La survie des plus paresseux : les espèces qui consomment moins d’énergie seraient mieux à même d’éviter l’extinction
Ami(e)s fatigué(e)s de nature, réjouissez-vous, des chercheurs ont analysé les taux métaboliques de centaines d’espèces de mollusques de l’océan Atlantique, certaines disparues, d’autres encore vivantes, et ils ont trouvé un lien entre un faible taux métabolique et une meilleure capacité de survie. En d’autres termes, les créatures plus léthargiques ont un avantage sur les animaux qui brûlent rapidement leurs calories, en ce qui concerne le risque d’extinction. Bruce Lieberman, professeur d’écologie et de biologie de l’évolution à l’université du Kansas et coauteur de la nouvelle étude, appelle cela la » survie des plus paresseux « , en jouant sur la célèbre phrase darwinienne “la survie du plus fort”.
Dans tout écosystème, le succès est relatif. De nombreuses espèces disparaissent parce qu’elles sont hyperspécialisées, trop adaptées à un environnement spécifique ou à une niche écologique. Lorsque l’environnement change, leurs adaptations très spécifiques deviennent un handicap plutôt qu’un avantage, c’est en grande partie l’histoire de l’extinction des dinosaures. De nombreux oiseaux en Nouvelle-Zélande étaient très bien adaptés à un environnement sans grands prédateurs, ce qui signifie qu’ils ont évolué jusqu’à être incapables de voler. De grands prédateurs (les humains) sont arrivés et beaucoup d’entre eux se sont rapidement éteints.
Beaucoup d’espèces traversent un boom, puis un déclin, mais certaines peuvent se prémunir de l’extinction plus longtemps que d’autres. Il y a bon nombre de facteurs en jeu, et l’un d’entre eux est leur taux métabolique, la quantité d’énergie dont un organisme a besoin pour vivre sa vie quotidienne.
Des chercheurs de l’université du Kansas ont cherché à savoir s’ils pouvaient prédire la probabilité d’extinction d’une espèce en se basant sur l’absorption d’énergie. Ils ont analysé les taux métaboliques de 299 espèces de mollusques qui ont vécu sur une période d’environ 5 millions d’années, depuis le milieu du Pliocène jusqu’à aujourd’hui. Les résultats suggèrent que les créatures paresseuses et léthargiques ont un léger avantage sur les animaux dont le taux métabolique est plus élevé.
Selon Luke Strotz, chercheur postdoctoral à l’Institut de la biodiversité et au Musée d’histoire naturelle de l’université du Kansas :
Ceux qui ont disparu ont tendance à avoir des taux métaboliques plus élevés que ceux qui sont encore en vie. Ceux qui ont moins besoin d’entretien énergétique semblent plus susceptibles de survivre que les organismes dont le taux métabolique est plus élevé.
Peut-être qu’à long terme, la meilleure stratégie d’évolution pour les animaux est d’être paresseux et léthargique, plus le taux métabolique est bas, plus l’espèce à laquelle vous appartenez aura de chances de survivre. Au lieu de « la survie du plus fort », une meilleure métaphore de l’histoire de la vie est peut-être « la survie des plus paresseux » ou au moins « la survie des léthargiques ».
Comme les changements climatiques modifient rapidement les écosystèmes partout dans le monde, les nouvelles découvertes serviront à affiner les prévisions sur une probabilité d’extinction. Les résultats suggèrent que le taux métabolique, bien qu’il ne s’agisse pas d’un facteur global, est une composante importante de la probabilité d’extinction.
Selon les chercheurs dans leur étude, le lien entre le taux métabolique élevé et la probabilité d’extinction était plus prononcé pour les espèces qui vivent dans un petit habitat.
Selon M. Strotz :
Nous constatons que les espèces largement réparties ne montrent pas la même relation entre l’extinction et le taux métabolique que les espèces à distribution limitée. La taille de l’aire de répartition est une composante importante de la probabilité d’extinction, et les espèces étroitement réparties semblent beaucoup plus susceptibles de disparaître. Si vous êtes faiblement répartis et que vous avez un taux métabolique élevé, votre probabilité d’extinction est très élevée à ce moment-là.
L’une des conclusions les plus intéressantes est que le taux métabolique cumulé des communautés d’espèces est demeuré stable. Même lorsque des populations et des espèces individuelles sont apparues ou ont disparu dans un écosystème, le taux métabolique global de la communauté est demeuré inchangé au fil du temps, apparemment dans une “stase énergétique”.
Toujours selon M. Strotz :
En termes d’absorption d’énergie, de nouvelles espèces se développent, ou l’abondance de celles qui sont encore présentes augmente, pour prendre le relais, au fur et à mesure que d’autres espèces disparaissent. C’était une surprise, car on s’attendrait à ce que le taux métabolique au niveau de la communauté change au fil du temps. Au lieu de cela, l’absorption moyenne d’énergie reste la même pendant des millions d’années pour ces bivalves et gastéropodes, malgré de nombreuses extinctions.
Les auteurs ont utilisé des mollusques pour leur étude parce qu’il y a beaucoup de données sur ces espèces vivantes et disparues, y compris les taux métaboliques et d’extinction. Une étude de suivi déterminera si le même lien ou la même influence métabolique existe pour d’autres animaux.
Nous considérons que ces résultats sont généralisables à d’autres groupes, du moins dans le domaine marin. Certaines des prochaines étapes consisteront à l’étendre à d’autres clades, pour voir si le résultat est conforme à ce que nous savons sur d’autres groupes. On peut se demander s’il ne s’agit pas simplement d’un phénomène de mollusques ? Compte tenu de la taille de cet ensemble de données et de la longue période qu’il couvre, il est justifié que ce soit généralisable.
L’étude publiée dans The Proceedings of the Royal Society B. : Metabolic rates, climate and macroevolution: a case study using Neogene molluscs et présentée sur le site de l’université du Kansas : New research suggests evolution might favor ‘survival of the laziest’.