La kétamine pourrait soulager la dépression en réparant les circuits du cerveau
La kétamine, un anesthésique mais aussi une drogue récréative courante, est considérée comme un outil prometteur pour combattre la dépression clinique. Pendant des années, la recherche sur la kétamine a connu une recrudescence fulgurante, relancée par des rapports scientifiques et anecdotiques sur ses qualités antidépressives. En quelques heures à peine après l’injection, la kétamine soulage les symptômes de dépression majeure, même lorsque les autres médicaments échouent, et ces effets peuvent durer plus d’un mois. Les scientifiques pensent maintenant qu’ils savent comment la kétamine opère, elle répare les circuits cérébraux endommagés par le stress causé par la dépression et régénère ensuite les synapses.
De nombreuses études ont montré que la kétamine fait des merveilles pour la santé mentale d’un patient. Une dose unique de kétamine ou d’eskétamine (qui fait partie de la molécule de kétamine) soulage non seulement les symptômes de dépression, mais arrête également les pensées suicidaires et les idées qui les animent. L’eskétamine et la kétamine sont similaires dans la mesure où elles ciblent le glutamate, un neurotransmetteur, mais l’eskétamine est moins forte que la kétamine. L’eskétamine est le principal ingrédient actif du Spravato, un vaporisateur nasal qui est récemment devenu le premier antidépresseur approuvé par la Food and Drug Administration (FDA/ Agence américaine des produits alimentaires et médicamenteux) à base de kétamine.
La Dr Conor Liston, neuroscientifique et psychiatre au Weill Cornell Medicine (université Cornell) à New York, voulait savoir comment l’anesthésique déclenche ces effets thérapeutiques. Liston et ses collègues avaient lu des recherches antérieures montrant que la kétamine crée de nouvelles synapses (connexions entre les cellules du cerveau). Leur nouvelle étude publiée cette semaine met davantage en lumière son fonctionnement, révélant un processus en deux étapes qui commence par la réparation des circuits du cerveau.
Liston et ses collègues des États-Unis et du Japon ont réalisé des expériences sur des souris qui ont reçu une hormone du stress afin de présenter des symptômes de dépression. Les rongeurs ont perdu tout intérêt à manger des friandises sucrées ou à explorer un labyrinthe, certaines de leurs activités préférées.
Un microscope laser spécial qui a atteint le cerveau des animaux a révélé que le stress leur a fait perdre pas mal de synapses. Lorsqu’une dose unique de kétamine a été administrée aux rongeurs déprimés, les chercheurs ont été stupéfaits de constater que le médicament rétablissait exactement les mêmes synapses qui avaient été détruites auparavant par une exposition au stress chronique.
Mais ce n’était pas encore le résultat final. Les chercheurs ont ensuite modifié génétiquement des souris pour que leurs cellules cérébrales brillent sous un microscope lorsqu’elles sont actives ou s’estompent lorsqu’elles sont inactives. En observant attentivement les rongeurs après l’ingestion de kétamine, les chercheurs ont pu identifier les circuits du cerveau qui s’allumaient/ s’activaient ensemble.
Selon les chercheurs :
La kétamine a sauvé le comportement de souris associées à des phénotypes de dépression en inversant sélectivement la perte du fondement induite par le stress et en rétablissant l’activité coordonnée de l’ensemble multicellulaire dans les microcircuits préfrontaux.
Les résultats ont montré qu’en seulement 6 heures après l’administration d’une dose de kétamine, les circuits cérébraux endommagés par la dépression ont recommencé à fonctionner ensemble de façon synchronisée. Les souris ont également commencé à présenter un comportement normal au cours de cette période. De plus, ces changements ont eu lieu avant que les synapses ne soient restaurées, ce n’est qu’après 12 heures après le traitement à la kétamine que les connexions neurales se sont formées. Cela signifie que la kétamine peut d’abord avoir besoin de réparer les circuits cérébraux et que ce n’est qu’ensuite qu’elle peut amorcer le processus de régénération synaptique.
La nouvelle étude pourrait aussi expliquer pourquoi les effets antidépresseurs de la kétamine finissent par s’estomper, si les changements synaptiques ne peuvent être maintenus, il y aura une rechute. A l’avenir, les chercheurs aimeraient trouver un moyen de maintenir ces circuits cérébraux et de prolonger la durée du traitement.
L’étude publiée dans Science : Sustained rescue of prefrontal circuit dysfunction by antidepressant-induced spine formation et présentée sur le site du National Institute of Health : Ketamine reverses neural changes underlying depression-related behaviors in mice.