Les Néandertaliens d’Europe se nourrissaient de fruits de mer frais, ce qui aurait stimulé leur cerveau
Il semble que les Néandertaliens variaient les plaisirs alimentaires, car leur régime comprenait non seulement des animaux chassés et des plantes, mais aussi une abondance de nourriture provenant de l’océan.
Image d’entête : fragments fissurés et brûlés de crabe dormeur (Cancer pagurus) trouvé sur le site de fouille en Espagne. (Mariana Nabais/ João Zilhão)
Cette découverte est importante, car une éminente théorie décrivant les origines de l’Homo sapiens en Afrique affirme que les fruits de mer riches en graisses oméga-3, l’acide docosahexaénoïque (DHA) en particulier, et d’autres nutriments ont stimulé notre capacité cérébrale pour faire de nous l’espèce intelligente que nous sommes aujourd’hui.
À l’inverse, le manque de preuves de la consommation d’aliments marins dans l’ancienne Europe a laissé entendre que les Néandertaliens n’avaient pas la capacité d’exploiter la côte et de s’y adapter, et on pensait que cela reflétait leur simple existence et leur extinction ultérieure.
La nouvelle découverte qui bouleverse cette notion a été réalisée par une équipe de chercheurs européens dirigée par João Zilhão de l’université de Barcelone, en Espagne, dans la grotte de Figueira Brava sur les pentes de la Serra de l’Arrábida au Portugal.
Vue sur la grotte de Figueira Brava avec ses trois entrées. (João Zilhão)
En utilisant la méthodologie de datation par l’uranium-thorium l’équipe a daté les couches de restes de fruits de mer, conservés dans des dépôts de calcite, d’une période comprise entre 86 000 et 160 000 ans, période pendant laquelle les Néandertaliens se sont installés en Europe.
La grotte est située sur un plateau escarpé au bord de l’eau, à 30 kilomètres au sud de Lisbonne, mais à l’époque, elle se trouvait jusqu’à 2 kilomètres de la côte. Sa protection contre l’érosion offre une occasion unique d’étudier les traces de débris alimentaires marins.
Selon les chercheurs :
La façade atlantique de l’Europe possède des eaux côtières riches en ressources comparables à celles de l’Afrique du Sud. De la Scandinavie à la France, cependant, toute preuve de la dernière exploitation interglaciaire des ressources marines aurait été perdue en raison des avancées ultérieures de la calotte glaciaire et de la submersion postglaciaire de la large plate-forme continentale.
Les dépôts des grottes protégées témoignent d’un régime alimentaire riche en mollusques, crustacés et poissons divers ainsi qu’en oiseaux aquatiques et en mammifères marins tels que les dauphins et les phoques, comparable à celui que montraient les fossiles des populations africaines à peu près à la même époque.
Les fruits de mer représentaient environ la moitié de leur régime alimentaire, complété par des animaux chassés tels que des cerfs, des chèvres, des chevaux, des aurochs et des proies plus petites comme les tortues, ainsi que des preuves d’aliments végétaux tels que des pignons, des olives, des figues et autres.
Ces nouvelles découvertes confirment que les Néandertaliens étaient plus sophistiqués que ce que leur réputation d’hommes des cavernes primitifs leur attribue.
Les chercheurs affirment qu’elles sont liées à d’autres découvertes faites au cours de la dernière décennie, notamment des peintures rupestres dans la péninsule ibérique, des pendentifs et des récipients en coquille fabriqués à partir de coquilles marines perforées et colorées à l’ocre.
Par exemple (2019-2020) :
Zilhão déclare qu’ensemble, ils « soutiennent une vision de l’évolution humaine dans laquelle les variantes fossiles connues, comme celle de Néandertal en Europe et ses contemporains d’anatomie africaine, plus semblables aux nôtres, doivent être comprises comme des restes de nos ancêtres, et non comme d’espèces inférieures différentes ».
Les chercheurs de conclure :
Conformément à l’accumulation rapide de preuves que les Néandertaliens possédaient une culture matérielle entièrement symbolique, les preuves de subsistance rapportées ici remettent encore plus en question le fossé comportemental que l’on pensait autrefois les séparer des humains modernes.
Dans un commentaire d’accompagnement, Manuel Will, de l’université de Tübingen, en Allemagne, convient que les chercheurs montrent des preuves irréfutables que les Néandertaliens ont rassemblé un riche éventail d’aliments marins rivalisant avec ceux trouvés dans les sites sud-africains.
Il note également que « la nouvelle étude réduit l’écart entre l’H. sapiens et son plus proche ancêtre, mais ne le comble pas ».
Soulignant l’immense manque de preuves qui subsiste, Will appelle à davantage de recherches interdisciplinaires sur les liens entre la consommation de fruits de mer et le développement du cerveau dans le contexte d’un regard renouvelé sur les mouvements et la dispersion de nos ancêtres.
L’étude publiée dans Science : Last Interglacial Iberian Neandertals as fisher-hunter-gatherers et présentée sur le site de l’université de Barcelone : A study published in ‘Science’ finds Neanderthals were pioneers in marine resource exploitation.