En fait, les raptors ne devaient pas chasser en meute
Les vélociraptors ne chassaient probablement pas en meute, du moins à en juger par leurs dents.
Une nouvelle étude de l’université du Wisconsin à Oshkosh (Etats-Unis) a examiné la composition chimique des dents de spécimens de vélociraptors fossilisées tout au long de leur vie. L’équipe rapporte que ses conclusions suggèrent qu’il est peu probable que ces agiles prédateurs chassent en grandes meutes coordonnées comme le feraient des loups, ce qui signifierait que la série de films “Jurassic Park” (GIF d’entête) se serait fourvoyée sur leur comportement (mais comment auraient put-ils savoir à l’époque…).
Selon Joseph Frederickson, paléontologue spécialiste des vertébrés de l’université du Wisconsin à Oshkosh :
Les dinosaures rapaces sont souvent montrés en train de chasser en meutes semblables à celles des loups.
Les preuves de ce comportement ne sont cependant pas tout à fait convaincantes. Comme nous ne pouvons pas observer ces dinosaures chasser de visu, nous devons utiliser des méthodes indirectes pour déterminer leur comportement dans la vie.
Jurassic Park présente des raptors (Deinonychus antirrhopus) qui chassent en meute pour abattre de grosses proies. Et s’ils étaient sans aucun doute des créatures redoutables dans la vie réelle, avec leurs serres en forme de faucille et leurs crocs effrayants, ils ne chassaient probablement pas en meute.
Reconstitution artistique du Deinonychus antirrhopus. (Fred Wierum/ Wikipedia)
L’équipe explique que ni les oiseaux ni les crocodiliens, qui sont les plus proches parents vivants des dinosaures, ne chassent en groupe, et qu’ils ne chassent que rarement des proies plus grosses qu’eux. Comme leur comportement ne peut pas se fossiliser, ajoutent-ils, nous devons nous appuyer sur ce genre de preuves circonstancielles pour déduire leurs habitudes de chasse.
Une autre preuve provient d’une analyse chimique des isotopes que l’équipe a effectuée sur des dents récupérées dans des fossiles de rapaces d’âges différents. L’idée était basée sur l’observation des dragons de Komodo, une espèce dans laquelle les petits peuvent très bien être attaqués et mangés par les adultes, alors ils se réfugient dans les arbres. Ils ont ainsi accès à des ressources alimentaires que les adultes (plus grands) n’ont pas, ce qui laisse une marque dans l’équilibre des isotopes de carbone dans leurs tissus, dans ce cas, leurs dents de nourrisson.
Les animaux qui chassent en meute ne verraient pas de changement dans leur équilibre en isotopes de carbone, car ils conserveraient le même régime alimentaire tout au long de leur vie puisque la meute aide à nourrir tout le monde, quel que soit l’âge, à partir des mêmes animaux tués.
Selon M. Frederickson :
Nous avons proposé dans cette étude qu’il existe une corrélation entre la chasse en meute et le régime alimentaire des animaux au fur et à mesure de leur croissance.
Si nous pouvons examiner le régime alimentaire des jeunes rapaces par rapport aux vieux rapaces, nous pouvons formuler une hypothèse sur le fait qu’ils chassent en groupe.
Leur analyse s’est concentrée sur des dents fossilisées de Deinonychus. Cette espèce de rapace était originaire d’Amérique du Nord pendant la période du Crétacé, il y a environ 115 à 108 millions d’années. Ils ont analysé les niveaux d’isotopes de carbone et d’oxygène à l’intérieur des dents pour avoir une idée de ce qu’ils mangeaient et buvaient. Les données ont été comparées à celles d’un crocodilien et de quelques fossiles de dinosaures herbivores retrouvés dans la même formation géologique.
Les dents indiquent une transition dans le régime alimentaire des rapaces au fur et à mesure qu’ils vieillissent, car l’équipe a trouvé des différences dans les valeurs isotopiques entre les plus petites et les plus grandes dents.
Selon Frederickson :
C’est ce à quoi on s’attendrait pour un animal dont les parents ne fournissent pas de nourriture à leurs petits. Nous observons également le même schéma chez les rapaces, où les plus petites dents et les grandes dents n’ont pas les mêmes valeurs moyennes d’isotopes de carbone, ce qui indique qu’ils mangent des aliments différents.
Cela signifie que les jeunes n’étaient pas nourris par les adultes, c’est pourquoi nous pensons que Jurassic Park avait tort sur le comportement des rapaces.
Bien que la recherche actuelle se concentre sur les rapaces, la technique pourrait être utilisée pour étudier les modes de chasse et d’alimentation d’autres espèces éteintes, conclut l’équipe.
L’étude publiée dans la revue Palaeogeography, Palaeoclimatology, Palaeoecology : Ontogenetic dietary shifts in Deinonychus antirrhopus (Theropoda; Dromaeosauridae): Insights into the ecology and social behavior of raptorial dinosaurs through stable isotope analysis et présentée sur le site de l’université du Wisconsin à Oshkosh : ‘Jurassic Park’ got it wrong: UWO research indicates raptors don’t hunt in packs.