Environ 25 % de toutes les espèces d’abeilles sont devenues "invisibles" depuis 1990
Le nombre d’abeilles recensées a fortement diminué depuis les années 1990, selon une analyse mondiale des populations d’abeilles. Si cela ne signifie pas nécessairement que toutes ces espèces ont disparu, cela pourrait indiquer qu’elles sont devenues plus rares, suffisamment pour que personne ne puisse les trouver régulièrement dans la nature.
Image d’entête : une abeille mellifère introduite et une petite abeille Halicte indigène se partagent une fleur dans une forêt de Patagonie. (Eduardo E Zattara/ Université nationale du Comahue)
La pollinisation par les abeilles sauvages est essentielle à la reproduction de centaines de milliers d’espèces de plantes sauvages et elle est cruciale pour le rendement d’environ 85 % des cultures vivrières. Des baisses de l’abondance et de la diversité des espèces d’abeilles ont été signalées à tous les niveaux : local, régional et national, sur différents continents.
Les chercheurs argentins Eduardo Zattara et Marcelo Aizen ont examiné le nombre d’espèces d’abeilles sauvages recensées chaque année dans le système mondial d’informations sur la biodiversité (GBIF pour Global Biodiversity Information Facility), une plateforme permettant de consigner les observations d’espèces d’abeilles. Le GBIF regroupe des données provenant d’un large éventail de sources de données, de localités, de stratégies d’enregistrement et de zones géographiques.
Leurs conclusions montrent qu’entre 2006 et 2015, le GBIF a enregistré 25 % d’espèces en moins par rapport aux données disponibles avant 1990. Ceci est d’autant plus inquiétant que le nombre de relevés d’abeilles dans la base de données a en fait augmenté d’environ 55 % depuis 2000, de sorte que la baisse n’est pas due à un manque d’observations, ont expliqué les chercheurs.
Selon Eduardo Zattara, auteur principal et chercheur à l’université de Comahue en Argentine :
Avec la science citoyenne et la capacité de partager les données, les enregistrements augmentent de façon exponentielle, mais le nombre d’espèces signalées dans ces enregistrements diminue. Ce n’est pas encore un cataclysme d’abeilles, mais ce que nous pouvons dire, c’est que les abeilles sauvages ne sont pas exactement en plein essor.
L’étude a montré que les déclins n’étaient pas répartis uniformément entre les familles d’abeilles. Les observations de variétés d’abeilles plus rares ont chuté plus fortement que celles des familles les plus courantes. Les observations de Melittidae, une famille d’abeilles présente en Afrique, ont chuté de 41 % depuis les années 1990, tandis que les abeilles Halictes, la deuxième famille la plus commune, ont diminué de 17 % au cours de la même période.
L’étude présente certaines limites. En particulier, les résultats sont sujets à une certaine incertitude en raison de la variété des sources de données incluses dans le GBIF. Il est donc impossible de tirer des conclusions définitives sur les différentes espèces, ont déclaré les chercheurs. Néanmoins, même en tenant compte d’éventuelles altérations des données, la tendance observée dans l’étude est claire et correspond à d’autres précédents rapports plus limités sur les défis rencontrés par les abeilles.
Selon les chercheurs dans leur étude :
Étant donné les perspectives actuelles de la biodiversité mondiale, il est plus probable que ces tendances reflètent les scénarios existants de déclin de la diversité des abeilles. Dans le meilleur des cas, cela peut indiquer que des milliers d’espèces d’abeilles sont devenues trop rares ; dans le pire des cas, elles peuvent déjà avoir disparu localement ou globalement.
Les abeilles et autres pollinisateurs sont confrontés à de nombreux défis dans le monde entier. Ils ont perdu leur habitat en raison de l’agriculture, de l’extraction des ressources et du développement urbain et sont également touchés par la pollution atmosphérique et l’utilisation abusive des pesticides, qui peuvent tuer directement les abeilles et affecter leur capacité à se diriger ou à butiner. Le changement climatique est également un grand problème, car de nombreuses abeilles ne parviennent pas à migrer vers des zones plus fraîches.
Des recherches menées l’année dernière ont montré que les bourdons pourraient être au bord de l’extinction. En utilisant un vaste ensemble de données, les chercheurs ont découvert que les insectes sont beaucoup moins communs qu’auparavant. En Amérique du Nord, par exemple, il y a 50% de chances en moins de voir un bourdon dans une zone donnée avant 1974.
L’étude publiée dans la revue One Earth : Worldwide occurrence records suggest a global decline in bee species richness et l’injterview des chercheurs dans The Guardian : Quarter of known bee species have not been recorded since 1990.