Résistance spatiale du Tardigrade : des scientifiques ont placé de minuscules organismes dans un pistolet et les ont propulsés contre des cibles
Une équipe de chercheurs a “tiré” des tardigrades, de minuscules invertébrés microscopiques également connus sous le nom d’ours d’eau, d’un pistolet pour voir s’ils pouvaient survivre dans des conditions extrêmes comme celles de l’espace.
Ces minuscules organismes sont extrêmement résistants et peuvent survivre dans pratiquement toutes les conditions. Leur capacité de survie pourrait avoir des répercussions considérables sur notre compréhension de la façon dont la vie pourrait se répandre dans le système solaire, et sur nos chances de rencontrer un jour une vie extraterrestre.
La recherche pourrait également répondre à la question de savoir s’il est possible que nous ayons déjà contaminé un corps céleste proche avec une vie microscopique. L’atterrisseur lunaire israélien Beresheet a déversé des milliers de tardigrades sur la surface de la Lune (lien ci-dessous) lorsqu’il s’est écrasé en avril 2019, suscitant de nombreuses spéculations selon lesquelles certains auraient survécu.
Dans l’expérience, l’équipe, composée de l’astrochimiste Alejandra Traspas et de l’astrophysicien Mark Burchell de l’Université du Kent, a projeté deux à trois tardigrades individuels à l’aide d’un pistolet à gaz léger à deux étages spécialement fabriqué.
Le canon utilise d’abord de la poudre à canon, puis de l’hydrogène ou de l’hélium sous pression pour accélérer les projectiles jusqu’à une vitesse de 8 kilomètres par seconde.
L’objectif était de voir si les minuscules organismes pouvaient survivre non seulement à la surface d’endroits autrement inhospitaliers comme la Lune ou les lunes glacées d’autres planètes, mais aussi s’ils pouvaient survivre à un voyage à travers le système solaire pour ensemencer la vie microscopique ailleurs par le biais d’astéroïdes ou de comètes qui se fracassent sur des corps célestes à des vitesses incroyables, une théorie connue sous le nom de panspermie.
Les minuscules tardigrades d’eau douce ont d’abord été congelés dans un état désigné « tun » (Cryptobiose), qui leur permet de résister à des températures extrêmement basses et à des conditions très sèches.
Ils ont ensuite été tirés sur des cibles en sable à plusieurs centaines de mètres par seconde, soit à une vitesse bien supérieure à celle d’une balle sortant d’une arme de poing.
Les résultats parlent d’eux-mêmes. Un groupe témoin de 20 tardigrades qui n’ont pas été tirés hors de l’arme a mis 8 à 9 heures pour se remettre du même état de « tun ». Ceux qui ont été tirés à une vitesse de 825 mètres par seconde ont survécu, mais ont mis un certain temps à se rétablir.
À 901 mètres par seconde, en revanche, les tardigrades se sont transformés en bouillie.
A partir de l’étude : (a, b) Exemple de tardigrades avant le test d’impact. Les tardigrades avaient une taille comprise entre 150 et 850 μm. (c) Tardigrade récupéré après un impact à 0,728 km s-1. (d) Fragment de tardigrade provenant d’un tir à 0,901 km s-1. (Alejandra Traspas et Mark J. Burchell/ Astrobiology)
Selon les chercheurs dans leur étude (lien plus bas) :
Dans les tirs jusqu’à 0,825 km par seconde inclus, des tardigrades intacts ont été récupérés après le tir, mais dans les tirs à plus grande vitesse, seuls des fragments de tardigrades ont été récupérés. Ainsi, peu après le début de la létalité, les tardigrades ont également été physiquement brisés à mesure que la vitesse de l’impact augmentait.
Cela signifie qu’il existe des contraintes sur leur capacité de survie lorsqu’il s’agit d’être projeté à travers le système solaire sur un astéroïde et d’entrer en collision avec une planète proche.
La recherche n’a pas permis de tirer de nouvelles conclusions quant à la survie des tardigrades lors de l’impact de Beresheet sur la surface lunaire, mais la sonde ne se serait déplacée qu’à 134 mètres par seconde verticalement et 946 mètres par seconde horizontalement.
Et qu’en est-il des matériaux qui frappent la lune martienne Phobos ?
Selon les chercheurs :
De même, les éjectas d’impact martiens frappant Phobos, par exemple, à une vitesse d’impact typique ne permettront pas le transfert viable d’organismes de type tardigrade, mais si une fraction de ce matériau avait une vitesse d’impact plus faible, la survie pourrait être possible.
Les chercheurs ont également fait valoir que leurs résultats pourraient permettre de déterminer comment avoir les meilleures chances de trouver de la vie lors des survols d’Encelade, une lune de Saturne, et d’Europe, une lune de Jupiter, dont on a constaté qu’elles éjectaient toutes deux de l’eau salée dans des panaches géants.
A partir de l’étude : (a) Vitesse orbitale en fonction de l’altitude sur Europe et Encelade. (b) Pression de choc maximale sur divers métaux en fonction de l’altitude (notez que dans la résolution des graphiques, les courbes de plusieurs métaux se chevauchent). Pour Europe, tous les impacts produisent des pressions supérieures à la limite de survie des tardigrades, alors que pour Encelade, les impacts sur toutes les surfaces métalliques sont inférieurs à cette limite. (Alejandra Traspas et Mark J. Burchell/ Astrobiology)
Quoi qu’il en soit, notre fascination pour ces minuscules créatures microscopiques se poursuit. Il s’avère qu’il faut vraiment une quantité étonnante d’énergie pour tuer un tardigrade.
L’étude publiée dans la revue Astrobiology : Tardigrade Survival Limits in High-Speed Impacts—Implications for Panspermia and Collection of Samples from Plumes Emitted by Ice Worlds et présentée sur le site de l’Université du Kent : Tardigrade Survival Limits in High-Speed Impacts (Article in Astrobiology and reviewed in Science).