Cette marguerite sud-africaine produit une fausse mouche pour inciter les mouches mâles à la polliniser
En Afrique du Sud, des mouches mâles sont manipulées par une espèce de marguerite sud-africaine, la Gorteria diffusa, qui a évolué pour produire une structure complexe ressemblant à une mouche femelle sur ses pétales.
Les fausses mouches donnent aux marguerites un avantage évolutif en attirant davantage de mouches mâles pour la pollinisation. Elles se posent sur ce qu’elles pensent être une mouche femelle, essaient de s’accoupler, déposent du pollen pendant qu’elles fouillent, puis finissent par abandonner et s’envoler.
GIF d’entête : une mouche mâle s’approche d’une fleur, se pose sur ce qu’elle pense être une mouche femelle et se trémousse. Il essaie de s’accoupler, mais cela ne fonctionne pas. Il recommence. Finalement, il abandonne et s’envole, sans succès. La plante, quant à elle, a obtenu ce qu’elle voulait : du pollen. (R. Kellenberger/ Université de Cambridge)
Ces fleurs trompeuses sont les seules marguerites connues à produire une fausse mouche aussi convaincante, avec des bosses poilues tridimensionnelles et des reflets blancs pour compléter l’apparence. Mais jusqu’à présent, le mécanisme qui leur permet d’y parvenir échappait aux scientifiques.
Un chercheur montre la fausse mouche d’une marguerite Gorteria diffusa. (Jacqueline Garget/ Université de Cambridge)
Image au microscope de la région de la « fausse mouche » de la fleur. (Université de Cambridge)
Selon une nouvelle étude (lien plus bas), trois ensembles de gènes sont impliqués. Ces trois ensembles ont déjà d’autres fonctions dans la plante : l’un déplace le fer, l’autre fait pousser les poils des racines et le troisième contrôle le moment de la formation des fleurs.
Selon l’auteur principal Beverley Glover, professeur au département des sciences végétales et directeur du jardin botanique de l’université de Cambridge, au Royaume-Uni :
Cette marguerite n’a pas développé un nouveau gène de fabrication d’une mouche. Au lieu de cela, elle a fait quelque chose d’encore plus intelligent : elle a rassemblé des gènes existants, qui font déjà d’autres choses dans différentes parties de la plante, pour créer une tâche compliquée sur les pétales qui trompe les mouches mâles.
Les gènes d’homéostasie du fer ajoutent plus de fer au pétale, transformant ses pigments normalement rouge-pourpre en une teinte bleu-vert plus proche de celle des mouches. Le gène du cheveu racinaire (GdEXPA7) entraîne une hypertrophie des cellules épidermiques papillaires du pétale, ce qui lui confère une texture de mouche bosselée. Enfin, la troisième série de gènes permet aux fausses mouches d’apparaître dans des positions apparemment aléatoires sur les pétales.
Il s’agit d’un mécanisme appelé « cooptation génétique », qui joue un rôle important dans l’évolution de nouvelles formes biologiques. Les chercheurs ont même pu déterminer l’ordre dans lequel les fausses mouches sont apparues sur les pétales de la plante : d’abord la couleur, puis le positionnement aléatoire, puis la texture.
Le groupe de plantes comprenant cette marguerite trompeuse est très jeune en termes d’évolution, puisqu’il n’a que 1,5 à 2 millions d’années, et comme les premières marguerites de cette famille n’avaient pas de taches de fausse mouche, cela signifie qu’elles ont dû apparaître très rapidement sur les pétales de la marguerite.
L’apparence de la marguerite varie énormément. (Allan Ellis/ Stellenbosch University)
Selon Roman Kellenberger, chercheur postdoctoral à Cambridge et premier auteur de l’étude :
On pourrait s’attendre à ce qu’une évolution aussi complexe que celle de la fausse mouche prenne beaucoup de temps et implique un grand nombre de gènes et de mutations. Mais en fait, en réunissant trois ensembles de gènes existants, l’évolution a été beaucoup plus rapide.
Pour comprendre cette évolution, l’équipe a comparé les gènes activés dans les pétales avec et sans fausses mouches dans le même type de marguerite, et elle a comparé ces gènes à ceux des pétales d’un autre type de marguerite qui produit un simple motif en forme de tache.
Selon Kellenberger :
C’est un peu comme si l’on faisait évoluer un nouvel organe dans un laps de temps très court. Les mouches mâles ne restent pas longtemps sur les fleurs à taches simples, mais elles sont tellement convaincues par ces fausses mouches qu’elles passent plus de temps à essayer de s’accoupler et frottent plus de pollen sur la fleur, contribuant ainsi à sa pollinisation.
L’étude publiée dans Current Biology : Multiple gene co-options underlie the rapid evolution of sexually deceptive flowers in Gorteria diffusa et présentée sur le site de l’Université de Cambridge : This deceptive daisy remixed its genes to make fake lady flies.