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Les êtres humains ne sont pas les seules créatures qui partagent des toilettes communes, de nombreux mammifères le font. En fait, de nouvelles recherches montrent que ce comportement était un ancien développement évolutif. Les scientifiques ont découvert un grand reptile ressemblant à un rhino, qui déféquait dans des "latrines communes", il y a quelque 240 millions d’années.

Les latrines communes ou points de défécation sont exactement ce à quoi ils ressemblent : de petites zones où plusieurs individus se soulagent, parfois en même temps. Les humains et les chats domestiques défèquent évidemment dans des “latrines communes”, mais des études montrent qu’un certain nombre d’autres mammifères le font aussi, comme les suricates, les lémuriens, les singes-araignées et les dasyures tigre (un genre de marsupial). Le comportement est particulièrement fréquent chez les grands herbivores, comme les éléphants, les chevaux et les rhinocéros.

Sans ce comportement, nous aurions probablement un gros problème d’assainissement, étant donné que nous sommes maintenant 7 milliards sur cette planète. Mais pourquoi les animaux prennent la peine de limiter leurs excréments à une petite surface ?

Il s’avère que les latrines ont des fonctions biologiques importantes. Dans certains cas, les latrines collectives définissent une zone ou un territoire, selon Martin Hechenleitner, un paléontologue du CRILAR (Centro Regional de Investigaciones Científicas y Transferencia Tecnológica), Anillaco, Argentine. Dans d’autres cas, ils empêchent la réinfestation des parasites.

Malgré leur utilité, les latrines communes ont toujours paru ne concerner que les mammifères. Qui plus est, ces marques de défécation sont assez rares dans les archives fossiles. Mais récemment, tout en étudiant des fossiles dans les affleurements de la Formation de Chañares dans la Province de La Rioja du nord-ouest de l’Argentine, c’est exactement ce que Hechenleitner et ses collègues ont constaté.

Les huit latrines communes, que les chercheurs ont découvertes, faisaient chacune de 400 à 900 mètres carrés, espacées de 1,5 kilomètre (ils s’attendent à trouver d’autres latrines n’ayant sondé que 20 % des affleurements de la Formation du Trias, Chañares). Ces zones ont été chargées de crottes fossilisées appelées coprolithes. Dans les latrines, il y avait en moyenne, 67 coprolithes par mètre carré, mais dans certaines zones, la densité d’excrément atteint 94 coprolithes par mètre carré. Compte tenu de la quantité des coprolithes et leur variation en taille, les chercheurs croient que les latrines étaient vraiment communes, et utilisées par de nombreux animaux d’âges différents.

Pour la plupart, les coprolithes sont faciles à différencier des autres fossiles. Ils ont une structure particulière : ils sont vraiment ronds et ont généralement des fissures à leur surface, selon Hechenleitner. Ceux que  l’équipe a trouvés étaient pour la plupart ovoïdes ou de forme sphéroïdale. Les chercheurs en ont découpé certains pour les examiner au microscope. Ils ont ainsi trouvé de nombreux petits fragments de végétation, prouvant qu’ils avaient bien affaire à des coprolithes.

A l’intérieur, l’équipe a trouvé des fragments ligneux, de feuilles, de mousses fossiles et ce qui ressemblait à des spores de fougère. Surtout, la tomodensitométrie des fossiles n’a montré aucun signe de fragments d’os, ce qui suggère que les excréments n’appartenaient pas à des animaux carnivores. Mais la formation Chañares, qui remonte du Trias moyen au supérieur, regorge de fossiles de différentes espèces d’anciens reptiles, de sorte que les chercheurs ont tenté de déterminer qui avait vraiment utilisé les latrines communes.

Certains des coprolithes étaient extrêmement larges, jusqu’à 35 centimètres de diamètre, ce qui suggère qu’ils appartenaient à de grands herbivores. En utilisant cette information, l’équipe a été en mesure de se prononcer sur un certain nombre des différents animaux, comme le Massetognathus, dont la longueur maximale du crâne est de seulement 20,4 cm. En outre, la forte densité des excréments et la taille des latrines communes suggèrent que les producteurs de coprolithes étaient très abondants.

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Avec ces preuves, l’équipe a estimé que les latrines appartenaient à une espèce de dicynodontes, un groupe de larges reptiles à quatre pattes ressemblant à des mammifères. (une représentation artistique ci-contre et dans leur latrine commune en image d’entête, Emilio Lopez Rolandi)

S’ils n’en sont pas encore surs, les chercheurs croient que les Dinodontosaurus, les plus abondants dicynodontes dans leur zone d’étude dans la formation Chañares, sont responsables de ces aires de déjections. Ces animaux étaient  parmi les plus grands herbivores du Trias et pouvaient peser jusqu’à 3000 kg.

Bien que les dicynodontes disposaient d’une bouche spécialisée qui semble permettre les mouvements spécifiques nécessaires à mâcher de la végétation, certains chercheurs ont déjà suggéré que ces animaux pourraient avoir été omnivores ou même carnivores. Mais si ce sont vraiment les dicynodontes qui ont produit les coprolithes dans les latrines, cela voudrait dire qu’ils étaient seulement herbivores.

La nouvelle découverte indique également que ce comportement, de déféquer dans des latrines communautaires, qui  semblait appartenir aux mammifères, s’est apparemment développés avant que ceux-ci aient évolué. Ces latrines communes sont plus anciennes de 220 millions d’années que les précédents enregistrements fossiles. Nous tirons donc nos pratiques sanitaires de nos ancêtres reptiles.

Les chercheurs envisagent maintenant d’approfondir leur analyse des fossiles afin de découvrir pourquoi les dicynodontes avaient des latrines communes. En analysant le contenu des coprolithes, ils espèrent également en savoir plus sur l’environnement de l’animal, il y a 240 000 000 années.

L’étude publiée sur Scientific Reports : The oldest known communal latrines provide evidence of gregarism in Triassic megaherbivores.

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