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Philcoxia minensis

La Philcoxia ne pourrait pas paraitre plus modeste. C’est une petite herbe qui vit dans la région Campos Rupestres au Brésil, un plateau clairsemé d’affleurements rocheux et de plages de sable blanc. Tout ce que vous verriez d’elle ne serait qu’une poignée de brindilles qui sortent à partir de grains, surmontée de petites fleurs violettes et de feuilles encore plus petites. Vous ne penseriez pas que c’est le type de plante qui peut tuer des animaux…

Pour trouver le macabre secret de la Philcoxia, Caio Pereira dut regarder en sous-sol. Le biologiste de l’Unicamp, au Brésil, a constaté que les plantes piègent et digèrent de minuscules vers (nématode) avec des feuilles collantes souterraines.

Les plantes ont évolué, pour manger les animaux, au moins six fois et plus de 600 espèces d’entre elles le font désormais. Elles attrapent leurs proies avec des cruches glissantes remplies d’eau, des trappes qui se referment rapidement, des feuilles collantes et des vessies de succion. Leurs stratégies sont diverses, mais elles ont toutes tendance à se développer dans des domaines qui sont pauvres en nutriments. Par exemple, des espèces familières comme la Dionée attrape-mouche et le droséra vivent dans les tourbières et les marécages. Dans ces environnements inhospitaliers, ces plantes complètent leurs réserves d’azote, de phosphore et d’autres nutriments en se régalant de la chair des animaux/insectes.

Philcoxia-minensis1La Philcoxia n’est pas différente. Lorsque Peter Taylor a décrit les plantes en 2000, il a noté qu’elles ont plusieurs caractéristiques qui ressemblent à celles d’autres espèces carnivores. Son lieu d’habitation, la montagne est pauvre en nutriments et souvent sans pluie. Ses racines sont anormalement clairsemées et il n’y a pas de partenaires fongiques qui aident d’autres plantes à survivre. Mais elle a de minuscules feuilles souterraines, juste d’un millimètre de large et recouvertes de glandes collantes, du type trouvé dans d’autres plantes carnivores (sur l’image d’entête A et B). (Ci-contre une petite fleur de Philcoxia) 

Il y avait juste un problème. Il n’y avait aucun signe d’animaux capturés, ou de cadavre à proximité. En 2007, Pierre Fritsch a trouvé une réponse possible. Il a remarqué des vers nématodes collés aux feuilles souterraines et a estimé que la plante les avait piégé et les digéraient. Pereira, en collaboration avec Fritsch, a maintenant confirmé cette hypothèse.

Il a constaté que les feuilles souterraines de Philcoxia sont jonchées de corps de nématodes morts. Pour vérifier que les décès ne sont pas une coïncidence, Pereira a élevé des nématodes de sorte que leurs corps contiennent beaucoup d’azote-15, une version rare et plus lourde que l’élément habituel. Il a ensuite “nourri” la Philcoxia avec les nématodes. Deux jours plus tard, Pereira a révélé que 15 % de l’azote-15 dans les vers était présent dans les feuilles des plantes. C’était la preuve évidente que la Philcoxia digérait les nématodes et absorbait les restes dans son corps.

Beaucoup de plantes carnivores digèrent leur proie avec/grâce à des concentrations élevées d’enzymes appelées phosphatases. La Philcoxia le fait aussi. Pereira a trouvé ces enzymes en quantité sur les feuilles de Philcoxia, ce qui signifie que les plantes digèrent probablement les nématodes directement.

Pereira veut toujours savoir comment la Philcoxia leurre sa proie vers ses pièges. Mais pour le moment, il a montré que sa diète de vers augmente considérablement le niveau d’azote dans ces feuilles, la renforçant avantageusement par rapport aux plantes voisines qui ne sont pas carnivores.

C’est intéressant, parce que certains scientifiques ont suggéré que manger des animaux est un moyen relativement inefficace pour faire face à des environnements pauvres en éléments nutritifs. Cela expliquerait pourquoi les plantes carnivores sont relativement rares. Mais la Philcoxia montre clairement que le menu à base de chair peut fournir plus de nutriments que les stratégies des autres plantes dans les mêmes conditions.

En effet, les habitudes meurtrières de la Philcoxia suggèrent que nous pouvons avoir sous-estimé le nombre réel de plantes carnivores dans le monde. Après tout, si cette espèce rare se nourrit de proies microscopiques, en utilisant des pièges cachés, peut-être que d’autres plantes en font autant.

La recherche publiée sur PNAS : Underground leaves of Philcoxia trap and digest nematodes.

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