Deux espèces de virus si gros qu’ils remettent en question leur définition
Deux espèces nouvellement découvertes de virus géants ont toutes les deux le plus grand assemblage de gènes codant pour des protéines jamais trouvées dans le domaine viral. Une nouvelle étude les décrit comme «optiquement visibles», une caractéristique très inhabituelle.
Les deux nouvelles espèces, selon une équipe de scientifiques dirigée par Bernard La Scola de l’université d’Aix-Marseille, ont une coquille protéique, appelée capside, d’environ 450 nanomètres de long et une queue cylindrique à peu près de la même longueur. La queue est la plus grande jamais découverte. En comparaison, un virus de la polio est typiquement long de seulement 70 nanomètres. Un virus de la variole atteint environ 300 nanomètres.
Les deux espèces étroitement apparentées ont été découvertes dans ou près du Brésil, l’une dans un lac salé et l’autre dans des sédiments au fond de l’océan, deux environnements extrêmes connus pour soutenir des formes de vie anciennes.
La Scola et ses collègues les associent à un nouveau genre, connu sous le nom de Tupanvirus. Le nom est dérivé d’une figure mythique appelée Tupan et Tupa, un dieu du tonnerre sacré au peuple Guarani sud-américain.
Les Tupanvirus sont apparentés à un autre virus géant, le mimivirus, découvert en 1992. Les trois espèces infectent des amibes.
En dehors de leur taille, les Tupanvirus sont remarquables, car ils possèdent une qualité absente chez tous les autres virus à l’exception de leur cousin mimivirus. L’une des caractéristiques classiques des virus est leur manque de capacités de traduction génétique. Autrement dit, ils sont incapables de produire leurs propres peptides à partir des instructions ARN qu’ils portent et ils ont donc besoin de se servir de l’équipement de synthèse de protéines de leurs hôtes.
Comme pour l’image d’entête, à partir de l’étude : le Tupanvirus observé au microscope électronique à balayage par transmission. (Abrahão et col./ Nature Communications)
Les tupanvirus, semble-t-il, n’ont pas de tels défauts. L’équipe de La Scola a constaté qu’ils contenaient le plus grand ensemble de gènes codant pour les protéines jamais trouvé dans un virus, avec la possibilité de produire jusqu’à 1425 protéines.
En observant les génomes, les scientifiques ont trouvé des gènes similaires à ceux trouvés dans d’autres types de virus, de bactéries et d’archées. Cependant, environ 30% des gènes identifiés n’ont pas d’équivalents dans d’autres formes de vie.
Cette découverte semble engendrer un débat sur leur possible émergence évolutionnaire, comme le reconnaissent les chercheurs. Il est possible, suggèrent-ils, que les virus géants soient issus d’autres virus, même plus gros et qu’ils aient perdu quelques gènes en cours de route. L’autre possibilité est qu’ils ont commencé avec «un ancêtre plus simple» qui a acquis des gènes supplémentaires sur plusieurs générations.
L’étude publiée dans Nature Communications: Tailed giant Tupanvirus possesses the most complete translational apparatus of the known virosphere.
Cocorico, l’une des plus passionnantes recherches de ce début de siècle est menée tambour battant par des Français !
« une figure mythique appelée Tupan et Tupa » → « appelée Tupan, ou Tupã, »
« L’équipe de La Scola a constaté qu’ils contenaient le plus grand ensemble de gènes codant pour les protéines jamais trouvé dans un virus, avec la possibilité de produire jusqu’à 1425 protéines. »
Non ! Des pandavirus sont connus avec nettement plus de gènes (expliqué dans l’article). En plus, on s’en fiche.
Ce qui est intéressant, c’est qu’ils codent pour presque tout l’appareil de traduction, autrement dit, ils ressemblent encore plus que les virus géants déjà connus à des bactéries parasites obligatoires.
Le corps de l’article explique une autre caractéristique intéressante de ces virus : quand ils se font avaler par des amiboïdes qu’ils ne savent pas infecter, ils peuvent tout de même les empoisonner, comme ça leurs copains peuvent attendre de se faire avaler par le bon type d’amiboïde.