Si vous avez déjà vu un derviche tourneur en action, vous avez peut-être été fasciné par les motifs complexes, en trois dimensions, que ces danseurs produisent avec leurs amples jupes. Il s’avère que ces formes/ modèles sont gouvernés par la même force de Coriolis qui produit les puissants ouragans.

Les derviches sont des musulmans soufis qui ont fait vœu de pauvreté. Leur tourbillonnante et hypnotique danse rituelle remonte au 13ème siècle, en Perse. Elle leur permettrait d’atteindre une extase mystique et elle est devenu une attraction touristique, comme à Istanbul en Turquie.

Fascinés et curieux, les physiciens James Hanna de la Virginia Tech à Blacksburg (États-Unis), Jemal Guven à l’Université nationale autonome du Mexique à Mexico et Martin Müller à l’Université de Lorraine à Metz, en France, ont décidé de travailler sur la physique du mouvement de la jupe.

Plus particulièrement, l’équipe a entrepris de tenter d’expliquer mathématiquement pourquoi la jupe prend parfois la forme d’une pyramide à base triangulaire (ci-contre), ou tétraèdre, avec son sommet près du ventre du danseur. Le matériau forme trois faces délicatement concaves, séparées par trois arêtes remarquablement nettes qui s’étendent vers le bas de la ceinture du derviche.

Les scientifiques voulaient un modèle simple qui pourrait produire les caractéristiques qualitatives de la jupe. Ainsi, ils n’ont pas inclus l’influence de la gravité, la rigidité de la matière de la jupe et son interaction avec l’air environnant. Au lieu de cela, ils n’ont pris en compte que l’inertie de la jupe et la tension au sein du matériau.

Les trois physiciens ont découvert qu’ils pouvaient encore recréer les formes pyramidales, mais seulement si leur modèle simple prenait en compte la force de Coriolis. Cette force influe sur les objets en mouvement sur ​​la surface d’un corps en rotation. Plus particulièrement, la force de Coriolis agit sur l’atmosphère de la Terre, générant parfois des ouragans dans les vents qui se déplacent sur la surface de notre planète en rotation.

Ce système de dépression sur l’Islande tourne dans le sens antihoraire en raison de l’équilibre entre la force de Coriolis et la force du gradient de pression.

La danse du derviche tourneur implique évidemment des rotations : le danseur et sa jupe complètent un tour complet une fois par seconde. Et il s’avère que la forme de la pyramide générée par la jupe tourne aussi, mais à un rythme plus lent. Cela signifie que la matière de la jupe circule sur la pyramide tournant lentement, comme l’atmosphère de notre planète circule sur la Terre en rotation plus lente. Par conséquent, la matière de la jupe, comme l’atmosphère, à une force de Coriolis, même si la pyramide est simplement une forme plutôt qu’un objet solide. 

Ce qui a rendu perplexe les chercheurs, c’est qu’ils ont également trouvé que ce paramètre de Coriolis était essentiel si leur modèle devait générer en premier lieu la forme de pyramide tournante, lorsque la force de Coriolis est supprimée de leur modèle, les formes pyramidales ne ressortent pas et les chercheurs ne savent pas pourquoi.

Il devrait être possible d’utiliser le modèle comme base pour une version plus sophistiquée qui comprendrait des facteurs, tels que la gravité. Ces modèles peuvent être utiles dans l’industrie pour le calcul des contraintes subies par la rotation des composants dans des machines. Cependant, ces applications pratiques potentielles sont d’une importance secondaire pour les auteurs de l’étude, qui l’ont d’abord réalisé par curiosité.

GIF d’entête à partir de cette très jolie vidéo dans laquelle vous pourrez admirer un derviche tourneur en action :

L’étude publiée sur IOP: New Journal of Physics  : Whirling skirts and rotating cones.