Encore plus de précision sur l’accélération de l’expansion de l’Univers sans encore vraiment savoir ce qu’il se passe
Edwin Hubble, dans les années 1920, a découvert que l’Univers était en pleine expansion. D’abord prédite comme une conséquence de la théorie de la relativité générale d’Einstein, cette confirmation a conduit à ce que l’on a appelé la constante de Hubble. Au cours des décennies qui ont suivi et grâce au déploiement de télescopes de nouvelle génération, comme le bien nommé télescope spatial Hubble, les scientifiques ont été contraints de réviser cette loi.
Images d’entête, obtenues par le télescope spatial Hubble, présentent deux des 19 galaxies analysées dans cette étude, pour déterminer la valeur de la constante de Hubble. Il y a la galaxie NGC 3972 (à gauche) et NGC 1015 (à droite), situées respectivement à 65 millions d’années-lumière et à 118 millions d’années-lumière de la Terre. Les cercles jaunes dans chaque galaxie représentent les emplacements des étoiles à la lumière pulsantes appelées variables Céphéides. (NASA/ ESA/ A. Riess (STScI / JHU))
Au cours des dernières décennies, la capacité de voir plus loin dans l’espace et donc plus loin dans le temps, a permis aux astronomes de réaliser des mesures plus précises sur la rapidité de l’expansion de l’Univers. Et grâce à une nouvelle étude réalisée à l’aide de Hubble, une équipe internationale d’astronomes a été en mesure de réaliser les mesures les plus précises à ce jour du taux d’expansion de l’Univers.
Cette étude a été réalisée par le Supernova H0 for the Equation of State (SH0ES), un groupe international d’astronomes qui cherche depuis 2005 à affiner l’exactitude de la constante de Hubble. Le groupe est dirigé par Adam Reiss du Space Telescope Science Institute (STScI) et de l’université Johns Hopkins (Etats-Unis) et comprend des membres du Musée américain d’histoire naturelle, de l’Institut Neils Bohr, de l’Observatoire d’astronomie optique national (Etats-Unis) et de nombreuses universités et institutions de recherche.
Dans l’intérêt de leur étude, et conformément à leurs objectifs, l’équipe a cherché à construire une nouvelle «échelle de distance» plus précise.
Cet outil est la méthode traditionnelle avec laquelle les astronomes ont mesuré les distances dans l’Univers, qui consiste à s’appuyer sur des marqueurs de distance comme les étoiles variables céphéides, des étoiles dont la luminosité varie périodiquement et dont les distances peuvent être déduites en comparant leur luminosité intrinsèque (magnitude absolue) à leur luminosité apparente (magnitude apparente). Ces mesures sont ensuite comparées à la façon dont la lumière des galaxies à distance est décalée vers le rouge pour déterminer à quelle vitesse l’espace entre les galaxies est en expansion. De ceci, la constante de Hubble est dérivée.
Illustration présentant les 3 étapes que les astronomes ont utilisées pour mesurer le taux d’expansion de l’univers (constante de Hubble) avec une précision sans précédent. (NASA/ ESA/ A. Feild (STScI) et A. Riess (STScI / JHU))
Pour construire leur échelle, Riess et son équipe ont effectué des mesures de parallaxe de 8 étoiles variables Céphéide dans la Voie lactée en utilisant la Wide Field Camera 3 (WFC3) de Hubble. Ces étoiles sont environ 10 fois plus éloignées que celles étudiées précédemment, à entre 6 000 et 12 000 années-lumière de la Terre et pulsent de la lumière à des intervalles plus longs.
Pour assurer une précision qui expliquerait les oscillations de ces étoiles, l’équipe a également développé une nouvelle méthode où Hubble mesurerait la position d’une étoile 1000 fois par minute tous les 6 mois, pendant 4 ans. L’équipe a ensuite comparé la luminosité de ces 8 étoiles avec des Céphéides plus lointaines pour s’assurer qu’elle pouvait calculer avec plus de précision les distances avec d’autres galaxies.
