Morts-volant : sur le champignon hallucinogène qui poussait les cigales mâles à s’accoupler avec tout ce qui bouge même après avoir perdu leurs parties génitales
Des scientifiques ont découvert de nouveaux détails sur le champignon qui oblige ses hôtes à s’accoupler longtemps après la perte de leurs organes génitaux et leur transformation corporelle en ce que les chercheurs décrivent de façon colorée comme des » salières volantes de la mort « .
Image d’entête : une cigale typique se repose sur un brin d’herbe. (Université de Virginie-Occidentale)
Le champignon s’appelle Massospora cicadina, et ses effets se manifestent comme une campagne d’abstinence pour les cigales. Mais il semble aussi qu’il affecte les cigales obsédées par le sexe en les expédiant dans un drôle de trip psychédélique.
Une équipe de chercheurs américains a analysé la biochimie de populations de cigales infectées par des champignons pathogènes et elle a trouvé des preuves de la présence d’une amphétamine associée à une plante et un produit chimique hallucinogène que l’on trouve dans les champignons magiques/ hallucinogènes.
Des champignons parasites qui répandent des spores comme le M. cicadina sont dans les livres de recherche depuis plus d’un siècle, et des recherches récentes ont permis d’approfondir les processus qu’ils utilisent pour compléter leur cycle de vie. La façon dont les espèces fongiques pathogènes produisent les molécules pourrait toutefois ouvrir la voie à de nouveaux produits pharmaceutiques, puisque les enzymes généralement responsables des composés sont étrangement absentes dans ce cas. Aujourd’hui, nous savons qu’une petite fraction des cigales sont d’abord infectées par des spores sur leur corps et dans le sol lorsqu’elles émergent à l’âge adulte. Celles-ci peuvent alors se transformer en infections de stade II, où le champignon fleurit à l’intérieur de leur corps et les transforme en de minuscules cultures de champignons semeuse de mort.
Il y a un an :
Pour augmenter les chances d’infecter une autre cigale, le champignon a quelques astuces dans sa manche. L’une est d’encourager les hôtes mâles à battre des ailes d’une manière plutôt féminine, en attirant d’autres mâles à s’y arrêter pour un câlin rapide. Une fois l’acte accompli, le prétendant aux spores part à la recherche d’autres compagnes et compagnons, propageant ainsi progressivement la maladie.
Comme si cela ne suffisait pas, le champignon les transforme en machines sexuelles de destruction. Même lorsque le corps des cigales moisit et qu’il commence à perdre des parties, y compris des morceaux de leur abdomen et de leurs organes génitaux, ils ne ralentissent pas.
A partir de l’étude : cigales infectées par la massospora avec la morphologie des spores associée. (A) De gauche à droite : Cigale Magicicicada septendecim, Cigale Okanagana rimosa infectée par le virus de la lévispora et la Cigale Platypediae putnami infectée par le virus de la cicadine, avec un « bouchon » conidien visible sortant de son extrémité arrière ; (B) gros plan des trois Massospora spp.(D) coupe transversale postérieure montrant une infection interne des spores au repos ; et (E) gros plan des spores au repos pour chacune des trois Massospora spp. dans le même ordre que A.
Selon Matt Kasson, pathologiste forestier à l’université de Virginie-Occidentale :
Les adultes infectés maintiennent ou accélèrent l’activité normale de l’hôte pendant la sporulation, ce qui permet une dispersion rapide et généralisée avant la mort de l’hôte.
Bien qu’un certain nombre de champignons aient mis au point des moyens astucieux de détourner les comportements de leurs hôtes afin de les aider à se déplacer/ répandre, ceux de l’ordre M. cicadina n’ont pas reçu le même degré d’attention.
En séparant les divers métabolites des insectes sauvages infectés, les chercheurs ont maintenant ajouté un autre niveau de détail à la méthode du champignon pour sa prise de contrôle malveillante. Dans quatre cigales infectées par le M. cicadina, ils ont trouvé des signes d’un alcaloïde d’origine végétale appelé Cathinone, un composé semblable à l’éphédrine. Il est possible que le stimulant ait pu évoluer dans le champignon pour maintenir l’appétit de leurs hôtes et leur donner un coup de pouce pour les aider à traverser ces longues journées d’orgies.
Ce qui est particulièrement intéressant, c’est que ce pourrait être le premier exemple d’un cathinone produit à l’intérieur d’autre chose qu’une plante.
Un autre pathogène fongique appelé M. levispora a également été associé à des niveaux élevés de tryptamine appelée psilocybine, le composé psychédélique des champignons magiques. Celui-là n’est peut-être pas aussi surprenant. Il y a de bonnes raisons de soupçonner que le produit chimique a évolué dans les champignons afin de supprimer l’appétit des insectes et de modifier leur comportement de façon dissuasive.
Une cigale typique se repose sur un brin d’herbe. (Université de Virginie-Occidentale)
Trouver ces substances psychotropes à l’intérieur des insectes infectés est une chose. Le mystère est de savoir comment ils y sont arrivés, surtout sans la moindre trace des métabolites intermédiaires habituels, ni même des gènes attendus.
L’étape suivante consiste donc à se plonger dans les génomes fongiques et à voir comment ils s’expriment à l’intérieur de leurs hôtes.
Toujours selon M. Kasson :
Nous prévoyons que ces découvertes susciteront un regain d’intérêt pour les champignons précoces divergents et leurs métabolites secondaires importants sur le plan pharmacologique, qui pourraient servir de prochaine frontière pour la découverte de nouveaux médicaments.
Les chercheurs précisent aux coquins qui voudrait se doper aux cigales infectées que, selon Kasson :
Ces composés psychoactifs n’étaient que deux des moins de 1 000 composés trouvés dans ces cigales. Oui, ils sont remarquables, mais il y a d’autres composés qui pourraient être nocifs pour les humains. Je ne prendrais pas ce risque.
L’étude publiée dans la revue Fungal Ecology : Psychoactive plant- and mushroom-associated alkaloids from two behavior modifying cicada pathogens et présentée sur le site de l’Université de Virginie-Occidentale : ‘Flying salt shakers of death’: The lives of fungal-infected zombie cicadas, explained by WVU researchers.