Des fossiles révèlent d’anciennes guêpes parasites encore à l’intérieur de leurs victimes
Nous avons maintenant la preuve directe que les anciens insectes étaient aussi la proie d’horribles parasites. Les scientifiques ont minutieusement étudié 1 510 nymphes de mouches fossilisées du Paléogène et ils ont découvert de minuscules larves de guêpes fossilisées à l’intérieur de 55 d’entre elles. Ensemble, ce sont quatre nouvelles espèces qui étaient auparavant inconnues de la science.
Image d’entête : images radiographiques présentant une guêpe parasite cachée à l’intérieur d’une pupe de mouche minéralisée ou fossilisée. Ce spécimen est âgé de 30 à 40 millions d’années. (Georg Oleschinski/ Thomas van de Kamp/ Nature Communications)
Les guêpes endoparasitoïdes, sur le plan conceptuel, sont parmi les créatures les plus effroyables pour les humains. Elles pondent leurs œufs à l’intérieur d’un hôte, où ils incuberont lentement. Au moment de l’éclosion, ils sortiront de leur hôte encore vivant, le tuant, et souvent en faisant leur premier repas de ses restes démembrés. C’est une tactique de survie incroyablement efficace. Mais remonter à ses origines est un véritable défi.
Illustration d’une femelle Xenomorphia resurrecta déposant ses œufs à l’aide son ovipositeur dans une nymphe. (Van de Kamp et Col./ Nature Communication)
En effet, les fossiles de ces créatures sont difficiles à trouver. Il y a des guêpes fossilisées, bien sûr, et des mouches fossilisées. Mais la durée de l’interaction entre le parasite et l’hôte est relativement courte. Et, bien sûr, il faut avoir quelqu’un qui pense à aller les chercher, avec les outils pour le faire.
C’est là qu’entre en scène l’entomologiste Thomas Van de Kamp de l‘Institut de technologie de Karlsruhe, en Allemagne. Ayant déjà appliqué la microtomographie aux rayons X par synchrotron pour étudier les coléoptères fossilisés, van de Kamp s’est tourné vers un groupe de fossiles plus énigmatique et largement ignoré.
Découverts dans le Quercy, dans le centre-sud de la France à la fin du XIXe siècle, les fossiles sont constitués de nymphes tridimensionnelles datant du Paléogène, il y a entre 66 et 23 millions d’années. Au cours des millénaires qui ont suivi, les pupes se sont minéralisées, leur matière organique étant lentement remplacée par de la pierre.
Un petit échantillon des 1 510 nymphes de mouches fossilisées utilisées dans l’étude. (Georg Oleschinski)
L’une d’elles avait été disséquée pour une étude réalisée en 1944, révélant une guêpe parasitoïde à l’intérieur. Mais, depuis lors, les fossiles n’avaient pas été analysés. C’est alors, selon van de Kamp, que… :
En 2016, le paléontologue Achim Schwermann, qui travaillait alors à l’université de Bonn, m’a envoyé 29 de ces pupes à scanner.
Je me souviens, j’étais assis observant attentivement les projections de rayons X pendant l’acquisition. J’avoue que je m’ennuyais déjà un peu après que 9 scans n’aient révélé rien d’autre que de la pierre. Puis le scan n°10 s’est produit.
À l’intérieur de l’éclat de pierre de 3 millimètres se trouvait une guêpe parasitoïde, inimitable. L’équipe a utilisé cette découverte pour obtenir une collection de fossiles de nymphes d’un certain nombre de musées. Puis, à l’aide de la microtomographie aux rayons X par synchrotron, les chercheurs travaillant par roulement 24 heures sur 24, les 1 500 échantillons ont été scannés en seulement quatre jours.
Une vidéo montrant la guêpe parasitoïde cachée à l’intérieur d’une chrysalide fossilisée.
C’est là que les chercheurs ont trouvé les 55 guêpes, conservées dans la pierre à l’intérieur de leurs hôtes, comme une horrible et merveilleuse poupée matriochka préhistorique.
Leur préservation était si parfaite, comprenant les antennes et les microscopiques setae, et dans certains cas les ailes, indiquant qu’il était temps de se libérer, que l’équipe a été en mesure de caractériser quatre nouvelles espèces.
Leurs noms sont Xenomorphia resurrecta (d’après le Xenomorph du film Alien de 1979, également parasitoïde), Xenomorphia handschini (d’après l’auteur de l’étude de 1944, l’entomologiste Eduard Handschin), Coptera anka et Palaeortona quercyensis. Les deux espèces de Xenomorphia étaient assez semblables l’une de l’autre. C. anka et P. quercyencis, d’autre part, présentaient des particularités dans leurs ailes, leurs antennes et concernant leur taille qui auraient pu mieux convenir à un mode de vie au sol.
Projection radiographique d’un parasite fossile, où la guêpe est clairement visible à l’intérieur de la nymphe de la mouche. (Thomas van de Kamp)
L’équipe pense que, tout comme les guêpes endoparasitoïdes actuelles, les nymphes ont été découvertes et pénétrées par les femelles à l’aide d’un ovipositeur, avec lequel elles ont implanté leurs œufs à l’intérieur. Mais un événement, peut-être une inondation due à la pluie, a détruit les nids, mettant fin à la vie des insectes avant même qu’ils ne puissent émerger.
C’est une fin tragique. Mais leurs minuscules restes de pierre remplissent les blancs sur l’histoire de ces fascinantes créatures et montrent la valeur de ressusciter les collections oubliées pour un examen plus approfondi.
Toujours selon M. van de Kamp :
Notre étude démontre que les anciennes collections scientifiques méritent un second examen. Les techniques d’imagerie de pointe, comme la microtomographie par rayons X, nous permettent de mieux comprendre les fossiles et autres spécimens et d’en apprécier la valeur réelle .
Il est temps de découvrir les trésors cachés.
L’étude publiée dans Nature Communications : Parasitoid biology preserved in mineralized fossils et M. van de Kamp présente sa découverte dans un billet publié également dans Nature : Behind the paper : Ancient Parasites.