Pollinisatrices sous-estimées : les guêpes sont nos amies, il faut les aimer aussi…
Nous avons toujours eu une relation difficile avec les guêpes. C’est le genre d’insectes que nous aimons détester. Elles ont gâché un bon nombre de pique-niques. Mais les guêpes méritent bien plus de reconnaissance, selon un groupe de chercheurs, car elles fournissent des services écosystémiques essentiels dont nous dépendons tous.
Image d’entête : une guêpe Vespula attrapant une mouche. (Maciej Olszewski)
Des chercheurs britanniques ont découvert que la réputation des guêpes en tant qu’insectes irritants, mais inutiles est loin d’être juste. Les préjugés à leur égard sont ancrés dans la culture et découlent de notre ignorance de ce que font les guêpes dans les écosystèmes et de leurs effets bénéfiques pour nous. Selon les chercheurs, les guêpes sont des prédateurs et des pollinisateurs essentiels.
Selon Seirian Sumner de l’University College London (Royaume-Uni) et coauteur de l’étude :
Nous apprécions les abeilles (qui piquent aussi) parce qu’elles pollinisent nos cultures et produisent du miel. Nous faisons des pieds et des mains pour sauver une abeille qui se trouve à l’intérieur d’une fenêtre, mais nous ne bronchons pas lorsque nous jetons un magazine enroulé sur une guêpe dans la même situation.
Les scientifiques tentent de définir la valeur des ressources naturelles pour nous en termes de services écosystémiques, c’est-à-dire les fonctions ou les biens fournis par la nature qui contribuent à la qualité de la vie humaine. Certains sont très familiers, comme la valeur des services de pollinisation fournis par les abeilles, sans lesquels nous serions obligés de polliniser nos cultures à la main (et/ou de mourir de faim).
Certains insectes sont réputés pour leur contribution, mais ce n’est pas le cas des guêpes. Des études ont montré que celles-ci mangent beaucoup d’insectes, dont beaucoup pourraient être des parasites agricoles. Mais personne n’a calculé leurs efforts, par exemple la quantité d’insectes nuisibles que les guêpes éliminent des paysages agricoles.
Une eumène ou guêpe maçonne (Eumenes coarctatus) qui s’attaque à une Phalène de l’olivier (Gymnoscelis rufifasciata). (John Walters)
Mme Sumner et son équipe ont examiné plus de 500 publications scientifiques sur les guêpes afin de comprendre comment elles contribuent aux écosystèmes, et comment cela peut aider l’économie, la santé et la société humaine. Il existe 100 000 espèces de guêpes connues, mais 70 000 sont parasites, elles n’ont pas de dard et sont assez bien étudiées.
Toujours selon Sumner :
Les guêpes sont peu étudiées par rapport à d’autres insectes comme les abeilles, de sorte que nous commençons seulement à comprendre correctement la valeur et l’importance de leurs services écosystémiques. Nous avons examiné les meilleures preuves existantes et avons constaté que les guêpes pourraient être tout aussi précieuses que d’autres insectes bien-aimés comme les abeilles si seulement nous leur donnions plus de chance.
Voici quelques-uns des services écosystémiques fournis par les guêpes, selon l’étude :
Plus de 30 000 espèces de guêpes agissent comme des contrôleurs de nuisibles, chassant une diversité d’invertébrés allant des punaises aux araignées en passant par les cafards. Elles régulent les populations de ces organismes aux côtés d’autres prédateurs comme les mammifères et les amphibiens. Elles peuvent même suivre les fluctuations des populations de proies grâce à leur courte vie et à leur taux de reproduction rapide.
Alors que l’on prend de plus en plus conscience de l’effet néfaste des produits chimiques utilisés dans l’agriculture sur la faune et la flore, les chercheurs affirment que nous devons rechercher des approches plus durables. Et c’est là qu’interviennent les guêpes prédatrices. Les insectes sont utilisés depuis longtemps comme agents de biocontrôle des ravageurs des cultures.
Plus de 75 % de nos cultures dépendent des insectes pour la pollinisation. Alors que les guêpes chassent des proies pour nourrir leur progéniture, les adultes sont des herbivores et visitent les fleurs pour y trouver des hydrates de carbone sous forme de sucre. Tout comme les abeilles.
Les chercheurs ont recensé 164 espèces végétales réparties dans six familles qui dépendent entièrement des guêpes pour la pollinisation. La plupart d’entre elles sont des orchidées qui ont évolué pour imiter les phéromones des guêpes femelles, certaines ressemblant même à l’arrière d’une guêpe femelle. Aucune étude ne permet encore d’estimer la valeur des guêpes en tant que pollinisateurs.
De plus, les guêpes et de nombreux autres insectes sont riches en protéines et en acides aminés essentiels. À poids égal, elles utilisent moins d’espace ou d’eau et émettent moins de gaz à effet de serre et d’ammoniac que les autres animaux d’élevage. C’est pourquoi les chercheurs suggèrent d’utiliser les insectes comme nourriture pour les humains comme une voie possible vers une sécurité alimentaire durable. Plus de 2 milliards de personnes consomment déjà des insectes dans leur alimentation.
Mais il ne s’agit pas seulement de nourriture. Le venin des guêpes présente de nombreux avantages pour la santé humaine, car il contient des antibiotiques et des antimicrobiens. Le venin a suscité un intérêt pharmacologique important ces derniers temps en raison des nombreuses molécules biologiquement actives qu’il contient. Son potentiel dans le traitement du cancer, par exemple, a suscité un intérêt récent.
L’étude publiée dans Biological Reviews : Ecosystem services provided by aculeate wasps et présentée sur le site de l’University College London : Wasps are valuable for ecosystems, economy and human health (just like bees).