Les signes révélateurs d’une planète en formation autour d’une lointaine étoile
Des astronomes ont découvert les signes révélateurs de la naissance d’un système stellaire, notamment un « rebondissement » (une surprise…) qui pourrait être notre tout premier aperçu de la formation d’une nouvelle planète.
Les observations effectuées à l’aide du Very Large Telescope (VLT) de l’Observatoire européen austral (ESO) ont permis de révéler une image étonnante d’une spirale de poussière et de gaz au cours de la naissance d’un nouveau système stellaire.
Image d’entête : Image du disque autour de AB Aurigae obtenue par l’instrument SPHERE du VLT. (ESO/ Boccaletti et coll.)
La formation des planètes est un processus fascinant. Tout d’abord, une étoile doit se former en entraînant un disque géant de poussière et de gaz qui l’alimente. Une fois ce processus terminé, les astronomes pensent que le disque restant commence à s’agglutiner (accrétion) pour former d’autres morceaux que l’on trouve dans les systèmes planétaires : astéroïdes, comètes, planètes naines et, bien sûr, planètes.
Tout d’abord, les forces électrostatiques rassemblent de minuscules amas de matière froide. Puis, à mesure que ces amas grandissent, ils commencent à générer suffisamment de puissance gravitationnelle pour en attirer d’autres, créant ainsi un objet dense et compact. Au cours de ce processus, les orbites des particules de poussière autour de la planète en formation sont perturbées, et la forme de leur orbite devient elliptique, créant une oscillation entre leur point le plus proche et le plus éloigné.
Si cette oscillation est un multiple de la période orbitale de la particule, elle crée une résonance, appelée résonance de Lindblad, qui devrait générer un motif en spirale.
Revenons au système étudié ici. Appelé AB Aurigae, il est situé à 520 années-lumière de la Terre dans la constellation Auriga, souvent appelée « le Cocher ». Alors que les astronomes savent depuis un certain temps que les planètes naissent dans ces disques poussiéreux qui entourent les jeunes étoiles, cette dernière découverte a révélé autre chose, le fameux “twist” (rebondissement).
D’après les informations qu’ils ont recueillies, les astronomes pensent que ce “rebondissement” marque l’emplacement de la première preuve directe de la naissance d’une jeune planète. Selon Emmanuel Di Folco, du Laboratoire d’astrophysique de Bordeaux, les spirales de ce type « donnent un coups de fouet » au gaz pour créer des perturbations semblables à des vagues dans le disque, un peu comme le sillage d’un bateau sur un lac, la fameuse résonance de Lindblad.
Lorsque le jeune planète tourne autour de l’étoile centrale, cette vague prend la forme d’un bras en spirale. Sur l’image publiée par l’ESO, la région de torsion jaune très brillante proche du centre de AB Aurigae se trouve à peu près à la même distance de l’étoile que Neptune ne l’est du Soleil.
Un zoom de l’image d’entête : près du centre de l’image, dans la région intérieure du disque, on voit la « torsion » (en jaune très brillant) qui, selon les scientifiques, marque l’endroit où une planète est en train de se former. (ESO/ Boccaletti et coll.)
Cette région n’est que l’un des sites de perturbation où les astronomes pensent qu’une planète est en train de se former. Les premiers indices de l’importance de cette région sont apparus après les observations faites il y a quelques années par l’Atacama Large Millimeter/submillimeter Array (ALMA).
A cette époque, l’ALMA a révélé deux bras de gaz en spirale proches de l’étoile, situés dans la région interne du disque. Puis, en 2019 et début 2020, Anthony Boccaletti et une équipe d’astronomes de France, de Taiwan, des États-Unis et de Belgique ont entrepris de capturer une image plus claire en tournant l’instrument SPHERE du VLT de l’ESO au Chili vers l’étoile. Cela a permis de révéler les images les plus proches du système à ce jour.
En parlant de la torsion observée dans les images, Anne Dutrey, coauteure de l’étude dévoilant les conclusions des astronomes, a déclaré :
Ce rebondissement est attendu de certains modèles théoriques de la formation des planètes.
Il correspond à la connexion de deux spirales, l’une s’enroulant vers l’intérieur de l’orbite de la planète, l’autre s’étendant vers l’extérieur, qui se rejoignent à l’emplacement de la planète. Elles permettent au gaz et à la poussière du disque de s’accréter sur la planète en formation et de la faire croître.
Une fois que le Très Grand Télescope de l’ESO sera opérationnel dans quelques années, les chercheurs ont déclaré qu’ils seront en mesure de profiter de vues encore plus détaillées des planètes en formation.
Selon Boccaletti, qui a dirigé l’étude :
Nous devrions pouvoir voir directement et plus précisément comment la dynamique du gaz contribue à la formation des planètes.
L’étude publiée dans la revue Astronomy & Astrophysics : Possible evidence of ongoing planet formation in AB Aurigae et présentée sur le site de l’ESO : Le télescope de l’ESO observe les signes de la naissance d’une planète.