Les ailes des papillons sont des structures dynamiques et vivantes avec des réseaux sensoriels
Les papillons régulent la température de leurs ailes par des adaptations structurelles et comportementales, selon de nouvelles recherches. Et ils en ont besoin.
Loin d’être des membranes colorées sans vie, les ailes contiennent un réseau de cellules qui ont besoin d’une plage de températures limitée pour fonctionner de manière optimale, selon une équipe d’ingénieurs, de mathématiciens et de biologistes américains dirigée par l’université Columbia (États-Unis).
Image d’entête : photographies infrarouges de papillons, où la luminosité est en corrélation avec la capacité de refroidissement radiatif. (Nanfang Yu et Cheng-Chia Tsai/ Columbia Engineering)
Dans une nouvelle étude, ils décrivent comment les délicates ailes à faible capacité thermique peuvent à la fois rapidement surchauffer au soleil et trop se refroidir lorsqu’elles évoluent dans un environnement froid.
Selon Nanfang Yu, de l’université Columbia :
Les ailes de papillon sont essentiellement des panneaux de détection de la lumière vectorielle grâce auxquels les papillons peuvent déterminer avec précision l’intensité et la direction de la lumière du soleil, et de le faire rapidement sans utiliser leurs yeux.
En enlevant les écailles des ailes pour leur permettre de regarder à l’intérieur, puis en colorant les neurones qui s’y trouvent, Yu et ses collègues ont découvert que les ailes des papillons constituent un réseau de capteurs mécaniques et de température.
(Columbia Engineering)
Ils ont également découvert un « cœur d’aile » qui bat quelques dizaines de fois par minute pour faciliter la circulation directionnelle du sang des insectes à travers des “touffes odoriférantes” ou un organe androconique situé sur les ailes de certaines espèces.
Selon la biologiste colombienne Naomi E Pierce :
La plupart des recherches sur les ailes des papillons se sont concentrées sur les couleurs utilisées dans la signalisation entre les individus. Ces travaux montrent que nous devrions reconceptualiser l’aile de papillon comme une structure dynamique et vivante plutôt que comme une membrane relativement inerte.
Les motifs observés sur l’aile peuvent également être façonnés de manière importante par la nécessité de réguler les températures des parties vivantes de l’aile.
Le laboratoire de Yu a conçu une technique non invasive basée sur l’imagerie hyperspectrale infrarouge, chaque pixel d’une image représentant un spectre infrarouge, ce qui leur a permis de mesurer avec précision la répartition des températures sur les ailes des papillons.
A partir de l’étude : répartition de la température sur l’aile antérieure de trois espèces de papillons Eumaeini éclairées par la lumière du soleil, montrant que malgré la grande variation de la coloration et du dessin visibles des ailes, la température des taches odoriférantes, des coussinets et des nervures des ailes qui contiennent des cellules vivantes est toujours inférieure à celle des autres parties « non vivantes ». (Nanfang Yu et Cheng-Chia Tsai/ Columbia Engineering)
Ils ont ensuite imité l’environnement naturel des papillons dans le laboratoire, ce qui leur a permis de quantifier les contributions de plusieurs facteurs à la température des ailes. Parmi ceux-ci, l’intensité de la lumière solaire, la température de l’environnement terrestre et la « froideur » du ciel, qui peut servir de puits de chaleur efficace pour le rayonnement thermique des ailes chauffées.
Ils ont constaté que dans toutes les conditions environnementales simulées, malgré la diversité des couleurs et des motifs visibles, les zones des ailes de papillons qui contiennent des cellules vivantes (nervures des ailes et coussinets odorants) sont toujours plus fraîches que les zones « sans vie » de l’aile en raison d’un refroidissement radiatif accru.
Des études comportementales sur des papillons vivants de six des sept familles de papillons reconnues ont montré qu’ils utilisent leurs ailes pour sentir la direction et l’intensité de la lumière du soleil, la principale source de chaleur ou de surchauffe, et pour réagir par des comportements spécialisés afin de prévenir la surchauffe ou le refroidissement excessif de leurs ailes.
Selon Yu :
Chaque aile d’un papillon est équipée de quelques douzaines de capteurs mécaniques qui fournissent une rétroaction en temps réel pour permettre des modèles de vol complexes.
C’est une source d’inspiration pour la conception des ailes des machines volantes : peut-être que la conception des ailes ne devrait pas être uniquement basée sur des considérations de dynamique de vol, et des ailes conçues comme un système sensoriel-mécanique intégré pourraient permettre aux machines volantes de mieux fonctionner dans des conditions aérodynamiques complexes.
Yu et Pierce mènent actuellement une étude optique systématique à grande échelle des collections du Musée de zoologie comparative de l’université de Harvard, qui comprennent des milliers de spécimens de centaines d’espèces de papillons dans l’ensemble de l’arbre phylogénétique.
L’étude publiée dans Nature Communications : Physical and behavioral adaptations to prevent overheating of the living wings of butterflies et présentée sur le site de l’université Columbia (Columbia Engineering) : lien inaccessible au moment où le Guru décrivait ces recherches.