Nous aurions largement sous-estimé la quantité de méthane libérée par les humains
Selon une nouvelle recherche dirigée par l’université de Rochester (UoR/ États-Unis), en collaboration avec des chercheurs français, suisses et australiens, nous avons gravement sous-estimé les niveaux de méthane que l’humanité émet dans l’atmosphère via les combustibles fossiles.
Image d’entête : plusieurs laboratoires américains et internationaux ont installé leur campement sur le glacier Taylor en Antarctique. Les carottes de glace qu’ils y extraient remontent à près de 12 000 ans. (Université de Rochester/ Vasilii Petrenko)
Les résultats sont particulièrement inquiétants car si le méthane se décompose naturellement et rapidement dans l’atmosphère (par rapport au CO2), c’est aussi un gaz à effet de serre très puissant, avec un potentiel de réchauffement global (PRG) 104 fois supérieur à celui du CO2 sur une période de 20 ans. La réduction des émissions de méthane est essentielle dans nos efforts pour freiner le changement climatique, ajoute l’équipe.
Selon l’auteur principal, Benjamin Hmiel, associé au laboratoire de Vasilii Petrenko, qui est professeur de sciences de la terre et de l’environnement à l’UoR :
L’application de réglementations plus strictes en matière d’émissions de méthane à l’industrie des combustibles fossiles permettra de réduire le réchauffement climatique futur dans une plus large mesure qu’on ne le pensait auparavant.
Le méthane est actuellement considéré comme le deuxième contributeur au réchauffement de la planète produit et libéré par l’activité humaine. Contrairement au CO2 (qui occupe la première place), le méthane se décompose rapidement, 9 ans en moyenne, alors que le CO2 peut durer jusqu’à un siècle. Cela fait du méthane une cible plus attrayante pour les efforts de stabilisation du climat à court terme, car toute réduction des niveaux de méthane se traduirait par une stabilisation beaucoup plus rapide de la température.
M. Hmiel explique que le méthane atmosphérique provient de deux sources : le méthane fossile et le méthane biologique. Les chercheurs font la distinction entre les deux en examinant la nature des isotopes du carbone que cette molécule contient : le carbone 14 pour le méthane fossile (qui a été enfermé dans des dépôts de combustibles fossiles) et le carbone 13 « ordinaire » pour le méthane biologique. Celui-ci est libéré par toutes sortes d’activités biologiques. Le méthane fossile est libéré soit par des dépôts géologiques exposés (ce qui est rare), soit par l’extraction et l’exploitation de combustibles fossiles (ce qui est beaucoup plus courant). Himel s’est concentré sur ce dernier type.
Le méthane émis dans l’atmosphère peut être classé en deux catégories : fossile ou biologique, en fonction de sa signature de l’isotope carbone-14. Le méthane biologique peut être libéré naturellement à partir de sources telles que les zones humides ou par des sources anthropiques telles que les décharges, les rizières et le bétail. Le méthane fossile peut être émis par des suintements géologiques naturels ou par l’extraction et l’utilisation de combustibles fossiles par l’homme. (Université de Rochester/ Michael Osadciw)
Selon Petrenko, un des coauteurs de l’étude :
En tant que communauté scientifique, nous nous sommes efforcés de comprendre exactement la quantité de méthane que nous, en tant qu’êtres humains, émettons dans l’atmosphère.
Nous savons que la composante des combustibles fossiles est l’une de nos plus importantes émissions, mais il a été difficile de la déterminer avec précision, car dans l’atmosphère actuelle, les composantes naturelles et anthropogéniques des émissions fossiles se ressemblent, sur le plan isotopique.
L’équipe a prélevé des carottes de glace au Groenland afin d’établir un niveau de méthane atmosphérique de référence avant l’apparition de facteurs anthropiques (créés par l’homme). Ils ont fait fondre les carottes pour extraire le gaz enfermé dans les anciennes bulles d’air qu’elles ont formées et ils ont étudié sa composition chimique.
Des chercheurs de Rochester au Groenland prélèvent des carottes de glace, qui contiennent des bulles d’air piégé à l’intérieur, qui seront ensuite analysées. (Xavier Faïn/ Université de Grenoble Alpes)
Avant le début de la révolution industrielle au 18e siècle, ils ont découvert que pratiquement tout le méthane présent dans l’atmosphère était d’origine biologique. Les choses ont commencé à changer après 1870 environ, lorsque la composante fossile a commencé à augmenter rapidement. Ils expliquent que cela coïncide avec une forte augmentation des combustibles fossiles à l’époque.
Mais la véritable découverte fut que les niveaux de méthane fossile libéré naturellement sont environ 10 fois plus faibles que ceux rapportés précédemment. Hmiel et ses collègues estiment qu’aujourd’hui, les niveaux de méthane fossile produit par l’homme sont de 25 à 40 % (38 à 58 milliards de kg) plus élevés que ce qui avait été estimé précédemment.
C’est peut-être aussi une bonne nouvelle. Si nous sommes responsables d’une plus grande partie du méthane présent dans l’atmosphère aujourd’hui, les efforts visant à réduire nos émissions auraient un meilleur impact sur le climat, si nous les réduisons…
Hmiel de conclure :
Je ne veux pas être trop désespéré sur ce point, car mes données ont une implication positive : la plupart des émissions de méthane sont d’origine humaine, nous avons donc plus de contrôle. « Si nous pouvons réduire nos émissions, cela aura plus d’impact.
L’étude publiée dans Nature : Preindustrial 14CH4 indicates greater anthropogenic fossil CH4 emissions et présentée sur le site de l’université de Rochester : Methane emitted via human fossil fuel use ‘vastly underestimated’.
Ah ! Et votre Guru oubliait qu’il avait publié ceci, hier..: