L’Antarctique perd 6 fois plus de glace qu’il y a 40 ans
Des scientifiques de l’université de Californie à Irvine, du Jet Propulsion Laboratory de la NASA et de l’université d’Utrecht aux Pays-Bas dans la plus longue évaluation jamais réalisée de la masse de glace de l’Antarctique, de 1979 et 2017, ont découvert que l’Antarctique perd 6 fois plus de glace chaque année qu’il y a 40 ans. Les chercheurs affirment que l’accélération de la fonte des glaces a fait monter le niveau de la mer de plus de 13 millimètres au cours de cette période et que cela va aller crescendo…
Image d’entête : le glacier de Thwaites, grande victime du dérèglement climatique. (NASA/ James Yungel)
Selon l’auteur principal Eric Rignot, spécialiste des sciences de la Terre à l’université de Californie à Irvine :
Ce n’est que la pointe de l’iceberg, pour ainsi dire. Comme la calotte glaciaire de l’Antarctique continue de fondre, nous nous attendons à une élévation de plusieurs mètres du niveau de la mer depuis l’Antarctique dans les siècles à venir.
L’Antarctique contient 90 % de la glace des glaciers du monde, assez pour élever le niveau de la mer de plus de 60 mètres si elle venait à fondre. Cependant, la calotte glaciaire de l’Antarctique, composée de celle de l’Antarctique oriental (Est Antarctique) et de la calotte glaciaire de l’Antarctique occidental (Ouest Antarctique), n’est pas une masse géante de glace stationnaire, mais plutôt un système avec des entrées et sorties de matière et d’énergie. Tous les glaciers, des plus petits (les cirques glaciaires) aux plus grandes calottes glaciaires, sont des transporteurs de glace, la transportant des zones dont les apports sont nets (la zone d’accumulation) aux zones dont le débit est net (la zone d’ablation).
Les glaciers du continent accumulent la glace à partir des chutes de neige, et ainsi des cristaux de neige sont enfouis sous des précipitations plus récentes, atteignant finalement une profondeur où ils sont compactés en glace de glacier. Mais, à cause de l’importante pression, le glacier coule comme un liquide très visqueux vers l’océan (à un rythme si lent qu’il est impossible de percevoir le mouvement), laissant lentement le continent se désagréger sous forme d’icebergs et autres morceaux de glace flottante qui finiront par fondre. C’est lorsque le débit sortant est supérieur au taux d’accumulation des chutes de neige que le niveau de la mer monte, et cela se produit actuellement comme jamais.
Rignot et ses collègues ont étudié 18 régions, totalisant 176 bassins, ainsi que les îles environnantes. Afin d’évaluer le bilan de la calotte glaciaire, l’équipe de recherche a utilisé des photos aériennes à haute résolution prises par l’Opération IceBridge de la NASA à une altitude de 350 mètres, en conjonction avec l’interférométrie radar par satellite de diverses agences spatiales et des images satellitaires du programme Landsat en cours qui ont débuté au début des années 1970.
L’écoulement des glaces de l’Antarctique, dérivé du suivi des caractéristiques de l’imagerie Landsat. (NASA Earth Observatory)
La contribution de l’Antarctique à l’élévation du niveau de la mer. (Imbie/ NASA)
Les résultats suggèrent qu’entre 1979 et 1990, l’Antarctique a déversé en moyenne 40 gigatonnes de glace par an, avec 1 gigatonne équivalant à 1 milliard de tonnes. Ce taux de fonte de la glace a grimpé à 252 gigatonnes par année entre 2009 et 2017, soit 6 fois plus qu’il y a 4 décennies.
Le plus grand perdant fut l’inlandsis de l’Antarctique occidental, qui peut faire monter le niveau de la mer de près de 5 mètres. Il perd aujourd’hui environ 159 gigatonnes de glace par an, en particulier à cause de la fonte du glacier de l’île du Pin (qui a perdu un billion de tonnes de glace depuis 1979) et le glacier de Thwaites en image d’entête (qui a perdu 634 milliards de tonnes).
Cependant, le résultat le plus surprenant fut le taux de perte nette de glace en Est Antarctique (Antarctique oriental), qui est de loin la plus grande réserve de glace du continent, pouvant atteindre près de 52 mètres d’élévation du niveau de la mer. Les glaciers Cook, Ninnis, Dibble, Frost, Holmes et Denman subissent d’importantes pertes de glace. Denman à lui seul a perdu 200 milliards de tonnes de glace, selon l’étude. Auparavant, les climatologues pensaient que l’Est Antarctique n’était pas si vulnérable à la perte nette de glace, mais ce n’était qu’une illusion.
Selon M. Rignot, qui est également responsable de la recherche au Jet Propulsion Laboratory de la NASA :
Cette région est probablement plus sensible aux changements climatiques qu’on ne l’a traditionnellement supposé, et c’est important de le savoir, car elle contient encore plus de glace que l’Antarctique occidental et la péninsule Antarctique réunis.
La calotte glaciaire de l’Antarctique est en train de fondre en raison du réchauffement climatique, qui affecte les pôles de manière disproportionnée. La majeure partie de cette fonte n’est pas due à la fonte de surface, mais plutôt à la fonte par le bas. Dans l’Antarctique, les plates-formes de glace s’étendent de la terre vers l’eau. Et comme le fond de la plate-forme de glace est exposé à l’océan, qui se réchauffe, il peut faire fondre le dessous de la plate-forme et l’amincir ou se briser dans l’océan et selon Rignot :
À mesure que le réchauffement climatique et l’appauvrissement de la couche d’ozone transmettront davantage de chaleur océanique à ces secteurs, ils continueront de contribuer à l’élévation du niveau de la mer depuis l’Antarctique dans les décennies à venir.
L’étude publiée dans The Proceedings of the National Academy of Sciences (PNAS) : Four decades of Antarctic Ice Sheet mass balance from 1979–2017 et présentée sur le site de l’université de Californie à Irvine : UCI/JPL: Antarctica losing six times more ice mass annually now than 40 years ago.