Pisciculture lunaire : test de décollage pour des poissons qui pourraient être élevés sur la Lune
Afin d’apporter un peu de nourriture fraiche aux futurs colons lunaires, des chercheurs français tentent de trouver la bonne espèce de poisson qui pourrait subsister sur la Lune et supporter le voyage, et c’est cette première phase qui vient d’être testée, sur Terre.
Image d’entête : un bar (le poisson…) sur la Lune. (NASA/ Wikimédia/ superposées par le Guru)
Cyrille Przybyla, chercheur en aquaculture à l’Institut français de recherche pour l’exploitation de la mer (Ifremer) qui a dirigé les recherches, rêve de concevoir une pisciculture lunaire qui utiliserait l’eau déjà présente sur la lune pour aider à nourrir les habitants du futur village lunaire qui sera créé par l’Agence spatiale européenne (ESA). Le projet Lunar Hatch n’est que l’une des quelque 300 idées actuellement en cours d’évaluation par l’ESA, et pourrait ou non être sélectionné pour la mission finale. L’espoir de Przybyla, cependant, est d’offrir aux habitants de la Lune des aliments frais, appétissants et riches en protéines, et pas seulement des sachets de nourriture lyophilisée.
Ses expériences jusqu’à présent suggèrent qu’il a raison. Cependant, les recherches de son équipe ont également suggéré que les poissons ne sont pas tous aptes à voyager dans l’espace.
Pour commencer leur recherche du parfait poisson-lunaire à servir sur notre satellite naturel, Przybyla et ses collègues ont dressé une liste de centaines d’espèces pour n’en retenir qu’une poignée, celles qui ont de modestes besoins en oxygène, un faible dégagement de dioxyde de carbone, un court temps d’éclosion et une résistance aux particules chargées, puisque les formes de vie sont exposées aux radiations pendant les voyages spatiaux. Ils ont ensuite décidé de sonder l’intégrité des œufs produits par deux espèces : le bar commun (Dicentrarchus labrax) et le maigre (Argyrosomus regius).
Oeufs de poissons. (Ifremer)
Des béchers contenant les œufs ont d’abord été secoués à l’aide d’un équipement de laboratoire standard appelé « shaker orbital ». Ils ont réussi ce premier test. Ensuite, ils ont été exposés à des vibrations beaucoup plus fortes en utilisant une machine différente qui les a secoués selon une séquence spéciale conçue pour simuler le lancement d’une fusée russe Soyouz. L’équipe soutient qu’aucun vol spatial ne provoquerait de secousses plus extrêmes que cela.
Après avoir été secoués, 76 % des œufs de bar commun ont éclos, un résultat qui n’est pas loin du taux de réussite de 82 % des échantillons témoins non secoués. Par rapport aux bars, les œufs de maigre ont fait encore mieux : 95 % des œufs secoués ont éclos, contre 92 % dans le groupe témoin.
Przybyla soupçonne qu’ayant évolué pour résister aux adversités des environnements aquatiques, où ils peuvent endurer de forts courants, des vagues et des collisions avec des surfaces dures, les oeufs de poisson sont naturellement prêts pour l’espace.
Outre les bienfaits nutritionnels des filets de poisson élevés sur la Lune, Przybyla suggère qu’il y aura d’autres avantages pour les astronautes qui pourraient un jour se retrouver à élever des animaux dans l’espace, en ajoutant :
D’un point de vue psychologique, il est préférable d’avoir un rappel de la Terre, vous avez un jardin, vous avez un aquarium avec des poissons.
Concevoir des systèmes autonomes et autosuffisants pour la production alimentaire au-delà de la Terre sera crucial pour les futurs programmes d’exploration spatiale.
L’étude de Przybyla est un premier pas important pour montrer que l’aquaculture est une partie viable de cet avenir.
Le bar est un choix intéressant, car cette espèce tolère des niveaux de salinité variables. Cela pourrait permettre de les accommoder plus facilement malgré l’eau limitée de la Lune. Et le bar pourrait potentiellement être alimenté par les eaux usées d’autres systèmes de base lunaire qui utilisent l’eau de l’environnement lunaire pour produire du carburant pour fusée à base d’hydrogène.
Cependant, il pourrait y avoir un choix de fruits de mer lunaires encore plus approprié. Une étude américaine réalisée pour la NASA a récemment examiné les avantages et les inconvénients de diverses espèces candidates à l’aquaculture en mer. Les invertébrés, tels que les moules et les crevettes, pourraient s’avérer être un meilleur choix que le bar car, selon l’étude, “les espèces de vertébrés prennent beaucoup de place et ne fournissent pas l’apport calorique par masse”.
L’étude publiée dans Aquaculture International : European sea bass (Dicentrarchus labrax) and meagre (Argyrosomus regius) fertilized egg resistance to a spacecraft launcher vibration qualifying test et la description du programme Lunar Hatch sur le site de l’Ifremer : En 2021, les astronautes élèveront des poissons dans l’espace, réalité ou science-fiction ?