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Un père de famille était fatigué de demander à ses adolescents d’enfants de changer le rouleau de papier toilette, alors il a réalisé une vidéo pédagogique qu’il a postée sur YouTube. Elle a obtenu plus d’un million de vues, 3 jours seulement après sa mise en ligne le 29 aout.

Bien entendu, la paresse n’est pas endémique aux adolescents. D’innombrables autres négligent volontairement de vider la poubelle débordante, de nettoyer la tour de vaisselle sale, ou de remplacer le rouleau de papier de toilette.

Pourquoi des millions d’adolescents, et certainement d’adultes qui n’ont pas désiré en sortir, persistent à être rebutés par des tâches aussi faciles ? La réponse est liée, vous vous en doutez, à la motivation, ou plutôt, à l’absence de celle-ci.

Richard Ryan et Edward Deci, un duo de psychologues basé à l’université Rochester, à New York, se sont spécialisés dans la science de la motivation. Ils ont réduit la base de l’action humaine à deux conducteurs/ motivateurs principaux : intrinsèque et extrinsèque. Soit nous effectuons une tâche sans y avoir d’intérêt ou de plaisir pour l’activité elle-même (intrinsèque), soit nous effectuons une activité afin d’atteindre un résultat distinct, externe (extrinsèque). Les activités intrinsèques sont intrinsèquement motivantes. Les extrinsèques ne le sont pas.

Après avoir exposé ces deux catégories, il est déjà facile de voir pourquoi certaines corvées domestiques sont souvent ignorées. Elles ne stimulent pas le moins du monde, de sorte qu’elles ne sont certainement pas intrinsèquement motivantes. Mais en tant qu’activités extrinsèques, les résultats ne sont pas attrayants. Par exemple, si vous sortez la poubelle, vous êtes récompensé avec un bac vide et une garantie que vous devrez répéter la corvée dans quelques jours, ce qui est totalement boiteux.

Selon Ryan, il semble également y avoir une inhérente "question de contrôle" : une partie de vous-même fait pression et réclame tandis que l’autre, le côté procrastination, est soit démotivé ou se rebelle.

Pour Deci et Ryan la motivation rentre dans le cadre de ce qui est appelé la théorie de l’auto-détermination. Chez les humains, pour vouloir vraiment faire quelque chose, la tâche doit répondre à trois besoins psychologiques : compétence, autonomie et parenté (interdépendance).

  • Elle (la tâche à accomplir) doit être assez consistante pour que nous ayons l’impression d’accomplir quelque chose et de nous surpasser : compétence. Le remplacement du rouleau de papier toilette est déjà hors course.
  • La tâche doit également accorder un certain degré de liberté, comme de ne pas être contrôlé : l’autonomie. Faire la vaisselle peut apparaitre comme une forme de servitude… 
  • Enfin, la tâche devrait, au moins partiellement, assouvir nos désirs de sentir que nous appartenons à quelque chose de plus grand que nous-mêmes et que nous sommes connectés à d’autres : la parenté (interdépendance). Dans les modes de vie en coopération, les tâches répondent à ce besoin psychologique. Mais dans les ménages typiques, il y a une rupture fondamentale, une forme d’individualité de chaque membre de la famille ou colocataire aussi induite par nos modes de vie moderne.

Le fait d’améliorer les sentiments de compétence, d’autonomie, et de parenté entourant une tâche ennuyeuse a été démontré comme stimulant, de manière significative, la motivation sans modifier la tâche elle-même. En 1994, Deci a réalisé une expérience dans laquelle les sujets étaient assis devant un ordinateur et on leur demanda d’appuyer sur la barre d’espace à chaque fois qu’un point de lumière apparaissait de façon aléatoire sur l’écran. Un groupe a achevé la tâche avec une formation tout juste suffisante, minime, tandis qu’un autre groupe l’a exécuté après que l’on leur ait présenté d’une manière légèrement différente. Les chercheurs ont dit aux participants :

Il est démontré que cette activité est utile… Nous avons constaté que les sujets qui ont accompli la tâche ont appris de leur propre concentration.

Les chercheurs ont également reconnu l’aversion des sujets pour la tâche :

Je sais que de la faire n’est pas très amusant, en fait de nombreux sujets m’ont dit que c’est assez ennuyeux.

Enfin, le libellé de la description de la tâche a été modifié pour faire ressentir aux sujets qu’ils étaient moins obligés d’y participer, qu’ils étaient des individus libres qui pouvaient s’en éloigner à tout moment.

Les participants de ce dernier groupe ont déclaré se sentir plus heureux avec la tâche, ainsi que plus motivés à la compléter.

Alors, est-ce que la théorie de l’autodétermination peut être mise à profit dans l’accomplissement de travaux ménagé sans passer par les 3 heures de négociations habituelles avec votre adolescent ?

Déjà, elle ne fonctionnera probablement pas si vous l’expérimentez sur vous-même, mais vous pouvez certainement l’essayer sur vos enfants ou votre colocataire négligent. Dites-leur que le fait de se débarrasser des déchets forge le caractère et la compétence, et que le chargement du lave-vaisselle est un exercice de résolutions de problèmes (comme : Comment puis-je organiser les plats le plus efficacement ?). Faites-leur comprendre combien il est important, pour vous et le reste de la famille, que tout le monde mette la main à la pâte, insufflant un sentiment d’interdépendance, de parenté. Et enfin, accorder une certaine autonomie dans la façon et quand ils accomplissent les tâches. Et si vous persistez à être le coupable, Ryan donne quand même une petite astuce :

Rappelez-vous pourquoi il vaut la peine de sortir la poubelle.

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A partir de Facilating Internalization : The self-Determination Theory Perspective (Edward L. Deci, Richard Ryan et al)

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