Cannibale trop mignon : ce lièvre mange de la viande, même celle de ses congénères
Des chercheurs ont découvert que les lièvres peuvent se repaître de carcasses et compléter leur alimentation avec de la viande animale, y compris de la viande de leur propre espèce et même d’un de leurs prédateurs, le lynx.
Image d’entête : lièvre d’Amérique. (Michael Peers)
Pour Michael Peers, de l’université de l’Alberta à Edmonton (Canada), qui a mené l’étude :
C’était choquant de voir cela pour la première fois. Je n’avais aucune idée qu’ils étaient des nécrophages.
Peers a découvert cela par accident. Il a déployé des carcasses de lièvre à divers endroits dans la région du Yukon, au Canada, en installant des caméras à distance à proximité de celles-ci. Il s’attendait à voir de plus gros prédateurs comme des loups venir se nourrir, mais ce ne fut pas le cas. Au lieu de cela, il a recueilli des preuves de cannibalisme alors que les lièvres venaient dévorer les leurs.
Ce qui est encore plus surprenant, c’est que non seulement les lièvres s’adonnent au cannibalisme, mais s’ils en ont la possibilité, ils mangeront également la viande de l’un de leurs principaux prédateurs, le lynx du Canada. Dans un cas, on a même constaté un individu qui a ingéré à plusieurs reprises des plumes d’une carcasse de Tétras du Canada (Falcipennis canadensis).
Un lièvre croque quelques plumes, photographiées la nuit en train de fouiller une carcasse de tétras. (Michael Peers)
Peers croient que les lièvres d’Amérique (Lepus americanus) le font afin d’augmenter leur apport en protéines durant les hivers rigoureux du Canada, lorsque les nutriments sont rares et que les protéines sont un luxe. Les lièvres étaient aussi territoriaux avec leur charogne, la protégeant des autres individus. Peers soupçonnent que les lièvres n’ont pas été repérés en train de grignoter des carcasses plus grosses comme les rennes en raison de la concurrence de prédateurs appropriés.
Ce n’est pas la première fois qu’on trouve des créatures « herbivores » croquer de la viande. De façon anecdotique, les scientifiques ont rapporté différentes espèces de lapins consommant de la viande depuis 1921. Des propriétaires d’animaux l’ont aussi signalé de temps en temps, mais c’est la première fois que cela est filmé et décrit dans un cadre scientifique. Auparavant, en Ontario, le biologiste Kevan Cowcill avait installé des boîtes de sardines partiellement ouvertes dans toute la forêt boréale et découvert que les lièvres venaient les manger. Cependant, il n’a pas publié ses résultats.
En ce qui concerne le lièvre qui a ingéré les plumes d’une carcasse de Tétras du Canada, bien qu’il ne s’agisse que d’un seul cas observé, c’est tout de même choquant. L’ingestion de plumes est extrêmement inhabituelle dans le monde animal, car elles sont presque entièrement composées de kératine, c’est-à-dire qu’elles contiennent très peu de protéines. On ne sait pas du tout comment l’estomac du lièvre décomposerait les plumes et quels nutriments il pourrait en tirer. Potentiellement, ça pourrait être une source de fibres.
Dans l’ensemble, la consommation de charogne est de plus en plus signalée chez les animaux qui étaient autrefois considérés comme de véritables herbivores. Particulièrement dans les régions froides, ces animaux suivent un régime pauvre en protéines et ne rechigneraient pas à se priver à l’occasion de viande.
L’étude publiée dans Northwestern Naturalist : Scavenging By Snowshoe Hares (Lepus americanus) In Yukon, Canada et présentée sur le site de l’université d’Alberta : Snowshoe hares scavenge animal remains.