Les microfibres de nos jeans se retrouvent jusqu’en Arctique
Le blue-jean en denim est sans doute l’article vestimentaire le plus populaire au monde. Beaucoup le portent quotidiennement au travail, à l’école, pour leurs activités sociales, etc. Cependant, leur polyvalence en matière de mode a un coût pour l’environnement. Non seulement la fabrication des jeans est gourmande en carbone et en eau, mais chaque fois que vous le lavez, des fibres microscopiques sont rejetées et finissent dans les cours d’eau. Selon une nouvelle étude, les microfibres des blue-jeans sont courantes dans le monde entier, atteignant les lacs et même les sédiments marins des régions arctiques les plus reculées.
Image d’entête : Image microscopique d’un tissu en blue-jeans décoloré. (Wikimédia)
Le jean denim est fabriqué à partir de fibres naturelles de cellulose de coton, qui sont traitées avec de la teinture synthétique indigo et d’autres additifs afin d’améliorer les performances et la durabilité. Selon l’ONU, il faut environ 3 780 litres d’eau pour fabriquer un seul jean, de la culture du coton à la boutique de mode. Ce qui est inquiétant, c’est que la plupart des jeans sont fabriqués dans des régions du monde où l’eau est rare, notamment au Pakistan, au Mexique, en Chine et en Inde, ainsi que dans certaines parties de la Californie.
Selon les Nations unies, environ 20 % des eaux usées dans le monde proviennent de la teinture et du traitement des tissus. Du côté des consommateurs, le lavage des blue-jeans produit des microfibres qui se retrouvent non seulement dans les eaux usées, mais aussi dans toutes sortes d’environnements marins et d’eau douce.
Dans une nouvelle étude, des chercheurs de l’université de Toronto (Canada) ont étudié la répartition des microfibres de denim indigo dans les environnements aquatiques du Canada, de la ville de Toronto aux régions arctiques éloignées. L’idée et les motivations de cette étude sont apparues par hasard, alors que les chercheurs trouvaient continuellement des fibres de coton teintes à l’indigo. Ils ont décidé de savoir ce que c’était et d’où cela provenait.
Malgré le fait que les stations d’épuration des eaux usées éliminent une partie des fibres, les résultats montrent que les microfibres du denim pénètrent toujours l’environnement.
Selon Samantha Athey, du département des sciences de la terre de l’Université de Toronto et auteure de la nouvelle étude :
En faisant cela, nous avons cherché à tracer les voies et à identifier une source de ces fibres dans l’environnement. Nous avons découvert que la plupart des microfibres trouvées dans les sédiments et les poissons n’étaient pas en fait des microfibres plastiques mais de la cellulose modifiée par l’homme (ou des fibres de cellulose avec des additifs chimiques associés, comme des colorants), dont la plupart étaient des fibres de denim indigo. Nous avons ensuite identifié ces fibres de denim indigo dans l’effluent final de la station d’épuration et de là, grâce à des expériences de lavage contrôlé, nous avons pu démontrer que le blue-jean est une source de ces fibres dans l’environnement aquatique via les eaux usées.
Le plus frappant, c’est que cette étude nous révèle vraiment l’empreinte écologique généralisée des vêtements que nous portons et lavons chaque jour (le blue-jean n’étant qu’un exemple parfait et personnel de notre garde-robe). Ces fibres agissent comme un puissant symbole des restes de nos vêtements qui s’étendent bien au-delà de nos placards, de nos machines à laver aux poissons que nous consommons, en passant par l’océan Arctique, qui, espérons-le, nous encourage à réfléchir à l’impact de leurs vêtements.
(Freepik)
Selon les résultats, le denim indigo représente jusqu’à 20 % de toutes les microfibres trouvées dans les sédiments des Grands Lacs à l’archipel arctique canadien. Selon Athey, sur la base des preuves recueillies jusqu’à présent, les fibres de coton teintes à l’indigo sont transportées sur de longues distances par la circulation atmosphérique et océanique, ce qui signifie qu’elles peuvent facilement se retrouver n’importe où, même dans des endroits aussi éloignés que les sédiments de l’Arctique.
En se basant sur les niveaux de microfibres de denim dans les eaux usées, les chercheurs estiment que toutes les stations d’épuration des eaux usées du Canada incluses dans cette étude rejettent environ un milliard de fibres de denim indigo par jour. Une seule paire de jeans pourrait libérer environ 50 000 microfibres par cycle de lavage, ont ajouté les chercheurs dans leur étude publiée cette semaine (lien plus bas).
Bien que les microfibres de blue-jeans se soient avérées abondantes dans tous les sédiments qu’ils ont échantillonnés, les chercheurs n’ont pu trouver qu’une seule microfibre de denim dans le tube digestif d’un type de poisson connu sous le nom d’éperlan arc-en-ciel. Mais comme le but de cette étude était de quantifier les microfibres du denim dans l’environnement plutôt que leur impact sur la faune, on ne sait pas encore quelles sont les implications à court ou à long terme.
Une chose est sûre, cependant : l’impact n’est pas positif. Au mieux, les microfibres du denim ont un effet neutre sur le bien-être de la faune et de l’environnement en général. Mais outre le fait de ne plus acheter de jeans, la meilleure chose que les consommateurs puissent faire est de laver leur jean moins souvent, affirment les chercheurs.
D’autres recherches à l’avenir pourraient déterminer l’impact de ces microfibres sur l’environnement.
L’étude publiée dans Environmental Science & Technology Letters : The Widespread Environmental Footprint of Indigo Denim Microfibers from Blue Jeans.