Des virus écoutent les conversations des bactéries pour savoir quand les attaquer
Différents virus attaquent différents types de cellules. Un virus de la grippe, par exemple, attaque les cellules pulmonaires, tandis que le virus du sida attaque les cellules du système immunitaire. Certains virus, connus sous le nom de bactériophages, attaquent les bactéries et il s’avère qu’ils ne le font pas tous de manière aléatoire.
Admirons tout d’abord comment opère un bactériophage (un peu à la façon de l’atterrisseur Insight sur Mars) pour attaquer une bactérie sur laquelle il se posera pour y injecter son ADN viral:
Une équipe de l’université de Princeton (Etats-Unis) a découvert que certains phages » écoutent » les conversations (détection du quorum) qui ont lieu entre les bactéries (leur permettant de savoir combien de leurs congénères sont à proximité), afin d’identifier le moment idéal pour frapper. Cette découverte pourra peut-être utiliser dans la lutte contre la résistance aux antibiotiques.
Nous savons depuis longtemps que les bactéries peuvent communiquer par la libération de molécules (détection du quorum). Dans une étude publiée jeudi dernier (lien plus bas), des chercheurs de Princeton décrivent une découverte qui s’appuie sur ce mécanisme : un virus appelé VP882, qui » écoute » ces molécules afin de savoir quand il y a suffisamment de bactéries pour justifier une attaque, un processus qui consiste à créer de nombreuses répliques de lui-même.
Via microscopie électronique à balayage des bactériophages attaquant une bactérie intestinale E. coli. (E.Buil)
Cette écoute clandestine est une technique de survie, s’il n’y a pas assez de bactéries dans les alentours, le virus VP882 et ses répliques vont tous mourir après l’attaque. Il s’avère que VP882 n’est pas unique non plus. L’équipe de Princeton a découvert que d’autres virus espionnent aussi les bactéries de diverses façons pour déterminer quand frapper.
C’est le premier exemple connu d’organismes aussi radicalement différents à l’écoute des communications des uns et des autres.
Une fois que l’équipe de Princeton a découvert la capacité d’écoute de VP882, elle a décidé de l’utiliser contre les bactéries. En remaniant le VP882 en laboratoire, Justin Silpe, a réussi à faire attaquer le virus lorsqu’il détectait n’importe quel signal, pas seulement la molécule de communication qui l’a fait réagir naturellement.
Et VP882 lui-même est unique en ce sens qu’il peut infecter plusieurs types de cellules, contrairement aux virus de la grippe et du VIH mentionnés ci-dessus. Lors de tests, Silpe a réussi à obtenir du VP882 qu’il attaque la bactérie Vibrio choleræ qui engendre le choléra, la salmonelle et l’Escherichia coli, trois types de bactéries très différentes.
La communauté médicale savait déjà qu’elle pouvait utiliser certains phages pour traiter les maladies bactériennes. Maintenant que nous savons que nous pouvons transformer au moins un phage en assassin, nous pouvons peut-être trouver un moyen de l’utiliser contre les bactéries résistantes aux antibiotiques qui menacent actuellement la santé mondiale.
L’étude publiée dans Cell : A Host-Produced Quorum-Sensing Autoinducer Controls a Phage Lysis-Lysogeny Decision et présentée sur le site de l’université de Princeton : Biologists turn eavesdropping viruses into bacterial assassins.