Le changement climatique a littéralement déplacé l’axe de la Terre
L‘axe de la Terre est une ligne invisible qui relie les pôles nord et sud géographiques de la planète. Cependant, cet axe n’est pas fixe puisqu’il est fonction du centre de masse de la planète, ou barycentre, qui peut changer si la masse de la planète est considérablement redistribuée. C’est exactement ce qui s’est produit au cours des trois dernières décennies en raison du réchauffement climatique, qui a fait fondre des centaines de milliards de tonnes de glace des pôles, en particulier du pôle nord.
Image d’entête : le déplacement de la position géographique des pôles Nord et Sud de la Terre est appelé dérive polaire, ou véritable errance polaire. (Victor C. Tsai)
Selon une nouvelle étude publiée la semaine dernière, depuis 1980, la position des deux pôles s’est déplacée d’environ 4 mètres.
Cela peut sembler peu. En réalité, ce déplacement des pôles géographiques n’affecte en rien nos vies ou le cours de la nature. Il n’a même pas d’effet sur la navigation, qui repose sur la localisation des pôles magnétiques.
Cependant, sur le grand schéma des choses, il s’agit d’un autre témoignage accablant du pouvoir de modification de la planète par l’humanité.
Auparavant, le satellite GRACE (Gravity Recovery and Climate Experiment), exploité conjointement par la NASA et le Centre aérospatial allemand (DLR), avait fourni des données gravitationnelles fiables montrant que la fonte des glaciers était responsable des mouvements des pôles géographiques entre 2005 et 2012.
Dans cette nouvelle étude, Shanshan Deng et ses collègues de l’Institut des sciences géographiques et de la recherche sur les ressources naturelles de l’Académie chinoise des sciences ont étendu ce lien à la période antérieure au lancement du satellite en 2002. Ils ont montré que la direction de la dérive polaire s’est déplacée du sud vers l’est, et ce depuis 1981.
La vitesse moyenne de la dérive polaire s’est accélérée ces dernières années. Les chercheurs ont constaté que la dérive de 1995 à 2020 était 17 fois plus rapide que celle de 1981 à 1995. Cette période coïncide également avec des fontes massives dans l’Arctique et l’Antarctique.
Selon Deng :
La fonte plus rapide des glaces sous l’effet du réchauffement climatique est la cause la plus probable du changement de direction de la dérive polaire dans les années 1990.
Mais ce n’est pas seulement la fonte des glaces polaires qui est à l’origine de cette légère dérive polaire. Toute redistribution importante de la masse peut modifier le barycentre de la planète. Par exemple, les chercheurs ont découvert que les humains ont extrait plus de 18 milliers de milliards de tonnes d’eau des réservoirs souterrains profonds au cours des 50 dernières années. Toute cette masse qui était auparavant stockée et concentrée en certains endroits s’est maintenant répandue dans les océans et les mers du monde. Il est certain que le pompage des eaux souterraines a également dû contribuer à la dérive des pôles, ont noté les chercheurs.
L’analyse a montré que les plus grands changements dans l’eau stockée sous terre se sont produits dans des régions comme la Californie, le nord du Texas, Pékin et le nord de l’Inde. Toutes ces régions ont pompé de grandes quantités d’eau souterraine à des fins agricoles.
La fonte des glaciers en Alaska, au Groenland, dans les Andes méridionales, en Antarctique, dans le Caucase et au Moyen-Orient s’est accélérée au milieu des années 90, devenant le principal moteur poussant les pôles de la Terre à une dérive soudaine et rapide vers 26°E à un rythme de 3,28 millimètres (0,129 pouce) par an. L’intensité de la couleur sur la carte montre où les changements dans l’eau stockée sur Terre (principalement sous forme de glace) ont eu l’effet le plus fort sur le mouvement des pôles entre avril 2004 et juin 2020. Les graphiques en médaillon représentent le changement de la masse des glaciers (en noir) et le changement calculé de l’eau sur terre (en bleu) dans les régions où l’influence est la plus forte. (Deng et col./ Geophysical Research Letters/ AGU)
Selon Suxia Liu, hydrologue à l’Institut des sciences géographiques et de la recherche sur les ressources naturelles de l’Académie chinoise des sciences et auteur correspondant de la nouvelle étude :
Les résultats offrent une piste pour l’étude du mouvement des pôles dû au climat dans le passé. L’objectif de ce projet, financé par le ministère chinois des Sciences et des Technologies, est d’explorer la relation entre l’eau et le mouvement polaire.
L’épuisement des eaux souterraines et la fonte des glaciers polaires sont tous deux dus à une activité humaine non durable. Cela montre que les humains ne sont pas une force insignifiante sur cette planète. Au contraire, nous avons un impact profond sur la planète, à tel point que les scientifiques ont baptisé une nouvelle ère géologique : l’Anthropocène, ou « l’Ère de l’humain ».
L’étude publiée dans la revue Geophysical Research Letters : Polar Drift in the 1990s Explained by Terrestrial Water Storage Changes et présentée sur le site de l’American Geophysical Union : Climate has shifted the axis of the Earth.