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Chatouille1

L’art des chatouilles dans lequel on peut trouver un certain plaisir, limite masochiste (algédonique), mais que nous ne pouvons nous appliquer à nous même, en solitaire…

Selon le psychologue anglais Robert Provine :

Pratiquer les chatouilles en solo, est encore plus vide que le sexe en solo. Après tout, vous pouvez vous masturber jusqu’à l’orgasme, mais vous ne pouvez pas vous chatouiller.

Alors, pourquoi les chatouilles sont une activité uniquement réservée à deux personnes ou plus ? Et pourquoi avons-nous évolué pour être chatouilleux ?

L’une des plus anciennes et principales hypothèses sur les chatouilles, c’est que nos cerveaux sont programmés pour gérer des stimuli attendus, y compris et peut-être le plus révélateur, les perceptions tactiles qui résultent de nos propres mouvements.

Dans une étude publiée en 2006, “Attenuation of Self-Generated Tactile Sensations Is Predictive, not Postdictive” les chercheurs anglais Paul Bays, Randall Flanagan et Daniel Wolpert ont fourni la preuve que nous faisons cela en prévision des mouvements autogénérés et en soustrayant les conséquences sensorielles attendues de nos actions.

Il est important de souligner que ce mécanisme est fondamentalement différent de ce que les chercheurs appellent le processus de “postdiction" dans lequel votre perception de la stimulation est altérée, qu’une fois que l’évènement a été déterminé comme étant autogénéré. Leurs résultats suggèrent plutôt, que notre corps est constamment en train de prédire ce à quoi il va être confronté, afin d’ajuster en conséquence la perception de ces expériences.

Les psychologues et neuroscientifiques appellent cela “l’atténuation sensorielle”, en atténuant la perception du stimulus que l’on s’impose, notre corps est mieux préparé à répondre rapidement aux imprévus. Une capacité qui, selon le Pr Baies et ses collègues, “pourrait avoir évolué afin d’améliorer la perception des sensations provenant d’une cause extérieure”. Cela nous conduit au cœur de la question de : pourquoi le chatouillement ne peut pas être auto-imposé ? Pétrissez vos côtes avec vos doigts, ou serrez sporadiquement juste au-dessus de votre propre genou et votre corps est programmé pour l’ignorer. Il est tout simplement trop occupé à surveiller l’extérieur, pour des stimuli externes imprévus, que de traiter vos propres manipulations corporelles.

Mais de quel genre de stimuli externes parlons-nous ? Par exemple, importe-t-il que cela soit un autre humain qui chatouille, ou peut-il être effectué par un animal ? Qu’en est-il des objets inanimés, peuvent-ils aussi chatouiller ?

Les questions entourant la dépendance des chatouilles à des stimuli externes, est liée à deux hypothèses principales : La première est l’explication “interpersonnelle”, qui stipule que le chatouillement est fondamentalement interpersonnel et, donc, exige qu’une autre personne soit la source du toucher. La seconde est l’explication “réflexe” et suggère que la seule condition requise pour une “chatouilleuse réponse” est l’élément de surprise. Il y a une abondance de preuves qui semblent appuyer l’explication interpersonnelle des chatouilles. "Le chatouillement le plus courant est … un autre contexte social pour le rire et une forme de communication”, écrit Provine qui plaide pour l’importance du chatouillement dans la liaison entre amis et membres de la famille, dans une étude publiée en 2004, “Laughing, Tickling, and the Evolution of Speech and Self” :

Les chatouilles nous lient ensemble, dans un rire rempli d’échange qui peut être la base de tout jeu social.

Considérons la chorégraphie sociale des chatouilles. Le chatouillement peut repousser la main baladeuse du chatouilleur pour s’en échapper, pour y revenir, renouveler l’interaction et contre-attaquer. Pour les nourrissons qui ne peuvent pas encore parler, être chatouillé, avec le rire associé, est une entrée dans les relations sociales avec ceux qui lui fournissent des soins. Les rires signalent : “j’aime ça, recommence !“, le repoussement et les cris signalent à l’autre personne que le jeu est allé trop loin.

