Pour la première fois, des condensats de Bose-Einstein ont été produits dans l’espace
En envoyant dans l’espace une puce expérimentale miniature, des scientifiques issues d’une collaboration internationale ont créé le premier condensat de Bose-Einstein dans l’espace. Cet exploit pourrait permettre une exploration plus précise des ondes gravitationnelles, de la matière noire, et d’enrichir notre compréhension fondamentale de la physique.
Image d’entête : la puce expérimentale produisant les condensats de Bose-Einstein envoyée dans l’espace pour la mission MAIUS 1. (MAIUS project team/J Matthias/ DLR)
Les condensats de Bose-Einstein (CEB) sont une matière assez inhabituelle. Ils sont créés en refroidissant des atomes de gaz à faible densité à une température aussi basse que possible. Près du zéro absolu, les atomes se regroupent pour créer un état quantique très dense.
Les scientifiques cherchent à mettre la main sur ces CBE pour qu’ils puissent faire leurs tests et voir exactement ce que ces substances peuvent faire. La théorie, au moins, suggère que leur étrange état ferait des CEB des capteurs idéaux pour certaines applications, notamment dans la détection d’ondes gravitationnelles (laissées par la fusion de deux étoiles, par exemple).
Il est presque impossible de synthétiser des CEB dans des conditions normales sur Terre ainsi que sur n’importe quel gros morceau de roche spatiale : la gravité interfère avec les dispositifs utilisés pour produire et étudier ces condensats.
Jusqu’à présent, la solution de contournement consistait à attacher tout cet équipement (très coûteux) sur des tours, puis à le laisser tomber. Cela simule un environnement d’apesanteur (l’attraction gravitationnelle vers le bas est annulée par l’inertie vers le haut) pendant quelques secondes, ce qui rend le processus viable pendant la chute. Inutile de dire qu’il n’y a pas grand-chose qui peut être réalisé pendant cette période, de sorte que les chercheurs qui travaillent avec les CEB ont depuis longtemps gardé leurs yeux et leurs espoirs sur un environnement sans gravité : l’espace.
Les États-Unis travaillent déjà d’arrache-pied pour fournir à ces scientifiques les jouets dont ils ont besoin. En mai dernier, la NASA a propulsé vers la Station spatiale internationale (ISS) une plate-forme de recherche spatiale de CEB, le Cold Atom Laboratory. Toutefois, le laboratoire n’est pas encore pleinement opérationnel.
Ainsi, entre-temps, un groupe assez important de chercheurs d’Europe et des États-Unis ont uni leurs efforts pour lancer sur orbite un minuscule dispositif produisant des CEB. Il contenait également des dispositifs capables d’effectuer une série d’expériences sur la substance. Tout cela fonctionne selon le même principe que les expériences de chute de tour, en utilisant des environnements à faible et à zéro gravité dans l’espace.
Schéma de la fusée (a), de sa cargaison embarquée (b), de la capsule (c) et de la puce (d). (e) est une image en niveaux de gris de la densité spatiale de la CEB. (Dennis Becker et col/ Nature)
L’appareil se composait d’une capsule avec divers composants électroniques, une puce de rubidium 87 atomes, quelques lasers et une source d’énergie. L’équipe a activé l’appareil lorsque la fusée a atteint une altitude de 243 km. Un CEB stable a été produit en seulement 1,6 seconde, rapportent les chercheurs, et l’appareil a effectué 110 expériences préprogrammées dans les 6 minutes précédant l’atterrissage de la fusée sur Terre.
Ce condensat de Bose-Einstein est la première substance de ce type jamais produite dans l’espace, ajoute l’équipe.
L’étude publiée dans Nature : Space-borne Bose–Einstein condensation for precision interferometry et présentée sur le site de l’agence spatial allemande (DLR) : MAIUS 1 – First Bose-Einstein condensate generated in space.