Un poisson cultivateur devient le premier animal à domestiquer une autre espèce
Le Guru revient sur quelques faits scientifiques annoncés la semaine passée, et ce tout au long de la semaine, alors qu’il était en pause pour son appel aux dons qui n’est pas tout à fait terminé et cela se passe par ici.
La civilisation humaine ne serait pas là où elle est aujourd’hui si nous n’avions pas domestiqué les animaux pour qu’ils soient soit loyaux et câlins, ou muets et savoureux. Aujourd’hui, des chercheurs australiens ont découvert ce qu’ils prétendent être le tout premier exemple d’un animal domestiquant un autre animal, une espèce de poisson qui recrute de minuscules crevettes pour l’aider à s’occuper de ses cultures d’algues.
On pense que l’humain a domestiqué le loup pour la première fois il y a environ 15 000 ans pour nous aider à chasser, et plus tard pour nous tenir compagnie. Au cours des millénaires suivants, nous avons ajouté des chèvres, des cochons, des moutons et des bovins pour l’alimentation et les matériaux. Et presque toutes les plantes que nous mangeons ne ressemblent en rien à leurs homologues sauvages d’origine, étant donné qu’elles ont été améliorées/ sélectionnées pendant des milliers d’années par nos soins pour être plus grandes, plus résistantes, plus savoureuses, plus nutritives ou plus faciles à cultiver, à récolter et à manger.
Jusqu’à présent, les seuls autres organismes connus pour en domestiquer d’autres ont été des insectes. Par exemple, les fourmis élèvent des pucerons, les protégeant ainsi des prédateurs en échange de la gluante sucrée qu’ils excrètent. Mais ce comportement n’a jamais été observé chez d’autres espèces de vertébrés auparavant.
Jusqu’à présent. Lors d’une expédition dans les récifs coralliens du Belize, une équipe dirigée par des chercheurs des universités Griffith et Deakin (Australie) a découvert que les poissons-demoiselles Stegastes diencaeus semblent avoir domestiqué les crevettes mysidacés.
Un poisson-demoiselle Stegastes diencaeus. (Rohan Brooker)
La relation semble familière. Les poissons-demoiselles sont connus pour cultiver des algues comme nourriture, et il semble qu’ils utilisent les excréments des crevettes mysidacés comme engrais pour aider leurs cultures. En retour, les crevettes ont un refuge sûr pour vivre : les poissons chassent les prédateurs qui nagent trop près d’elles.
Crevettes mysidacés. (Rohan Brooker)
Les scientifiques ont confirmé cette idée par une série de tests sur le terrain et en laboratoire. Ils ont constaté que les mysidacés sont en fait attirés par l’odeur des poissons-demoiselles, alors qu’ils évitent activement l’odeur des prédateurs et ne semblent pas prêter attention aux poissons non élevés ni à la ferme d’algues elle-même.
Pour vérifier si les poissons protègent activement les crevettes, les chercheurs ont placé les mysidacés dans un sac transparent, puis ils ont placé ce sac à l’intérieur ou à l’extérieur d’une installation d’élevage. Bien sûr, à l’extérieur des élevages, d’autres poissons ont essayé de manger les crevettes, mais à l’intérieur, les prédateurs qui s’approchaient trop près étaient repoussés par les poissons des piscicultures.
La station de recherche marine Carrie Bow Cay du Smithsonian, au large des côtes du Belize. Rohan Brooker. (Rohan Brooker)
Enfin, l’équipe a testé les avantages que les crevettes apportent aux poissons. Ils ont constaté que la qualité des algues et la santé du poisson s’amélioraient en présence des crevettes, par rapport aux élevages sans crevettes.
Selon William Feeney, auteur principal de l’étude :
Les études de terrain et les expériences comportementales que nous avons menées à la station de recherche de Carrie Bow Cay ont cependant fourni la preuve que la relation entre les poissons-demoiselles et les mysidacés porte toutes les marques de la domestication, et n’est pas différente de la façon dont les humains élèvent des animaux de ferme. C’est le premier cas enregistré de domestication d’une autre espèce par un vertébré non humain, et la première preuve expérimentale d’une hypothèse sur la façon dont cette domestication a évolué.
L’étude publiée dans Nature Communications : Domestication via the commensal pathway in a fish-invertebrate mutualism et présentée sur le site de l’université Griffith : Can a coral reef fish help unravel how humans domesticated animals?
Pour parler de domestication il faudrait qu’il y est des notions de transformation de l’espèce. Est-ce le cas pour ces crevettes ? Si non, ne s’agit-il pas de partenariat entre deux espèces plutôt ?