour ce faire, la résonance de spin, qui utilise des signaux radio précis pour faire tourner l’atome, aurait été trop lente pour réaliser les observations souhaitées.
Selon l’auteur principal Lukas Veldman, également de l’Université de technologie de Delft :
Vous avez à peine commencé à faire tourner un spin que l’autre commence à tourner avec vous. De cette façon, vous ne pouvez jamais étudier ce qui se passe lorsque vous placez les deux spins dans des directions opposées.
A la place, ils ont utilisé une rafale de courant électrique pour écraser des électrons dans un atome et inverser son spin, ce qui a entraîné une interaction quantique.
Selon Sander Otte :
Nous avons toujours supposé qu’au cours de ce processus, la délicate information quantique, la soi-disant cohérence, était perdue (décohérence quantique), le chaos des électrons se transférant au spin.
Mais les résultats suggèrent que tout électron aléatoire pourrait initier une superposition cohérente et permettre l’échange d’informations.
Selon Markus Ternes, de l’Université technique de Rhénanie-Westphalie et au centre de recherche de Juliers (Allemagne), coauteur de l’étude :
Pour que cela se produise, il est essentiel que les deux spins s’intriquent : un état quantique particulier dans lequel ils partagent plus d’informations l’un sur l’autre que ce qui est classiquement possible.
Cette recherche pourrait donc avoir des applications pour les ordinateurs quantiques, qui encodent les informations dans des qubits, capables non seulement de représenter un 0 ou un 1, mais aussi d’atteindre un état mixte de superposition cohérente, qui est la clé de la puissance de l’informatique quantique.
L’étape suivante consiste à examiner le bavardage entre un nombre encore plus grand d’atomes.
Selon Veldman :
Ici, nous avons utilisé deux atomes, mais que se passe-t-il lorsque vous en utilisez trois ? Ou dix, ou mille ? Personne ne peut le prévoir, car la puissance de calcul est insuffisante pour de tels nombres. Peut-être qu’un jour nous serons capables d’écouter des conversations quantiques que personne n’a jamais pu entendre auparavant.
L’étude publiée dans Science : Free coherent evolution of a coupled atomic spin system initialized by electron scattering et présentée sur le site du Centre de recherche de Juliers : Quantum Experiment in Science Raises Questions.