Vous devriez avoir quelques milliers d’années pour vous préparer à l’inversion du champ magnétique terrestre
A toutes fins utiles, il faut d’abord rappeler qu’il y a le nord géographique, « vers le haut » sur les cartes en direction du pôle Nord, et puis il y a le nord magnétique, où les aiguilles de compas pointent. À l’heure actuelle, il y a deux types d’alignement, mais ce n’est pas toujours le cas. Le champ magnétique terrestre, qui guide les boussoles, les animaux et les aurores, aime se balader, et il s’est entièrement inversé par le passé : Le nord magnétique se trouvait dans le sud géographique.
Image d’entête : représentant l’inversion du champ magnétique terrestre (Huapei Wang/ NASA/ MIT)
Certains géologues pensaient que les inversions pouvaient être assez rapides, voire se produire au cours d’une seule vie humaine. C’est un gros problème, car les fluctuations de courant suggèrent que le nord magnétique pourrait se préparer à un changement aussi important sous peu. Et bien que cela puisse se dérouler en douceur, nous n’en savons honnêtement pas assez sur la façon dont la Terre réagit à ce genre d’évènement pour savoir si nous devons nous inquiéter. Et quels que soient les problèmes naturels qui pourraient survenir, ils seraient bien dérisoires en comparaison du chaos qu’un tel renversement provoquerait sur nos appareils électriques.
Mais une nouvelle étude publiée cette semaine indique (comme d’autres par le passé) que nous devrions probablement nous calmer, car la dernière inversion du champ magnétique sur Terre, l’inversion Brunhes-Matuyama, a pris un peu plus de temps : au moins 22 000 ans. C’est un élément de plus dans le casse-tête pour savoir comment et pourquoi le champ magnétique de notre planète fonctionne, et les chercheurs le découvrent lentement mais sûrement.
Alors, comment étudier quelque chose d’aussi éphémère et invisible que les champs magnétiques il y a des dizaines de milliers d’années ? Comme la plupart des sciences axées sur le passé lointain, vous analysez les roches. Plus précisément, les chercheurs étudient les composantes métalliques des roches formées à l’époque pour voir comment le champ magnétique de la planète les a affectées avant leur durcissement. Le seul problème, c’est que le champ s’inverse relativement rapidement, du moins en termes géologiques, et il n’y a donc pas beaucoup de données sur ces événements.
Selon les chercheurs dans leur étude :
Malgré des décennies d’études, la structure géométrique, le moment et la durée des inversions demeurent énigmatiques.
Afin d’élucider ce mystère, l’équipe a examiné des coulées de lave remontant à près de 800 000 ans, soit à l’époque de la plus récente inversion du champ magnétique. Ils ont analysé des échantillons du Chili, d’Hawaï, de Tahiti et d’ailleurs afin d’avoir une idée vraiment globale de l’évolution du champ magnétique. Et, le plus important, ils ont utilisé les méthodes de datation les plus récentes, pour déterminer exactement l’âge de chaque élément de l’échantillon.
Rob Coe et Trevor Duarte, coauteurs de l’étude, analysant l’orientation d’échantillon de coulée de lave enregistrant l’inversion de polarité magnétique Matuyama-Brunhes dans le parc national Haleakala, Hawaii, en 2015. (Brad Singer/ Université du Wisconsin à Madison)
Les géoscientifiques ont ensuite comparé ces chiffres à d’autres méthodes d’étude du champ magnétique passé de la Terre, y compris des analyses des fonds marins et des carottes de glace de l’antarctique. Les anciennes roches enregistrent les mouvements du champ, et la glace présente la quantité de rayonnement spatial qui a frappé la surface de la Terre dans le passé, une approximation de la force du champ magnétique puisqu’un champ magnétique plus faible laisse passer plus de rayonnement.
Tout ce travail a dépeint une image vivante du passé magnétique de notre planète. Le premier signe de perturbation est survenu il y a environ 795 000 ans, lorsque le champ a commencé à montrer des signes d’effondrement. Mais il se régénéra rapidement, et demeura stable pendant encore 11 000 ans, jusqu’à ce qu’il commence à défaillir et à repartir. À ce moment-là, il n’a peut-être fallu que 4 000 ans pour que le champ s’inverse complètement. Il y a 773 000 ans, l’inversion fut complete.
Ainsi, alors que le véritable changement s’est produit relativement rapidement, il a été précédé par des millénaires d’activité notable. Et c’est une activité que nous n’avons pas encore remarquée dans les temps modernes, en dépit d’un examen extrêmement minutieux. Une inversion complète du champ magnétique n’est probablement pas dans notre futur immédiat.
Mais il est possible que nous soyons au début d’un processus qui pourrait durer des milliers d’années et se terminer en un seul. Et grâce à ce genre d’études, nous serons mieux préparés à faire face à toutes les catastrophes, d’origine humaine ou naturelle, qui pourraient accompagner le changement du nord au sud.
L’étude publiée dans Science Advances : Synchronizing volcanic, sedimentary, and ice core records of Earth’s last magnetic polarity reversal et présentée sur le site de l’université du Wisconsin à Madison : Earth’s last magnetic field reversal took far longer than once thought.