Des scientifiques utilisent des salmonelles modifiées pour introduire en douce des particules dans une tumeur
Trouver des médicaments anticancéreux puissants est une chose, les acheminer jusqu’au site d’une tumeur à l’intérieur du corps en est une autre. Avec un organisme compliqué, protégé par un système immunitaire très évolué, d’amener ces particules à leur cible en un seul morceau est une tâche difficile, que les scientifiques continuent d’aborder sous tous les angles. Une nouvelle et prometteuse approche développée par l’Institut polytechnique et université d’État de Virginie (Virginia Tech) s’appuie sur les propriétés pénétrantes d’une infection à la salmonelle, dont ils ont découvert qu’elle peut être utilisée comme véhicule pour introduire “clandestinement” des nanoparticules anti-cancer dans une tumeur.
Image d’entête : Salmonella typhimurium, en rouge, sur une culture de cellules humaines. (Wikimédia)
Cette nouvelle technique découle de la façon dont le corps réagit aux cellules étrangères qui le menacent, comme celles véhiculées par les salmonelles et d’autres types d’infections. Lorsqu’il est confronté à cette bactérie, le système immunitaire de l’organisme passe à l’action pour la combattre, ce qui peut être de mauvais augure pour les cellules cancéreuses prises dans le feu croisé. Cela fait partie du domaine de l’immunothérapie, où les scientifiques explorent des moyens de surcharger le système immunitaire de l’organisme pour vaincre un cancer, et ils font régulièrement des progrès dans ce domaine.
L’équipe de Virgina Tech s’est demandé si, en plus de déclencher le système immunitaire de l’organisme, la bactérie salmonelle pourrait également être utilisée pour transporter des médicaments anticancéreux vers le siège d’une tumeur. L’ingénieure en mécanique de Virginia Tech, Bahareh Behkam, a eu cette idée il y a 6 ans, le périple fut donc laborieux, mais après de nombreuses retouches, Bahareh et son équipe ont maintenant produit des résultats extrêmement prometteurs.
Ils ont surnommé cette technologie NanoBEADS (Bacteria-Enabled Autonomous Drug Delivery System). Elle se compose de nanoparticules fabriquées à partir d’acide polylactique pour transporter des médicaments anticancéreux chimiquement liés à une souche bactérienne affaiblie Salmonella enterica sérovar Typhimurium VNP20009. Il s’agit donc d’une version affaiblie de la salmonelle conçue pour provoquer une réaction immunitaire, mais sans les effets nocifs qu’une infection à la salmonelle peut avoir.
Selon M. Behkam :
Le rôle de la Salmonella en tant qu’agent pathogène est de pénétrer à travers les tissus . Si les bactéries se déplacent si bien dans les tissus, pourquoi ne pas coupler la nanomédecine à la bactérie pour transporter le médicament bien plus loin qu’il ne le ferait s’il se diffusait de lui-même ?
L’équipe a exploré les capacités de pénétration des NanoBEADS en les mettant à l’œuvre dans des tumeurs développées en laboratoire, où ils ont constaté une amélioration de la pénétration et de la distribution des nanoparticules jusqu’à 80 fois supérieures à celle des nanoparticules diffusées classiquement. Non contents de cela, les chercheurs ont administré les NanoBEADs à des souris atteintes d’un cancer du sein et ils ont constaté qu’elles avaient grandement amélioré la rétention des nanoparticules dans les tumeurs, jusqu’à 100 fois mieux que les méthodes d’administration passive.
Les agents NanoBEADS sont construits en conjuguant des nanoparticules de polyacide lactique-co-glycolique avec la bactérie Salmonella typhimurium qui cible les tumeurs. NanoBEADS améliore la rétention et la distribution des nanoparticules dans les tumeurs solides jusqu’à ≈100-fois, grâce à l’autoréplication intercellulaire (entre les cellules) et la translocation. Cette amélioration du transport est réalisée de manière autonome, sans qu’il soit nécessaire de recourir à une force motrice ou à une commande externe. (Virginia Tech)
Selon Coy Allen, coauteur de cette étude :
Plus particulièrement, la salmonelle elle-même a aidé à maintenir les particules dans la tumeur jusqu’à 100 fois plus efficacement, ce qui suggère qu’elle serait un véhicule d’administration efficace.
À partir de là, l’équipe cherche à charger les NanoBEADS de traitements contre le cancer pour voir comment cela peut avoir un impact sur leur efficacité.
Selon M. Behkam :
Vous pouvez fabriquer les médicaments les plus étonnants, mais si vous ne pouvez pas les livrer là où ils doivent aller, ils ne peuvent pas être très efficaces . En améliorant la livraison, vous pouvez améliorer l’efficacité.
L’étude publiée dans la revue Advanced Science : Nanoscale Bacteria‐Enabled Autonomous Drug Delivery System (NanoBEADS) Enhances Intratumoral Transport of Nanomedicine et présentée sur le site de la Virginia Tech : Virginia Tech researchers create a bacteria-based drug delivery system that outperforms conventional methods.