Comment les non-voyants modifient la façon dont les voyants traitent les sons ?
On sait que les personnes aveugles compensent leur manque de vision en accentuant leurs autres sens. Mais ces améliorations des sens restants ne sont pas seulement des comportements appris, elles sont le résultat d’un réarrangement plastique du cerveau, qui subit une sorte de transformation à la suite de la perte d’un sens. Dans une nouvelle étude, des scientifiques ont étudié comment les personnes qui ont perdu la vue à un jeune âge traitent les sons, trouvant qu’elles ont des réponses du cortex auditif plus fines.
Le cerveau humain est traditionnellement divisé en 6 zones principales : le lobe frontal, lobe pariétal, lobe occipital, lobe temporal, le système limbique et le cortex insulaire. L’odeur et le son sont contrôlés et traités dans le lobe temporal, la vue est généralement confinée au lobe temporal, le goût et l’odeur partagent les nerfs olfactifs, le toucher est généralement détecté par le lobe pariétal et la vue est traitée par le lobe occipital.
Principaux lobes du cerveau. Vue latérale gauche. (Figure 728 du Gray’s Anatomy/ Wikimédia)
Des études suggèrent que la perte de vision incite le cerveau à réorganiser la façon dont il traite le son. Dans une nouvelle étude, des chercheurs de l’université de Washington et de l’université d’Oxford ont comparé la réponse du cortex auditif à des tonalités chez des aveugles qui ont perdu leur vision à un âge précoce et chez des personnes voyantes.
Les résultats suggèrent que même si les deux groupes avaient des cortex auditifs de taille similaire, cette région du cerveau était plus sensible à certaines fréquences chez les personnes aveugles. Ces résultats donnent plus de poids à l’idée que le cortex occipital s’adapte à la perte de la vue en se spécialisant davantage pour soutenir la dépendance accrue d’une personne envers le son pour interagir avec le monde.
A partir de l’étude, à gauche : les chercheurs ont commencé par mesurer les réponses dans le cortex auditif pour trouver une carte de la façon dont les fréquences de réponses étaient représentées dans le cerveau. Les couleurs chaudes représentent les régions du cerveau qui réagissent le plus aux tons graves, tandis que les couleurs bleues représentent les régions qui réagissent le plus aux tons aigus. A droite : Lorsque les chercheurs ont examiné la gamme de fréquences auxquelles chaque vertex du cerveau était sélectif, ils ont constaté que capacité de sélection avait tendance à être plus fine pour les personnes aveugles, ce qui peut expliquer la capacité accrue des non-voyants à repérer et à identifier les sons dans leur environnement. (Kelly Chang/U. de Washington)
Une étude réalisée en 2014 a révélé que les souris adultes maintenues dans l’obscurité totale pendant une semaine entière compensent leur perte de vision par un meilleur sens de l’ouïe et plus de connexions auditives dans le cerveau. Les chercheurs ont découvert que les neurones des rongeurs responsables du traitement du son se déclenchaient plus fortement et plus rapidement et qu’ils pouvaient capter une plus grande variété de sons.
Cartes tonotopiques (projection sur le cortex de l’échelle tonale) dans le cortex auditif pour quatre exemples de sujets. (Huber et coll./ JNeurosci (2019))
C’est aussi l’inverse qui se produit. Une étude publiée en 2012 a montré que les personnes nées sourdes utilisent des zones du cerveau généralement consacrées au traitement du son pour traiter le toucher et la vision. Les auteurs de cette étude ont également montré que les personnes nées sourdes sont plus aptes à traiter la vision périphérique et les mouvements.
À l’avenir, les chercheurs aimeraient faire une expérience similaire avec des personnes qui ont perdu la vue à l’âge adulte, mais qui l’ont ensuite récupérée. L’objectif est de révéler les mécanismes de communication de ces zones du cerveau, qui restent pour l’instant un mystère.
L’étude publiée dans le Journal of Neuroscience : Early blindness shapes cortical representations of auditory frequency within auditory cortex et présentée sur le site de l’université de Washington : Brains of blind people adapt to sharpen sense of hearing, study shows.