Des ondes gravitationnelles signalent la plus grande collision de trous noirs jamais détectée
La collaboration scientifique LIGO et Virgo a détecté des ondes gravitationnelles provenant de la plus grande collision de trous noirs jamais détectée. Le résultat final a créé un trou noir gargantuesque qui appartient à une nouvelle classe.
Image d’entête : Représentation artistique de deux trous noirs en collision. (Mark Myers/ ARC Centre of Excellence for Gravitational Wave Discovery (OzGrav))
Une chasse au trésor centenaire, initiée par Einstein, a finalement pris fin en 2015, lorsque l’Observatoire d’ondes gravitationnelles par interférométrie laser (LIGO) a détecté des ondes gravitationnelles pour la toute première fois. Ces ondulations dans le tissu même de l’espace et du temps sont créées par certains des plus puissants cataclysmes du cosmos, généralement lors de la collision de trous noirs ou d’étoiles à neutrons. Au cours des 5 années qui ont suivi, le LIGO et d’autres installations comme le Virgo ont détecté des dizaines de signaux d’ondes gravitationnelles. Et maintenant, la Collaboration a capté un signal provenant d’une gigantesque collision qui a créé un nouveau trou noir plus de deux fois la masse de tout autre trou noir jamais détecté par des ondes gravitationnelles.
Le signal, connu sous le nom de GW190521, a été détecté le 21 mai 2019, prenant la forme de quatre courtes secousses qui ont duré moins d’un dixième de seconde. Il semble qu’il s’agisse des ondes de choc d’une collision qui a eu lieu il y a environ 6 milliards d’années, entre deux trous noirs dont la masse était environ 65 à 85 fois celle du Soleil. Le trou noir restant qui s’est formé a une masse de 142 fois celle du Soleil, et les 8 masses solaires manquantes ont été converties en énergie et emportées par les ondes gravitationnelles.
Cela signifie que les trois trous noirs impliqués, les deux progéniteurs et le résultat de la fusion, étaient beaucoup plus massifs que tous les autres détectés par des ondes gravitationnelles jusqu’à présent. Le précédent record était un événement appelé GW170729, qui a vu des trous noirs de 50 et 34 masses solaires entrer en collision pour créer un trou noir résiduel de 80 masses solaires.
Simulation numérique de deux trous noirs qui fusionnent en émettant des ondes gravitationnelles. (Max-Planck-Institut für Gravitationsphysik)
Outre ce record de masse, cette énorme collision soulève en fait plusieurs questions fondamentales sur les trous noirs. Plus précisément, le trou noir résultant de cette fusion tombe directement dans un » espace de masse » où l’on ne trouve normalement pas de trous noirs.
Les trous noirs tels que nous les connaissons se divisent généralement en deux catégories : il y a les trous noirs stellaires, qui ont des masses comprises entre environ 5 et plusieurs dizaines de masses solaires. Et puis il y a les trous noirs supermassifs, qui ont des masses de millions ou même de milliards de soleils. Cela laisse un grand vide au milieu.
Les astronomes ont émis l’hypothèse qu’il pourrait y avoir des trous noirs de masse intermédiaire (IMBH) qui se cachent dans cet espace, avec des masses comprises entre 100 et 10 000 masses solaires environ. Et bien que certaines preuves de ces masses intermédiaires aient été trouvées par le passé, leur existence reste encore à confirmer. Avec la masse de 142 soleils, ce nouveau géant s’inscrit solidement dans le territoire des IMBH, et ces ondes gravitationnelles en constituent la meilleure preuve à ce jour.
Mais ce n’est pas la seule particularité : à 85 masses solaires, le plus grand des deux trous noirs qui sont entrés en collision était également trop gros pour s’être formé à partir d’une supernova. Les scientifiques suggèrent plutôt qu’il avait également englouti plusieurs trous noirs plus petits dans le passé.
Cette représentation artistique illustre un schéma hiérarchique pour la fusion de ces trous noirs. (LIGO/Caltech/MIT/R. Hurt (IPAC)
Selon Simon Stevenson, du projet OzGrav de l’université de technologie Swinburne, un des chercheurs de l’équipe :
Ces trous noirs « incroyablement » massifs pourraient être constitués de deux trous plus petits qui ont fusionné auparavant. Si c’est vrai, nous avons un grand trou noir fait de trous noirs plus petits, avec des trous noirs encore plus petits à l’intérieur, comme des poupées russes.
Ce scénario suggère un mécanisme possible pour la formation des trous noirs supermassifs. Les trous noirs stellaires pourraient continuer à se rencontrer pendant des millions et des milliards d’années, et devenir de plus en plus gros jusqu’à ce qu’ils aient une masse suffisante pour maintenir des galaxies entières ensemble.
Pour David Ottaway, coauteur de l’étude :
C’est un grand pas vers la compréhension du lien entre les trous noirs plus petits qui ont été vus par les détecteurs d’ondes gravitationnelles et les trous noirs massifs qui se trouvent au centre des galaxies.
Les études publiées dans Physical Review Letters : GW190521: A Binary Black Hole Merger with a Total Mass of 150 M⊙ et dans l’Astrophysical Journal Letters : Properties and Astrophysical Implications of the 150 M ⊙ Binary Black Hole Merger GW190521 et présentées sur le site de l’université Vanderbilt : Vanderbilt astrophysicist part of international team that discovered a gargantuan ‘alien’ black hole that challenges previous knowledge of the universe et la fiche descriptive de cette évènement sur le site du LIGO : GW190521: A Binary Black Hole Merger with a Total Mass of 150 M_o.