Les humains ont transformé près d’un cinquième des terres de la planète en seulement 60 ans
Un tiers de la surface terrestre mondiale, soit 43 millions de kilomètres carrés, a subi des modifications entre 1960 et 2019, sous l’effet de l’expansion de l’agriculture et de l’élevage bovin, selon une nouvelle étude. Cela signifie qu’en moyenne, une surface terrestre d’environ deux fois la taille de l’Allemagne (720 000 kilomètres carrés) a été modifiée chaque année depuis 1960.
Image d’entête : photographiés à partir de la Station Spatiale Internationale, champs agricoles près de Perdizes, Minas Gerais, Brésil. (William L. Stefanov/ NASA-JSC)
Le « changement d’affectation des sols » désigne la manière dont l’humain modifie le paysage naturel. Il peut s’agir d’une destruction permanente, comme l’expansion urbaine, ou simplement temporaire. Certains changements, comme la restauration ou la régénération des forêts, peuvent tenter de réparer des dommages antérieurs. Dans l’ensemble, il s’agit d’un phénomène très répandu, comme l’ont montré de précédentes études. Mais on ne pensait pas qu’il le serait autant.
L’utilisation des sols est généralement mesurée par des images satellites à haute résolution et par des enquêtes statistiques à grande échelle. Mais chaque méthode présente ses propres lacunes lorsqu’il s’agit d’évaluer le changement d’affectation des sols. Les satellites peuvent capturer l’utilisation des terres de manière très détaillée, mais leurs enregistrements ne remontent qu’à quelques décennies, tandis que les méthodes statistiques remontent plus loin dans le temps, mais avec une moins bonne résolution.
Jusqu’à présent, peu de travaux ont été réalisés pour combiner les deux approches. Karina Winkler, géographe physique à l’université de Wageningen, aux Pays-Bas, et ses collègues ont réuni plus de 20 données satellitaires sur l’utilisation des sols et des enquêtes à long terme. L’ensemble de données qui en résulte permet de saisir les changements d’utilisation des sols avec une résolution de 1 km.
Mais tous les changements d’utilisation des sols ne sont pas permanents. Ainsi, au lieu d’examiner les changements « nets » qui ne rendent compte que de la transformation globale d’une zone, l’ensemble de données saisit les endroits où l’utilisation des sols a changé plusieurs fois, comme la rotation entre les terres cultivées et les pâturages. Lorsque l’on ajoute ces éléments, l’étendue des changements d’utilisation des terres est vraiment considérable.
La carte ci-dessous, réalisée par les chercheurs, montre les endroits où des changements uniques (en jaune) et des changements multiples (en rouge) se produisent dans le monde. Les événements à changements multiples sont dominants en Europe, en Inde et aux États-Unis, tandis que les événements à changement unique sont répandus en Amérique du Sud, en Chine et en Asie du Sud-Est.
(Karina Winkler et col./ Nature Communications)
Pour leur étude, Winkler et son équipe ont établi six catégories d’utilisation des sols, selon les définitions utilisées par l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) : zones urbaines, terres cultivées, pâturages, prairies non gérées, forêts et terres à végétation éparse. Des tendances notables se dégagent lorsqu’on examine les types de changement qui se produisent à tel ou tel endroit.
Par exemple, environ la moitié des changements uniques (soit près de 20 % du total) sont dus à l’expansion de l’agriculture, comme la déforestation. Et 86 % des changements multiples sont liés à l’agriculture, principalement dans le nord du monde et dans certaines économies à croissance rapide.
En moyenne au niveau mondial, le changement d’affectation des terres a augmenté régulièrement pendant près d’un demi-siècle. Mais, en 2005, cette tendance a connu un « changement assez brutal » et le changement d’affectation des terres a commencé à ralentir dans le monde entier, selon les chercheurs. Ce phénomène est plus évident en Afrique, en Amérique du Sud et dans les régions subtropicales et tropicales et est lié à l’évolution du marché.
Les taux de changement mondiaux sont définis par une période d’accélération de 1960 au début des années 2000, suivie d’un ralentissement depuis environ 2005. Le changement d’affectation des terres est sensible aux « développements socio-économiques », écrivent les chercheurs.
A partir de l’étude : les graphiques ci-dessous montrent les différences de taux de changement d’affectation des terres dans six régions géographiques, ainsi que la moyenne mondiale. (Karina Winkler et col./ Nature Communications)
Selon le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), près d’un quart des émissions totales de gaz à effet de serre d’origine humaine entre 2007 et 2016 étaient dues à l’agriculture, à la sylviculture et à d’autres utilisations des terres. Ce chiffre se situe juste derrière la production d’électricité et de chaleur comme deuxième contributeur aux émissions mondiales.
Mais si elles sont gérées/ conservées correctement, les terres peuvent contribuer à réduire les émissions, en agissant comme un puits de gaz à effet de serre/ carbone, par exemple avec celui absorbé par les forêts. Selon le GIEC, l’équilibre entre les sources et les puits résultant du changement d’affectation des terres est une « source essentielle d’incertitude » dans l’examen de l’avenir du cycle du carbone terrestre.
L’étude publiée dans Nature Communications : Global land use changes are four times greater than previously estimated et présentée sur le site de l’Institut de technologie de Karlsruhe : Global Land Use More Extensive than Estimated.