En utilisant la nouvelle technique, Hubble a pu capturer le changement de position de ces étoiles par rapport aux autres, ce qui a considérablement simplifié les choses.
Selon Riess :
Cette méthode permet d’avoir des occasions répétées de mesurer les déplacements extrêmement minimes dus à la parallaxe. Vous mesurez la séparation entre deux étoiles, pas seulement au même endroit sur la caméra, mais encore et encore des milliers de fois, ce qui réduit les erreurs de mesure.
Par rapport aux précédentes enquêtes, l’équipe a été en mesure d’étendre le nombre d’étoiles analysées à des distances allant jusqu’à 10 fois plus loin. Cependant, leurs résultats contredisent également ceux obtenus par le satellite Planck de l’Agence Spatiale Européenne (ESA), qui mesure depuis son déploiement en 2009 les restes du rayonnement créé par le Big Bang appelé le fond diffus cosmologique (ou CMB pour cosmic microwave background).
Chronologie récemment mise à jour de l’univers. (N.R.Fuller/ National Science Foundation)
Une autre chronologie du Big Bang. Les neutrinos cosmiques affectent le fond diffus cosmologique au moment où il a été émis et la physique s’occupe du reste de son évolution jusqu’à aujourd’hui. (NASA/ JPL-Caltech/ A. Kashlinsky (GSFC))
En cartographiant le fond diffus cosmologique, Planck a pu retracer l’expansion du cosmos au début de l’Univers, 378 000 ans après le Big Bang. Le résultat de Planck prédit que la valeur de la constante de Hubble devrait maintenant être de 67 kilomètres par seconde par mégaparsec (3,3 millions d’années-lumière) et ne pourrait être supérieure à 69 kilomètres par seconde par mégaparsec.
Sur la base de leur enquête, l’équipe de Riess a obtenu une valeur de 73 kilomètres par seconde par mégaparsec, soit un écart de 9%. Leurs résultats indiquent essentiellement que les galaxies se déplacent à un rythme plus rapide que celui impliqué par les observations de l’Univers primitif. Comme les données de Hubble étaient si précises, les astronomes ne peuvent pas considérer l’écart entre les deux résultats comme des erreurs dans une seule mesure ou méthode.
Selon Reiss :
La communauté est vraiment aux prises avec la compréhension de la signification de cette divergence… Les deux résultats ont été testés de multiples façons, à moins d’une série d’erreurs sans rapport. il est de plus en plus probable que ce ne soit pas un bug mais une caractéristique de l’univers.
N’importe laquelle de ces possibilités signifierait que le contenu de l’Univers primitif était différent, obligeant ainsi à redéfinir nos modèles cosmologiques. À l’heure actuelle, Riess et ses collègues n’ont aucune réponse, mais prévoient de continuer à peaufiner leurs mesures. Jusqu’à présent, l’équipe SHoES a réduit l’incertitude de la constante de Hubble à 2,3%.Ceci correspond à l’un des principaux objectifs du télescope spatial Hubble, qui était de contribuer à réduire la valeur d’incertitude dans la constante de Hubble, pour laquelle les estimations variaient autrefois d’un facteur 2. Donc, même si cette divergence ouvre la porte à de nouvelles questions, elle réduit également considérablement notre incertitude lorsqu’il s’agit de mesurer l’Univers. En fin de compte, cela améliorera notre compréhension sur la façon dont l’Univers a évolué après sa création il y a 13,8 milliards d’années.
L’étude qui décrit leurs résultats publiée dans The Astrophysical Journal : Type Ia Supernova Distances at Redshift >1.5 from the Hubble Space Telescope Multi-cycle Treasury Programs: The Early Expansion Rate et présentée sur le site de la NASA : Improved Hubble Yardstick Gives Fresh Evidence for New Physics in the Universe.