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Oxytricha trifallax 2

La vie est déjà assez complexe, si en plus elle s’amuse à mélanger ses plus élémentaires constituants…

L’Oxytricha trifallax est un organisme unicellulaire (protozoaire cilié) qui vit dans les marres/ bassins d’eau et il a la remarquable capacité de briser son propre ADN en un quart de millions de morceaux pour rapidement les remettre en place quand il est temps de s’accoupler. Il est à noter que ce protozoaire dispose de 16 000 chromosomes, l’humain n’en a que 46.

Selon les chercheurs qui ont réalisé cette découverte, l’organisme stocke en interne son génome sous la forme de milliers de morceaux de gènes mélangés. Lors de l’accouplement avec un autre de son genre, l’organisme fouille dans ces gènes et ses segments d’ADN désordonnés pour reconstituer plus de 225 000 minuscules brins d’ADN et tout cela se passe en 60 heures environ.

Pour l’auteur principal de cette nouvelle étude (lien plus bas) Laura Landweber, professeur  d’écologie et de biologie évolutive à l’université Princeton :

La capacité de l’organisme à démonter et à remonter rapidement ses propres gènes est inhabituellement élaborée pour toute forme de vie. Que cette complexité existe dans un organisme apparemment simple accentue la vraie diversité de la vie sur notre planète.

C’est l’une des premières tentatives de la nature à devenir plus complexe, malgré le fait de rester petit dans le sens d’être unicellulaire. Il y a d’autres exemples de puzzles génomiques, mais celui-ci est leader en termes de complexité. On pourrait croire que les organismes habitant les bassins d’eau soient simples, mais cela montre comment la vie peut être complexe, qu’elle puisse ainsi rassembler tous les blocs constitutifs des chromosomes.

D’un point de vue pratique, l’Oxytricha est un organisme qui pourrait servir de modèle pour comprendre comment les chromosomes chez les animaux plus complexes tels que les humains se brisent et se réassemblent, comme cela peut se produire pendant l’apparition du cancer précise Landweber :

Bien que la dynamique des chromosomes dans les cellules cancéreuses peut être imprévisible et chaotique, l’Oxytricha présente un modèle ordonné en étape par étape, de la reconstruction de chromosome.

C’est fondamentalement mauvais quand les chromosomes humains se brisent et se réassemblent dans un ordre différent. Le processus de l’Oxytricha emploie quelques-uns des mêmes mécanismes biologiques qui évitent normalement aux chromosomes de tomber en morceaux et les utilise à la place pour faire quelque chose de créatif et déconstructif.

Comme pour l’image d’entête Oxytricha trifallax (Wikipédia):Oxytricha_trifallax1

L’oxytricha est une grande cellule, d’environ 10 fois la taille d’une cellule humaine typique. L’organisme contient également deux noyaux alors que la plupart des organismes unicellulaires n’en contiennent qu’un seul. Le noyau d’une cellule régule l’activité interne et, en général, contient l’ADN de la cellule ainsi que les gènes qui sont transmis au cours la reproduction.

Cependant, une cellule Oxytricha individuelle  conserve son ADN actif dans un noyau  actif et utilise le second pour stocker une archive du matériel génétique qu’il transmettra à la prochaine génération. Le génome de ce second noyau, connu sous le nom de noyau de la lignée germinale, subit le démantèlement et la reconstruction pour produire un nouveau noyau actif dans la descendance.

Toujours selon Laura Landweber :

L’Oxytricha utilise le sexe uniquement pour échanger l’ADN plutôt que pour se reproduire, comme des boutures de plantes, de nouvelles populations d’Oxytricha émergent d’un seul organisme.

Lors de rapports sexuels, deux organismes fusionnent pour partager la moitié de leur information génétique. Le but est, pour chaque cellule, de remplacer des gènes vieillissant avec de nouveaux gènes et des parties de l’ADN de son partenaire. Ensemble, les deux cellules construisent de nouveaux noyaux actifs avec une nouvelle série de chromosomes. Cela les rajeunit et diversifie leur matériel génétique, ce qui est bon pour le protozoaire.

Cela ressemble à de la science-fiction : ils arrêtent le vieillissement en échangeant leurs vieilles pièces.

C’est au cours de ce processus que les gènes,  mélangés dans le noyau des cellules germinales, sont triés afin de localiser les quelques 225 000 petits segments d’ADN que chaque partenaire utilise pour reconstruire ses chromosomes rajeunis, les chercheurs ont constaté. De précédents travaux réalisés par Landweber (2008-2012) ont montré que des millions de molécules d’ARN non codants de la génération précédente dirigent cette entreprise par le marquage et le tri des morceaux d’ADN.

La génétique exceptionnelle de l’Oxytricha protège son ADN, faisant en sorte que seul le matériel sain soit transmis lors de la reproduction, selon Landweber. Il n’est donc pas étonnant que l’organisme puisse t’être trouvé dans le monde entier.

Le succès de leur répartition à travers le monde a quelque chose à voir avec leur capacité à protéger leur ADN à travers une nouvelle méthode de cryptage, puis à le remonter rapidement et à transmettre les gènes robustes à travers les générations.

L’étude publiée dans Cell : The Architecture of a Scrambled Genome Reveals Massive Levels of Genomic Rearrangement during Development.

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