Un signal radio de 13,6 milliards d’années envoyé par les premières étoiles de l’Univers
Regarder dans l’espace, c’est regarder dans le temps, donc de jeter un coup d’œil sur les premiers jours de l’univers, c’est sondé les profondeurs de l’espace. Récemment, les astronomes du MIT et de l’université d’Etat de l’Arizona ont scruté « l’aube du Cosmos », l’époque où les premières étoiles commençaient à « s’allumer », en captant un signal radio extrêmement faible qui indique des premières traces d’hydrogène, à peine 180 millions d’années après le Big Bang.
Image d’entête : représentation artistique d’une des premières étoiles de l’Univers. (N.R.Fuller/ National Science Foundation)
L’Univers, dans ses premières années, était un endroit très sombre et très froid. La lumière n’existait pratiquement pas et le gaz hydrogène qui constituait la majorité du milieu interstellaire était pratiquement indiscernable du rayonnement diffus cosmologique (ou fond diffus cosmologique ou CMB pour Cosmic Background radiation), laissé par le Big Bang.
Mais au fil du temps, la matière c’est regroupée/ agglomérée, grossissant pour finir par exercer une telle pression que la fusion nucléaire est entrée en action. Résultat, les premières étoiles se sont mises à scintiller à travers l’Univers et le rayonnement ultraviolet qu’elles émettaient interagissait avec le gaz hydrogène environnant. Les atomes d’hydrogène ont absorbé le rayonnement diffus cosmologique et c’est ce changement que la nouvelle étude a pu détecter sous forme d’ondes radio.
Cette chronologie mise à jour de l’univers reflète la découverte récente que les premières étoiles ont émergé à 180 millions d’années après le Big Bang. (N.R.Fuller/ National Science Foundation)
Selon Alan Rogers, coauteur de la nouvelle étude :
C’est le premier vrai signal que les étoiles commencent à se former, et commencent à affecter le médium autour d’elles. Dans cette période, une partie du rayonnement des premières étoiles commence à permettre à l’hydrogène d’être vue. Celui-ci commence à absorber le rayonnement de fond, donc vous commencez à le voir en silhouette, à des fréquences radio particulières.
L’équipe a réussi à remonter à 13,6 milliards d’années en retraçant le signal, à peine 180 millions d’années après le début explosif de l’Univers. Cela en fait le plus ancien signal jamais détecté, avec une assez large marge. Le radiotélescope ALMA a observé des nuages de gaz formant des étoiles à partir de 800 millions d’années après le Big Bang, une équipe de l’université Johns Hopkins a réussi à revenir à 500 millions d’années et Hubble détient le précédent record à 400 millions d’années après le Big Bang.
Cette nouvelle détection a été réalisée avec l’Experiment to Detect Global Epoch-of-Reionization Signature (EDGES), une petite antenne radio de la taille d’une table.
Le spectromètre radio EDGES, à l’Observatoire de Radio-astronomie Murchison du CSIRO en Australie. Dans chaque instrument, les ondes radio sont recueillies par une antenne constituée de deux panneaux métalliques rectangulaires montés horizontalement sur des pieds en fibre de verre au-dessus d’un treillis métallique. (CSIRO Australia)
Pour s’assurer que cet équipement incroyablement sensible était capable de capter les signaux les plus faibles de l’univers à ses débuts, les chercheurs l’ont installé dans une région reculée de l’Australie, à des centaines de kilomètres de toute source d’interférence radio.
L’hydrogène neutre émet un rayonnement à une fréquence de 1 420 MHz, mais grâce à l’expansion continue de l’Univers et à l’effet Doppler, ce rayonnement se déplace vers une fréquence plus faible. On a estimé qu’au moment où le signal atteindra la Terre ici et maintenant, il serait quelque par aux alentour des 100 MHz. Ainsi, l’équipe a d’abord réglé l’antenne pour recevoir des fréquences comprises entre 100 et 200 MHz.
Au début, cela n’a pas fonctionné. L’équipe s’est replongée dans les données pour finalement réaliser que l’estimation de 100 MHz était basée sur l’hypothèse que le gaz hydrogène était plus chaud que tout le reste l’environnant. Lorsqu’ils ont rectifié leurs calculs pour tenir compte du fait que le gaz était beaucoup plus froid, le modèle a renvoyé une gamme de fréquence de 50 à 100 MHz.
Selon Rogers :
Dès que nous avons changé notre système à cette fréquence inférieure, nous avons commencé à voir des choses qui nous semblaient être de véritables signatures. Nous constatons de la plus forte baisse à environ 78 MHz, et cette fréquence correspond à environ 180 millions d’années après le Big Bang. En termes de détection directe d’un signal provenant du gaz hydrogène lui-même, cela doit être le plus tôt.
Ainsi, les résultats suggèrent que l’Univers primordial devrait avoir été deux fois plus froid qu’on le pensait auparavant, un très vif –270 °C. Les chercheurs ne sont pas sûrs de ce qui a engendré ce considérable refroidissement, mais ils suggèrent que des interactions avec la mystérieuse matière noire pourraient rentrer en jeu.
Présentation de la découverte :
L’étude publiée dans Nature : An absorption profile centred at 78 megahertz in the sky-averaged spectrum et présentée sur le site de l’université d’Etat de l’Arizona : Dusting for fingerprints of the first stars in the universe.