La mutation des humains ralentit et cela pourrait redéfinir l’histoire de notre évolution
Des chercheurs de l’université d’Aarhus, du zoo de Copenhague (tous deux au Danemark) et de l’Universitat Pompeu Fabra, à Barcelone, rapportent que le taux de mutation de l’humain a ralenti au cours du dernier million d’années. Aujourd’hui, il est beaucoup plus lent que celui de nos parents primates. Cette découverte est importante, car le taux de mutation est l’un des critères à l’aide desquels nous estimons l’apparition de l’humain en tant qu’espèce. Cela pourrait aussi nous aider à mieux protéger les grands primates à l’état sauvage.
Selon l’étude, moins de nouvelles mutations surviennent chaque année chez les humains modernes que chez nos plus proches parents primates. L’équipe a séquencé les génomes de familles entières (mère, père et descendants) de chimpanzés, de gorilles et d’orangs-outans, en examinant le nombre de nouvelles mutations que les jeunes générations avaient, comparé à leurs aînés. Ils les ont ensuite comparés avec les données correspondantes provenant d’humains.
Selon Søren Besenbacher, auteur principal de l’étude à l’université d’Aarhus :
Au cours des 6 dernières années, plusieurs études de grande envergure ont été menées sur l’homme, de sorte que nous disposons de connaissances approfondies sur le nombre de nouvelles mutations qui surviennent chaque année chez l’homme.
Jusqu’à présent, cependant, il n’y a pas eu de bonnes estimations des taux de mutation chez nos plus proches parents primates.
Dix familles différentes (sept de chimpanzés, deux de gorilles et une d’orangs-outans) ont participé à l’étude. Tous ont montré davantage de mutations que ce que l’on observe habituellement dans les familles humaines dont les parents ont le même âge, selon les chercheurs dans leur étude. Dans l’ensemble, ajoutent-ils, le taux de mutation annuel observé chez les humains est inférieur d’environ un tiers à ce que l’équipe a trouvé dans les familles de primates.
Ce taux plus élevé aurait un impact sur la durée estimée du temps écoulé depuis que les humains et les chimpanzés (nos plus proches parents génétiques) se sont spécialisés en lignées distinctes. C’est parce que nous estimons cette fois-ci la différence entre leur génome et le nôtre : un taux de mutation plus élevé signifierait que les différences s’accumulent sur une période plus courte, ce qui nous ferait perdre nos estimations sur le dernier ancêtre commun.
Crâne de Nyanzapithecus alesi, l’une des espèces les plus proches du dernier ancêtre commun chimpanzé-humain (CHLCA) que nous ayons trouvé. Le seul problème, c’est que le crâne vient d’un individu en bas âge. Il vivait il y a environ 13 millions d’années dans le Kenya d’aujourd’hui. (Fred Spoor)
Par exemple, si est appliqué le taux de mutation moyen mesuré chez l’homme (ce que nous avons fait jusqu’à présent), la spéciation humaine des chimpanzés aurait dû se produire il y a environ 10 millions d’années. Cependant, si nous appliquons les nouveaux taux de mutation que l’équipe présente, la spéciation aurait dû avoir lieu il y a environ 6,6 millions d’années.
Selon Mikkel Heide Schierup, coauteure de l’étude à l’université d’Aarhus :
Les temps de spéciation que nous pouvons maintenant calculer sur la base du nouveau taux correspondent beaucoup mieux au temps de spéciation que nous aurions pu attendre des fossiles datés des ancêtres humains que nous connaissons.
Les résultats auraient également une incidence sur notre estimation du moment où les Néandertaliens et les humains modernes se seraient séparés. D’après les conclusions de l’équipe, cela devrait être plus récemment qu’il ne l’a été estimé (basé sur le même mécanisme évoqué précédemment avec les chimpanzés, avec quelques réserves).
Pour les chercheurs, les résultats ont également des implications pour l’avenir, en particulier en ce qui concerne la conservation des grands singes.
Selon Christina Hvilsom du zoo de Copenhague, coauteure de l’étude :
Toutes les espèces de grands singes sont menacées dans la nature. Avec une datation plus précise sur la façon dont les populations ont changé par rapport au climat au fil du temps, nous pouvons avoir une idée sur la manière dont les espèces pourraient faire face au changement climatique futur.
L’étude publiée dans Nature Ecology and Evolution : Direct estimation of mutations in great apes reconciles phylogenetic dating.