Point Coronavirus : bénéfique ressemblance avec le SRAS, séquençage intégral de son génome et traitements effectifs et à l’étude
Le nouveau coronavirus qui se propage en Chine et qui, à la date d’hier, a fait 426 morts et infecté 20 630 personnes, semble être similaire au syndrome respiratoire aigu sévère (SRAS) qui a provoqué une épidémie en 2002 et 2003 sur deux points importants : ils partagent 80 % de leur code génétique, et tous deux proviennent de chauves-souris.
Image d’entête : selon l’Organisation mondiale de la santé, répartition des cas de coronavirus 2019-nCoV au 4 février 2020. (OMS)
Ce sont les conclusions de deux études publiées lundi, qui approfondissent le génome du coronavirus de Wuhan qui a infecté plus de 17 000 personnes et en a tué plus de 360 depuis décembre.
En substance, c’est une version du SRAS qui se propage plus facilement, mais cause moins de dommages », a déclaré Ian Jones, un virologue de l’Université de Reading au Royaume-Uni qui n’était pas affilié à l’étude.
Cela indique que les traitements et les vaccins mis au point pour le SRAS devraient fonctionner pour le virus de Wuhan. Une version du SRAS
De nombreux coronavirus sont des zoonoses, ce qui signifie qu’ils peuvent se propager à l’humain à partir des animaux. Dans le cas du SRAS et du nouveau coronavirus, officiellement nommé 2019-nCoV, les chauves-souris étaient les hôtes d’origine.
Elles ont ensuite infecté d’autres animaux par leurs excréments ou leur salive, et des intermédiaires involontaires ont transmis le virus à l’homme.
toujours selon Jones :
Le 2019-nCoV est un virus de chauve-souris, et le SRAS-CoV, qui a provoqué une épidémie en 2002 et 2003, est le parent le plus proche que l’on ait jamais vu chez l’homme.
Entre novembre 2002 et juillet 2003, le SRAS a tué 774 personnes et en a infecté 8 098 dans 29 pays.
Pour déterminer l’origine du nouveau coronavirus, les scientifiques ont examiné les génomes complets d’échantillons de coronavirus prélevés sur des patients au début de l’épidémie.
Dans la première étude, une équipe dirigée par des scientifiques de l’Institut de virologie de Wuhan (Chine) a examiné des échantillons de virus provenant de 7 patients ayant initialement déclaré des cas graves de pneumonie. Six de ces patients travaillaient au marché de fruits de mer de Huanan à Wuhan, en Chine, où l’épidémie aurait débuté en décembre.
Environ 70 % des échantillons étaient presque identiques les uns aux autres, et leur séquence génétique était similaire à celle du SRAS dans une proportion de 79,5 %.
Les chercheurs à l’origine de cette étude ont également découvert que le 2019-nCoV est presque identique aux autres coronavirus circulant dans les populations de chauves-souris chinoises, 96 % des codes génétiques correspondent.
Une deuxième étude, menée par des scientifiques de l’université Fudan de Shanghai et du Centre chinois de contrôle et de prévention des maladies, a examiné un homme de 41 ans qui travaillait également au marché. Il est entré dans un hôpital de Wuhan le 26 décembre avec des symptômes de maladie respiratoire et de la fièvre.
Une analyse du virus qui l’a infecté a montré qu’il est similaire à 89 % à un groupe de coronavirus de type SRAS appelés betacoronavirus qui avaient été trouvés auparavant chez les chauves-souris chinoises. Seuls les bêtacoronavirus peuvent se retrouver dans l’humain et se nicher dans nos voies respiratoires, car les coronavirus n’ont pas tous la même forme. L’enveloppe circulaire du virus est parsemée de protéines en forme de pics qui l’aident à se fixer à la cellule de l’hôte. Si la forme des pics ne correspond pas aux récepteurs des cellules d’un hôte potentiel, le virus ne peut pas se répandre. Mais lorsqu’un coronavirus mute, la forme de ces protéines est altérée, ce qui permet parfois au virus de s’arrimer à un nouvel hôte.
Zheng-Li Shi, l’auteur principal de l’étude qui a examiné 7 échantillons de virus, a montré que le SRAS et le nouveau coronavirus peuvent tous deux s’arrimer au même récepteur, appelé ACE2, au fond des poumons. Cela pourrait expliquer les symptômes de pneumonie des patients.
Comme le SRAS et le coronavirus de Wuhan se lient aux cellules humaines de la même manière, les auteurs de ces deux nouvelles études affirment que les traitements potentiels du SRAS pourraient également fonctionner pour le 2019-nCoV.
Aucun traitement ou vaccin spécifique n’a été développé pour le SRAS ou ce coronavirus, mais les chercheurs ont travaillé sur certains médicaments et vaccins précliniques pour le SRAS. Ces travaux pourraient probablement être appliqués à ce virus, selon Shi et ses coauteurs. Cependant, ils ont déclaré que la capacité à utiliser les anticorps du SRAS pour traiter le 2019-nCoV doit encore être confirmée, pour l’instant, ce n’est qu’une hypothèse.
Les auteurs de l’étude ont également suggéré deux autres moyens potentiels de traiter le nouveau coronavirus.
