Ils ont mis en lumière la source d’énergie du Soleil
Des scientifiques travaillant avec un instrument australien, en Italie, ont trouvé une nouvelle classe de neutrinos provenant du Soleil qui confirme, comme cela a été depuis longtemps théorisé, que le Soleil brûle son combustible nucléaire par deux voies thermonucléaires différentes.
Image d’entête : rendu artistique de la sphère en acier inoxydable du détecteur à scintillation de la collaboration Borexino combinée à l’image du Soleil. (Maxim Gromov/ Collaboration Borexino)
Selon le physicien nucléaire Gioacchino Ranucci, porte-parole de la collaboration Borexino à l’Institut national italien de physique nucléaire (INFN) du laboratoire national du Gran Sasso, où la détection a eu lieu :
Nous avons achevé un chapitre de la physique qui a commencé il y a plus de 80 ans.
La majeure partie de l’énergie du Soleil, selon Ranucci, provient du processus/ chaine proton-proton (pp), dans lequel des noyaux d’hydrogène en collision (chacun composé d’un seul proton) fusionnent, par une série d’étapes, en hélium. Mais dès 1938, il a été proposé que la fusion de l’hydrogène en hélium puisse également être catalysée par le carbone, l’azote et l’oxygène, dans une série de réactions appelée cycle CNO pour cycle carbone-azote-oxygène.
Pour confirmer cette hypothèse depuis la Terre, il faut toutefois examiner les neutrinos que chacun produit comme sous-produit et distinguer ceux du cycle CNO de ceux du processus pp, une tâche qui s’étend sur plusieurs décennies.
Les neutrinos sont des particules subatomiques sans masse ni charge, qui se déplacent à une vitesse proche de celle de la lumière. Ils traversent facilement la matière ordinaire, un grand nombre d’entre eux traversant la Terre à chaque instant.
Cependant, il arrive parfois qu’un électron soit frappé et libéré de son atome d’origine. Pour repérer ces rares rencontres, les détecteurs de neutrinos, comme celui du laboratoire national du Gran Sasso, sont dotés de grands réservoirs de fluide tapissés de capteurs capables de détecter les faibles éclairs de lumière qui se produisent lorsque ces électrons interagissent avec leur environnement.
Des opérateurs sur l’échafaudage d’installation qui montent les phototubes sur la sphère Borexino. (Borexino Collaboration)
Pour éviter les interférences d’autres types de rayonnement, comme les rayons cosmiques, ces détecteurs à scintillation liquide (scintillateurs organiques) sont placés dans des chambres blindées et enterrés sous terre. Même dans ce cas, il est difficile d’empêcher les rayonnements parasites d’entrer.
Le détecteur du Borexino se trouve au cœur de la chaine des montagnes des Apennins, dans le centre de l’Italie, au Laboratoire national du Gran Sasso.
Au cœur du détecteur à scintillation du Laboratoire national du Gran Sasso. (Borexino Collaboration)
Selon Marco Pallavicini, de l’université de Gênes :
Cette nouvelle découverte est le couronnement d’un effort acharné qui nous a conduit à pousser la technologie des scintillateurs liquides au-delà de toute limite précédemment atteinte, et à faire du cœur de Borexino l’endroit le moins radioactif du monde.
La chaine pp et le cycle CNO produisent le même type de neutrinos. Mais ceux-ci transportent des mélanges d’énergies différents, et c’est en les déchiffrant soigneusement que les scientifiques du Borexino ont pu faire leur découverte.
Selon Ranucci :
C’est la toute première démonstration directe que le cycle CNO se produit réellement au cœur du Soleil. Nous complétons ainsi le tableau du fonctionnement d’une étoile.
Mieux encore, son équipe a découvert que le nombre de ces neutrinos qu’ils ont détectés, comparé à ceux du processus pp, indique que le cycle CNO contribue pour environ 1% à l’énergie totale du Soleil, comme la théorie l’avait depuis longtemps prédit.
C’est important non seulement pour comprendre le Soleil, mais aussi pour comprendre les autres étoiles, car la théorie du domaine de l’astrophysique suggère que pour celles qui sont à peine 30 % plus massives que notre étoile, le cycle CNO devrait être leur source d’énergie principale.
En outre, les scientifiques suggèrent dans leur étude, publiée cette semaine (lien plus bas), qu’il pourrait même être possible d’affiner suffisamment les mesures des neutrinos afin de calculer la quantité de carbone, d’azote et d’oxygène dans le noyau de notre Soleil, une mesure expérimentale directe de ce que les astrophysiciens appellent sa métallicité (sa teneur en éléments plus lourds que l’hydrogène et l’hélium).
C’est important, car cela nous permet de mieux comprendre non seulement comment le Soleil produit de l’énergie, mais aussi comment celle-ci s’échappe de son intérieur pour finalement réchauffer notre planète, un processus affecté par la quantité d’éléments plus lourds présents dans son noyau.
L’étude publiée dans Nature : Experimental evidence of neutrinos produced in the CNO fusion cycle in the Sun et présentée sur le site de l’Université du Massachusetts à Amherst : Neutrinos Yield First Experimental Evidence of Catalyzed Fusion Dominant in Many Stars.