Comment cette crevette-mante donne les plus rapides et puissants coups de massue sans se briser les poings ? (Vidéos)
Pour les ingénieurs, qui cherchent à créer la prochaine génération d’armure, l’océan est l’endroit à surveiller. Les animaux, de l’escargot aux crabes, se protègent avec des coquilles dures dont les structures microscopiques leur confèrent une exceptionnelle durabilité, surpassant la plupart des matériaux synthétiques. Ce sont des défenses extrêmes et une crevette-mante, la Squille mante (Odontodactylus scyllarus) les fracassent avec ses petits poings.
C’est l’animal que David Kisailus de l’Université de Californie étudie.
Cette crevette-mante, ni mante, ni crevette, est de la même famille que les crabes et les homards. Pour Kisailus, elles ressemblent à des chenilles « blindés ». Elles tuent d’autres animaux avec une paire de bras articulés positionnés sous leurs têtes. Ces casseurs fournissent le plus rapide coup de poing du règne animal. Le déploiement de leurs matraques s’effectue avec une accélération 10 000 fois supérieure à la pesanteur. Se déplaçant dans l’eau, elle atteint une vitesse maximale de 80 km/h. Elle crée, une onde de pression qui fait bouillir l’eau en face d’elle, des éclairs de lumière (sonoluminescence) et des bulles extrêmement destructrices (cavitation). La massue atteint sa cible en seulement trois millièmes de secondes et la percute avec la force d’une balle de fusil. Contre ces coups de poing, même la meilleure armure cède finalement.
Mais les marteaux, de la crevette-mante, ne peuvent pas se briser. Ils peuvent, coup après coup, casser sa proie sans se briser. Kisalius sait pourquoi. Son équipe, y compris James Weaver, Garrett Milliron et Ali Miserez, ont dévoilé les secrets microscopiques de ses armes de destructions.
La « région d’impact », à l’avant de l’arme, est naturellement 5 fois plus épaisse que la surface extérieure de n’importe quel autre membre (en bleu dans l’image ci-dessus). Elle est faite de cristaux d’hydroxyapatite, que l’on retrouve dans nos os, mais plus soigneusement alignés. Chaque cristal est comme une colonne qui est inclinée perpendiculairement à la surface. Ensemble, ils fournissent une grande résistance à la compression. Ils peuvent supporter jusqu’à 4 gigapascals de pression avant de céder; à titre de comparaison, les céramiques techniques, comme le carbure de silicium ou de zircone, ne peuvent en supporter que 2 ou 3. Ces céramiques sont forgées à 1500 degrés Celsius; la crevette mante les surclasse avec une partie du corps qui a grandi à température ambiante.
La zone d’impact fait environ un millimètre d’épaisseur. Derrière elle se trouve la “région périodique”, qui est moins rigide (rouge et jaune dans l’image). Elle est constituée de fibres de chitine, la substance même qui constitue l’essentiel de la coquille de la crevette mante. Encore une fois, c’est l’arrangement qui importe. Les fibres sont en couches superposées. Dans chaque cas, les fibres sont toutes parallèles, mais chaque couche est tourné légèrement par rapport à celle du dessous afin de produire une structure hélicoïdale. Enfin, l’espace entre les fibres est rempli de minéraux disposés aléatoirement.
Cette structure est adaptée pour éviter que les fissures ne se propagent à travers la massue. Elles voyagent le long d’une trajectoire hélicoïdale entre les fibres plutôt que de les briser. Et comme elles doivent constamment changer de direction, elles perdent rapidement de l’énergie et cessent de croître. Il s’agit d’un thème commun dans l’armure naturelle. Les structures humaines sont conçus pour empêcher la formation de fissures dans la mesure du possible et quand elles se forment, cela engendre des résultats catastrophiques. Les armures des animaux permettent à des fissures de se former, mais de contrôler leur croissance.
Enfin, l’arme de la crevette-mante à des fibres de chitine enroulées autour de ses côtés (en vert dans l’image), qui compriment la structure entière et, à nouveau, ralentissent la propagation de fissures. « C’est comme un boxeur qui met du ruban adhésif autour de ses poings”, explique Kisalius. Il espère maintenant que nous pourrons utiliser les structures, que la crevette mante a faites évoluées pendant plus de 300 millions d’années, pour concevoir des structures artificielles en un temps beaucoup plus court.
Alors que de nombreux autres animaux manient des coquilles durs, la plupart sont soit une armure défensive (comme des coquilles d’escargots) ou des armes adaptées pour exercer de lentes forces d’écrasement (comme des pinces de crabe). Les squilles se distinguent par des armes offensives qui fracasse rapidement.
Ci-dessous, quelques exemples de la puissance dévastatrice des matraques naturelles de la Squille mante :
L’étude publiée sur Science AAAS : The Stomatopod Dactyl Club: A Formidable Damage-Tolerant Biological Hammer.