Les patients qui ont déjà été infectés par le 2019-nCoV ont produit des anticorps, des protéines utilisées par notre système immunitaire pour combattre les bactéries et les virus, qui « ont le potentiel de neutraliser le virus », ont-ils écrit.
Un autre type d’anticorps contre le coronavirus produit chez les chevaux s’est également révélé capable de neutraliser le 2019-nCoV, ont ajouté les chercheurs. Cet anticorps équin a également été utilisé autrefois pour combattre le virus du SRAS.
Les coronavirus ne sont pas tous mortels, ceux qui sont endémiques chez l’humain, comme le rhume, sont souvent considérés comme sans importance. Les coronavirus qui présentent un risque de pandémie sont toutefois ceux qui se trouvent chez les animaux. Comme ces virus n’ont jamais circulé chez l’humain auparavant, l’immunité spécifique à ces virus y est absente.
Les chauves-souris, en particulier, ont été les premiers hôtes du virus Ebola, du SRAS et du coronavirus du syndrome respiratoire du Moyen-Orient (MERS-CoV), entre autres.
Selon les chercheurs de la deuxième étude :
Cette épidémie met en évidence la capacité permanente de la propagation virale des animaux à provoquer des maladies graves chez l’homme.
Les experts n’ont toutefois pas encore confirmé l’espèce animale qui a permis au nouveau coronavirus de se propager des chauves-souris à l’homme. Mais la nouvelle étude de Shi et de ses collègues offre quelques indices.
L’information génétique du nouveau coronavirus indique qu’il peut se lier au récepteur ACE2 chez l’homme, ainsi qu’à ce même récepteur chez les chauves-souris, les porcs et les civettes, un mammifère ressemblant à une belette qui a servi d’espèce intermédiaire pour le SRAS.
Cette information, associée à la similarité du virus avec d’autres coronavirus de chauve-souris, propose ces trois espèces comme intermédiaires possibles.
« La transmission directe des CoV des chauves-souris aux humains est également possible en théorie », selon le Centre de sécurité sanitaire de l’université Johns Hopkins (Etats-Unis).
Le 22 janvier, un groupe de scientifiques a suggéré que l’espèce intermédiaire dans l’épidémie de coronavirus pourrait être le cobra chinois. Mais selon M. Skinner, ces nouvelles informations sur son génome indiquent que ce virus n’est « pas vraiment compatible avec certains hôtes plus exotiques qui ont été considérés plus tôt dans l’épidémie ».
La seule façon d’être sûr de l’origine du virus est de prélever des échantillons d’ADN sur les animaux vendus au marché de Huanan et sur les chauves-souris de la région.
Les deux études publiées dans la revue Nature :
Des scientifiques français cultivent le coronavirus 2019-nCoV à partir d’échantillons de patients, et séquencent la totalité de son génome
Le 24 janvier 2020, le ministère français de la Santé a annoncé 3 cas de coronavirus 2019-nCoV en France. Le 29 janvier, une équipe de chercheurs de l’Institut Pasteur a réussi à cultiver le 2019-nCoV en culture cellulaire et à séquencer l’ensemble de son génome après avoir prélevé des échantillons sur les patients.
Selon le Dr Vincent Enouf, directeur adjoint du Centre national de référence pour les virus respiratoires de l’Institut Pasteur :
Une vingtaine d’autres séquences du nouveau génome du coronavirus ont été obtenues dans le monde entier, et si nous les comparons avec les nôtres, nous pouvons voir qu’elles sont toutes très proches.
Il n’y a pas beaucoup de diversité dans les virus analysés, ce qui suggère que le coronavirus 2019-nCoV n’a pas eu besoin de muter pour s’adapter et se propager.
L’équipe a également réussi à cultiver 2019-nCoV en culture cellulaire, ce qui est nécessaire pour de futures études.
Sur le site de l’Institut Pasteur : L’Institut Pasteur séquence le génome complet du coronavirus de Wuhan, 2019-nCoV.
Des traitements à l’étude
Une combinaison de médicaments contre la grippe et le VIH pourrait permettre de traiter les cas graves de 2019-nCoV, le nouveau coronavirus apparu en Chine, selon des médecins thaïlandais qui ont soigné des patients infectés, et rapporté par Reuters. L’approche de l’équipe, qui a utilisé de fortes doses du médicament anti-grippe oseltamivir combiné avec des médicaments anti-VIH lopinavir et ritonavir, a amélioré l’état de santé de plusieurs patients de l’hôpital Rajavithi à Bangkok.
Un essai clinique contrôlé randomisé est actuellement en cours en Chine pour tester l’efficacité des médicaments anti-VIH, selon une étude publiée la semaine dernière (24 janvier) dans The Lancet : Clinical features of patients infected with 2019 novel coronavirus in Wuhan, China.
Parmi les autres traitements testés, on peut citer le remdesivir, un médicament conçu pour traiter le virus Ebola, mais dont les tests d’efficacité ont échoué et développé par de Gilead Sciences, une société américaine de biotechnologie qui recherche, développe et commercialise des médicaments.
La société Moderna Therapeutics, basée dans le Massachusetts, collabore quant à elle avec l’Institut national américain des allergies et des maladies infectieuses pour développer un vaccin à ARNm.