Universelle ou culturelle ? De nouvelles preuves que les expressions émotionnelles sont universelles
Des sculptures préhistoriques représentant des visages humains ont amené des scientifiques à penser que certaines expressions pourraient bien être universelles à travers le temps et la culture.
De nouvelles recherches ont montré que les anciens Mayas et d’autres civilisations méso-américaines, telles que les Olmèques, sculptaient des scènes de douleur, d’exaltation, de tristesse, de colère, de tension et de détermination d’une manière qui nous est encore reconnaissable jusqu’à 3 500 ans plus tard.
En rassemblant des images d’anciennes sculptures du Mexique et d’Amérique centrale, des chercheurs de l’université de Californie à Berkeley (Etats-Unis) ont payé 325 participants anglophones pour qu’ils regardent des visages isolés et les associent à des émotions et des états émotionnels sélectionnés.
Les photos ont été recadrées pour ne montrer que le visage, sans autre contexte. À l’insu des participants, ces sculptures représentaient des personnes retenues en captivité ou torturées, se préparant au combat, jouant d’un instrument, embrassant un être cher ou tentant de soulever un objet lourd.
Image d’entête, à partir de l’étude : anciennes sculptures américaines aux visages et contextes discernables. (A) Captive du site archéologique de Tonina (Mexique, 690-700 CE). (B) Torturé, scalpé, prisonnier de Campeche (Mexique, 700-900 CE). (C) Homme maya transportant une grosse pierre (Mexique, 600-1200 CE). (D) Couple uni (Mexique, 200-500 CE). (E) Femme maya tenant un enfant (Mexique, 600-800 CE). (G) Joueur de baseball maya (Mexique, 700-900 CE). (H) Joueur de tambour de Colima (Mexique, 200 avant J.-C.-500 après J.-C.). (Cowen and Keltner, Science Advances)
114 autres participants en ligne ont été invités à observer les portraits et à leur attribuer des émotions et des états émotionnels en se basant uniquement sur une description verbale des situations représentées par les sculptures.
Dans l’ensemble, les chercheurs ont constaté que les participants interprétaient les sculptures de la même manière que le monde occidental anglophone imaginerait que quelqu’un se sente dans cette scène.
Selon les chercheurs, cela suggère que les expressions que nous affichons ne sont pas dictées par les forces de la culture moderne, mais que ce sont des impulsions inhérentes qui existent depuis des millénaires.
Selon les chercheurs :
Les résultats actuels confirment donc l’universalité d’au moins cinq types d’expressions faciales : celles qui sont associées à la douleur, à la colère, à la détermination et à la tension, à l’exaltation et à la tristesse.
Ces résultats soutiennent l’idée que nous sommes biologiquement préparés à exprimer certains états émotionnels par des comportements particuliers, ce qui met en lumière la nature de nos réactions aux expériences censées donner un sens à notre vie.
Cet argument rejoint un vieux débat entre spécialistes des sciences sociales qui ne sera probablement pas résolu par une seule étude. Alors que certains scientifiques pensent que la façon dont nous exprimons nos émotions, comme froncer les sourcils ou sourire, est universelle et inhérente à notre nature, d’autres considèrent que les expressions faciales dépendent de la culture.
Même en examinant les mêmes données provenant d’études sur la reconnaissance des émotions, ces deux grandes écoles de pensée peuvent être en désaccord. Alors que de nombreuses études ont présenté des images de personnes d’autres cultures pour voir si elles identifient les mêmes expressions, d’autres soutiennent que ces méthodes sont entachées par la présence de chercheurs et l’influence de la pensée occidentale.
La nouvelle étude contourne quelque peu ce problème, en réalisant l’enquête en ligne et en s’appuyant sur l’art maya qui est antérieur à tout contact avec les civilisations occidentales.
Cependant, même cette méthode a ses limites. Les chercheurs admettent qu’ils ne peuvent pas savoir avec certitude si les sculptures sont des représentations exactes de la vie quotidienne en Méso-Amérique préhistorique.
Nous n’avons pas d’aperçu direct des sentiments des anciens peuples des Amériques. Ce que nous pouvons conclure, c’est que les artistes de l’Amérique ancienne partageaient certaines des associations des Occidentaux d’aujourd’hui entre la configuration des muscles faciaux et les contextes sociaux dans lesquels ils pouvaient se produire, associations qui sont antérieures à tout contact connu entre l’Occident et les anciennes Amériques.
Nous ne pouvons cependant pas supposer que notre interprétation actuelle des choses soit celle des anciennes cultures.
Il existe probablement des distinctions subtiles entre la façon dont les Mayas s’exprimaient et la façon dont nous nous exprimons aujourd’hui.
De telles subtiles variations ont même été constatées parmi nous aujourd’hui. En comparant les expressions faciales occidentales et orientales, par exemple, des études ont montré que la façon dont nous interprétons le bonheur, la surprise, la peur, le dégoût, la colère et la tristesse sur le visage des autres peut très bien différer d’une culture à l’autre.
Bien que cela puisse impliquer que les expressions faciales ne sont pas ancrées ou génétiques, d’autres études ont montré que les expressions faciales restent les mêmes, même pour les personnes nées aveugles.
Selon toute vraisemblance, l’arsenal humain d’expressions faciales est probablement un mélange de nature et d’éducation. Par exemple, des recherches sur une société culturellement isolée en Papouasie-Nouvelle-Guinée ont montré que si certaines expressions, comme le sourire et la grimace, étaient comprises de la même manière que dans la culture occidentale, un souffle franc était interprété non pas comme un choc, mais comme une menace.
De la même manière, la nouvelle étude a révélé que le mépris, le dégoût et la crainte étaient particulièrement universels. Certaines expressions faciales, semble-t-il, pourraient être plus universelles que d’autres.
L’étude publiée dans Science Advances : Universal facial expressions uncovered in art of the ancient Americas: A computational approach.