Découverte d’une trentaine de galaxies du début de l’Univers
On pourrait croire que les grandes galaxies seraient difficiles à manquer, mais des astronomes viennent d’en trouver tout un tas à des milliards d’années-lumière de distance. Trente-neuf énormes galaxies, invisibles jusqu’à présent, sont en train de changer l’idée que nous avons de l’Univers primitif.
image d’entête : représentation artistique de certaines des galaxies découvertes récemment. (NAOJ/ ALMA)
Selon l’astronome Tao Wang de l’université de Tokyo :
C’est la première fois qu’une population aussi importante de galaxies massives a été confirmée au cours des deux premiers milliards d’années des 13,7 milliards d’années de vie de l’univers. Ils étaient auparavant invisibles pour nous.
Cette découverte va à l’encontre des modèles actuels pour cette période d’évolution cosmique et aidera à ajouter quelques détails, qui ont toujours fait défaut jusqu’à présent.
L’Univers a environ 13,8 milliards d’années, ce qui signifie, théoriquement du moins, que nous pouvons regarder dans le passé pour voir comment étaient les conditions quand les “lumières” se sont allumées. Par exemple, la lumière à 10 milliards d’années-lumière de distance met donc 10 milliards d’années à traverser l’espace pour nous atteindre. Ainsi, lorsque nous voyons quelque chose de cette distance, nous la voyons telle qu’elle était il y a 10 milliards d’années.
Dans la pratique, c’est beaucoup plus compliqué. Plus la lumière doit voyager loin, plus elle est faible lorsqu’elle nous atteint. Imaginez voir une torche à une distance de 10 mètres, et à une distance de 100 mètres. Elle est plus petite et plus faible à cette dernière distance. À 1 000 mètres, vous ne pourrez peut-être même pas le voir à l’œil nu.
Et l’Univers est en expansion, ce qui étire les ondes lumineuses à mesure qu’elles traversent l’espace, les déplaçant vers l’extrémité rouge du spectre. C’est ce qu’on appelle le décalage vers le rouge (redshift en anglais), et plus quelque chose est loin, plus l’espace s’étend entre nous et l’objet, augmentant ainsi le décalage vers le rouge.
Lorsque le télescope spatial Hubble a regardé plus loin dans l’espace-temps que jamais auparavant pour sa série d’images du champ profond, il a capté un large spectre de longueurs d’onde, de l’ultraviolet au proche infrarouge, capturant certaines des galaxies les plus éloignées encore jamais détectées.
Mais ces galaxies récemment découvertes avaient une autre particularité. Elles ont été détectées dans l’infrarouge moyen (MIR – 3 – 50 µm) et dans le submillimétrique (entre l’infrarouge lointain et les micro-ondes). Ces galaxies sont très sombres dans l’ultraviolet et le proche infrarouge parce qu’elles contiennent une énorme quantité de poussière qui absorbe la lumière à des longueurs d’onde plus courtes. A ces longueurs d’onde, il est difficile de caractériser ces galaxies. La spectroscopie, par exemple, la technique utilisée pour déterminer les propriétés des étoiles à partir d’un spectre de rayonnement électromagnétique, devient extrêmement difficile avec une gamme de longueurs d’onde aussi limitée.
Image du champ profond de Hubble (à gauche) et observations de l’ALMA dans les longueurs d’onde submillimétriques (à droite). (Wang et col./ Nature)
Cependant, les chercheurs ont quand même pu déterminer que ces galaxies étaient massives, avec une densité spatiale de deux ordres de grandeur supérieure à celle des galaxies à sursaut de formation d’étoiles (la densité spatiale est la quantité de matière spatiale, étoiles, planètes et autres, entassée dans l’espace occupé par une galaxie et certaines sont plus compactes que d’autres).
Ces anciennes et énormes galaxies forment également de nouvelles étoiles à un rythme 100 fois supérieur à celui de la Voie lactée.
Et plus une galaxie est massive, plus le trou noir supermassif en son centre est grand. Une étude menée plus tôt cette année a montré que ces trous noirs sont beaucoup plus fréquents dans l’Univers primitif que nous ne le pensions auparavant, ce qui remet en question nos estimations de la vitesse à laquelle ils peuvent se former. Ces nouvelles galaxies sont une autre partie du casse-tête.
Selon les chercheurs :
L’existence de ces nombreuses galaxies massives et poussiéreuses est inattendue dans les modèles ou simulations actuels, ce qui montre que l’Univers peut former des systèmes massifs plus efficacement dans les premiers temps que nous le pensions. Cela apporte de nouveaux défis aux théoriciens et aux modélisateurs.
Et elles aident aussi à résoudre un autre problème qui contrariait les astronomes : l’importante population de galaxies massives à faible décalage vers le rouge. Les études précédentes de l’Univers primitif n’avaient pas trouvé assez de galaxies pour expliquer la formation des galaxies massives qui sont apparues plus tard.
En se basant sur leurs résultats, l’équipe a estimé qu’il y a beaucoup plus de ces galaxies à décalage vers le rouge élevé dans des masses inférieures que nous n’avons pas encore détectées, environ 530 par degré carré de ciel (la pleine Lune est d’un demi-degré de diamètre lorsqu’on la regarde de la Terre.)
Selon Wang :
La grande densité de cette nouvelle population de galaxies massives aide à résoudre cette tension.
L’équipe prévoit d’effectuer d’autres observations avec le Grand réseau d’antennes millimétrique/submillimétrique de l’Atacama pour essayer d’obtenir des informations plus détaillées sur le décalage vers le rouge des 39 galaxies, ainsi que sur leur taux de formation d’étoiles et leur teneur en poussière.
Mais l’analyse spectroscopique des galaxies pourrait devoir attendre le lancement du télescope spatial James Webb, le successeur de Hubble, en 2021.
L’étude publiée dans Nature : A dominant population of optically invisible massive galaxies in the early Universe et présentée sur le site de l’université de Tokyo : A long time ago, galaxies far, far away.