Etre chatouilleux, pourrait aussi être la manière du corps pour apprendre à se protéger lors de mauvaise rencontre, qui sont souvent de nature interpersonnelle. "Les batailles de chatouilles”, note Provine, sont “la forme la plus bénigne des conflits humains". Son observation faite écho à celle réalisée par le psychiatre Donald Black dans une étude publiée en 1984 : “Laughter” qui souligne que de nombreuses zones, les plus chatouilleuses du corps, comme le cou et les côtes, sont les plus sensibles aux blessures pendant le combat.

Tout cela étant dit, aucun des exemples ci-dessus, ne démontre que le chatouillement dépend de contacts interpersonnels. Alors, est-ce que notre tendance à associer les chatouilles avec une interaction sociale ne serait-elle pas, simplement, une caractéristique émergente du plus profond de notre modèle physiologique moteur, comme le postule “l’explication réflexe” mentionné plus tôt ? Considérons, par exemple, la sensation que vous éprouvez lorsque vous sentez une araignée crapahutant derrière votre cou. Elle ne vous fera probablement pas éclater de rire et elle n’améliorera, pas non plus, votre lien social avec les arachnides.

Mais l’exemple de l’araignée dans votre cou nous fait porter l’attention sur la différence entre un doux chatouillement ennuyeux et un autre plus dramatique, générant le rire. La distinction entre les deux est enracinée depuis, au moins, 1897, quand les psychologues G. Stanley Hall et Allin Arthur ont suggéré dans leur étude : “The Psychology of Tickling, Laughing, and the Comic” que la douce sensation est dénommée “knismesis” (léger chatouillis), et la plus intense est qualifiée de "gargalesis" (chatouillement lourd). La première a été assimilée à un “mouvement de démangeaison” et peut être auto-induite avec un peu plus qu’un pinceau pour se maquiller les ongles, ce dernier, bien sûr, ne le peut pas.

Selon la psychologue Christine Harris de l’université de San Diego, la plupart des gens pensent que le rire associé aux gargalesis exige que la stimulation soit affligée par une autre personne. Alors, que choisir si nous avons affaire uniquement à de grosses chatouilles, de lourds guili-guili ? L’explication interpersonnelle, qui soutient que le chatouillement est fondamentalement dépendant d’une autre personne, ou l’explication réflexe, qui suggère que la seule condition requise, pour le chatouillement induisant le rire, est un élément de surprise, semblable à un réflexe ?

C’est précisément ce qui a conduit Harris à se poser une question très intéressante : peut-on se faire chatouiller par une machine ? Sa réponse est oui et si ses résultats sont corrects, ils jettent l’ombre d’un sérieux doute sur explication du chatouillement interpersonnelle. Voici un résumé de ses conclusions publiées dans son étude, “Can a machine tickle ?” :

Trente-cinq sujets ont été chatouillés, deux fois fois par l’expérimentateur et une fois (on leur a laissé croire) par une machine automatisée. Le point de vue réflexe prédit que notre “machine chatouilleuse” devrait être aussi efficace en tant que vraie personne dans la production de rires, tandis que le point de vue interpersonnel prédit des réponses significativement atténuées. En soutenant le point vu de l’acte réflex, les sujets ont sourit, rit et s’agitèrent tout aussi souvent en réponse à la machine, qu’à l’expérimentateur. L’auto-évaluation des guili-guilis était, elle aussi, pratiquement identique dans les deux conditions. Manifestement, le rire chatouilleux ne requérait pas que la stimulation soit attribuée à une autre personne.

Donc, dans la pratique, n’hésitez pas à vous chatouiller entre amis, en famille… et faites-vous des chatouilles, pas la guerre !

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