Un minuscule amphibien présente le plus ancien exemple connu de langue à projection rapide
De nouvelles recherches sur de vieux fossiles ont permis de découvrir une nouvelle espèce d’amphibiens. L’animal appartenait à la famille des albanerpetontidés et fournit la plus ancienne preuve connue d’une langue de type fronde.
Image d’entête : Yaksha perettii adulte, représenté ici dans une reconstitution de ses derniers instants, avant que de la sève d’arbre (ambre) ne le fixe jusqu’à nos jours. (Stephanie Abramowicz/ Peretti Museum Foundation/ JD Daza et col./ Science)
Les fossiles avaient été précédemment analysés et interprétés à tort comme appartenant à une espèce d’anciens caméléons. Cependant, la nouvelle étude démontre que malgré leurs griffes, leurs écailles et leur queue semblables à celles d’un lézard, les albanerpetontides (ou « albies ») étaient en fait des amphibiens. Ils appartenaient à une lignée distincte des grenouilles, salamandres et caeciliens modernes. Cette lignée s’est développée sur quelque 165 millions d’années et s’est éteinte il y a environ 2 millions d’années.
Les fossiles décrits dans cette étude sont vieux d’environ 99 millions d’années, et permettent de montrer comment les albies chassaient : ils attendaient une proie potentielle, puis utilisaient leur langue pour l’attraper, comme les caméléons modernes. Ce spécimen fossile (précédemment identifié à tort comme un caméléon primitif) est le premier albie découvert dans le Myanmar actuel et le seul exemple connu dans de l’ambre. L’espèce a été baptisée Yaksha perettii, du nom des esprits gardiens de trésors connus sous le nom de yakshas dans la littérature hindoue et d’Adolf Peretti, qui a découvert le fossile.
Ce fossile d’ambre contient le crâne d’un albanerpetontid adulte, qui a été remarquablement conservé. (JD Daza et Col./ Science)
Selon le coauteur de l’étude, Edward Stanley, directeur du laboratoire de découverte et de diffusion numérique du Musée d’histoire naturelle de Floride :
Cette découverte ajoute une pièce très intéressante au puzzle de cet obscur groupe de petits animaux bizarres. Savoir qu’ils avaient cette langue balistique nous donne une toute nouvelle compréhension de toute cette lignée.
L’erreur initiale d’identification de l’espèce s’est résumée aux fossiles dont elle était issue : un individu juvénile avec un enchevêtrement de caractéristiques, dont un os de langue spécialisé. Le document les décrivant a déclenché une collaboration internationale pour mieux identifier les fossiles, après que Susan Evans, professeur de morphologie et de paléontologie des vertébrés à l’University College London et experte en albie, ait reconnu certaines des caractéristiques. Avec Peretti, les chercheurs ont envoyé le spécimen ainsi que d’autres similaires à l’université du Texas à Austin pour y être scannés par tomographie assistée par ordinateur (CT).
Il a été constaté qu’un spécimen était en parfait état (ce qui tend à être rare chez les albies). Il s’agissait également, heureusement, d’un homologue adulte du juvénile qui avait été mal identifié auparavant.
Selon Evans :
Tout était là où il devait être. Il y avait même des tissus mous.
L’excellente qualité du spécimen a permis à l’équipe de dissiper certaines hypothèses erronées sur l’espèce. Leurs crânes renforcés ont conduit les chercheurs à émettre l’hypothèse qu’il s’agissait d’une espèce de salamandres fouisseuses. Plusieurs autres caractéristiques communes, notamment leurs griffes, leurs écailles et leurs grandes orbites, rappelaient également celles des reptiles. L’albie avait probablement aussi une langue similaire à celle des caméléons d’aujourd’hui.
Comme pour la vidéo ci-dessus, ce scanner d’un crâne de 99 millions d’années montre les grandes orbites des albies, leurs petites dents et l’os long qui leur permettaient de lancer leur langue à la vitesse de l’éclair. Les points sur le crâne ont servi de renforcement. Les tissus mous préservés sont représentés en rose. (Edward Stanley/ Florida Museum)
En se basant sur le crâne, les chercheurs estiment que l’Y. perettii mesurait environ 5 cm de long, sans compter la queue. Le juvénile faisait un quart de cette taille. Il s’appuyait sur sa langue rapide (la langue de caméléon peut aller de 0 à 90 km/h en un centième de seconde, étant l’un des muscles les plus rapides du règne animal) pour chasser les insectes, et il essayait sinon de se cacher dans les broussailles, estime l’équipe.
Sa nature prédatrice et sa langue propulsive expliquent également ses autres caractéristiques « bizarres et merveilleuses », notamment des articulations inhabituelles de la mâchoire et du cou et de grandes orbites orientées vers l’avant. Il est également probable qu’il ait respiré à travers sa peau comme le font les salamandres, mais cela n’est pas encore confirmé.
Bien que les spécimens soient en excellent état, l’équipe ne sait pas encore très bien où ils se situent dans l’arbre généalogique des amphibiens en raison de la combinaison inhabituelle de leurs caractéristiques.
Toujours selon Evan :
En théorie, les albies pourraient nous donner un indice de ce à quoi ressemblaient les ancêtres des amphibiens modernes. Malheureusement, ils sont si spécialisés et si bizarres à leur manière qu’ils ne nous aident pas beaucoup.
On ne connaît pas d’albies ayant survécu aux temps modernes, mais ils se sont éteints il y a seulement deux millions d’années environ, ce qui signifie qu’ils ont peut-être croisé le chemin de nos anciens parents hominidés.
L’étude publiée dans Science : Enigmatic amphibians in mid-Cretaceous amber were chameleon-like ballistic feeders et présentée sur le site du Florida Museum : Earliest example of a rapid-fire tongue found in ‘weird and wonderful’ extinct amphibians.