Capter l’activité électrique du cerveau pour reconstruire le visage perçu
C‘est frustrant d’avoir une image mentale claire de quelque chose, mais de ne pas être capable de l’exprimer avec des mots ou un dessin. Une équipe de neuroscientifiques de l’université de Toronto à Scarborough (Canada) a mis au point/ optimisé un moyen de recréer numériquement l’image à laquelle quelqu’un pense, en surveillant l’activité électrique de son cerveau.
Cette soi-disant technologie de lecture des pensées devient étrangement précise. En plus de permettre de contrôler des prothèses par la pensée, ces systèmes ont rapidement évolué, allant du choix du nombre auquel vous pensez à la décodification de concepts plus complexes. Tout va si vite que certains chercheurs ont proposé de nouveaux droits humains concernant la façon dont le cerveau peut être lu ou manipulé.
Cette nouvelle étude a été conçue pour voir si des images spécifiques pouvaient être soutirées de l’esprit d’une personne. Pour tester l’idée, l’équipe a branché des cobayes humains à un appareil d’électroencéphalographie (EEG) et leur a ensuite montré des images de visages sur un écran d’ordinateur. L’EEG a enregistré leurs ondes cérébrales, et après avoir traité les données par le biais d’algorithmes d’apprentissage automatique, le système a été en mesure de recréer numériquement le visage que le sujet de test venait de voir.
Selon Dan Nemrodov, coauteur de l’étude :
Quand nous voyons quelque chose, notre cerveau crée un percept mental, qui est essentiellement une impression mentale de cette chose. Nous avons été en mesure de capturer ce percept en utilisant l’EEG pour obtenir une illustration directe de ce qui se passe dans le cerveau au cours de ce processus.
Dan Nemrodov (à gauche) et Adrian Nestor (au milieu), avec l’un des participants à l’étude portant un EEG (Ken Jones)
Les études sur la “lecture du cerveau” impliquent généralement une de ces deux méthodes : l’EEG et l’imagerie par résonance magnétique fonctionnelle (IRMf). La première mesure l’activité électrique du cerveau à travers un capuchon rempli d’électrodes, tandis que l’IRMf utilise un champ magnétique pour surveiller le flux sanguin dans différentes parties du cerveau.
Une étude publiée en 2014 avec les mêmes intentions en utilisant l’IRMf :
Les deux ont leurs avantages et leurs inconvénients, mais l’EEG est plus couramment utilisé, moins coûteux et peut enregistrer des changements plus rapides.
Selon Nemrodov :
L’IRMf capture l’activité à l’échelle des secondes, mais l’EEG capture l’activité à l’échelle de la milliseconde. Nous pouvons donc voir avec des détails très fins comment la perception d’un visage se développe dans notre cerveau en utilisant l’EEG.
Cette grande précision temporelle a permis à l’équipe de déterminer qu’il ne faut que 170 millisecondes au cerveau humain pour créer une image mentale décente du visage regardé.
À l’avenir, l’équipe souhaite étendre cette technique à la reconstruction d’objets et ce, sur de plus longues périodes, permettant la reconstruction virtuelle d’images dont une personne se souviendrait quelques secondes plus tard.
Selon Adrian Nestor, coauteur de l’étude :
Cela pourrait fournir un moyen de communication pour les personnes qui sont incapables de communiquer verbalement. Non seulement cela pourrait produire une reconstruction neuronale de ce que la personne perçoit, mais aussi de ce qu’elle se souvient et imagine, de ce qu’elle veut exprimer, elle pourrait aussi avoir un usage médico-légal pour rassembler des informations sur des suspects potentiels plutôt que de s’appuyer sur des descriptions verbales.
Présentation de la recherche :
L’étude publiée dans eNeuro : The Neural Dynamics of Facial Identity Processing: insights from EEG-Based Pattern Analysis and Image Reconstruction et présentée sur le site de l’université de Toronto : Do you see what I see? Researchers harness brain waves to reconstruct images of what we perceive.