Des échantillons de l’astéroïde Ryugu contiennent l’un des éléments constitutifs de l’ARN
Un échantillon extrait d’un astéroïde très éloigné de la Terre a confirmé que des nucléobases ou bases azotées de l’ARN peuvent être trouvées dans les roches spatiales.
L’analyse de la poussière ramenée de l’astéroïde Ryugu a révélé la présence d’uracile, l’une des quatre nucléobases qui composent l’ARN, en plus de la niacine, une forme de vitamine B3 qui joue un rôle important dans le métabolisme.
Image d’entête : infographie présentant la découverte d’uracile et de niacine dans des échantillons prélevés sur l’astéroïde Ryugu (au centre). (NASA Goddard/ JAXA/ Dan Gallagher)
Cette découverte vient s’ajouter à un nombre croissant de preuves que les éléments constitutifs de la vie se forment dans l’espace et qu’ils pourraient avoir été, au moins en partie, apportés sur Terre par le bombardement d’astéroïdes au début de l’histoire de notre planète.
Précédemment, en mars 2023 :
Selon l’astrochimiste Yasuhiro Oba, de l’université d’Hokkaido, au Japon :
Les scientifiques ont déjà trouvé des nucléobases et des vitamines dans certaines météorites riches en carbone, mais la question de la contamination par l’exposition à l’environnement terrestre s’est toujours posée. Étant donné que la sonde Hayabusa 2 a prélevé deux échantillons directement sur l’astéroïde Ryugu et les a livrés à la Terre dans des capsules scellées, la contamination peut être exclue.
La surface de l‘astéroide Ryugu. (MASCOT/ DLR/ JAXA)
La façon dont la vie est apparue et la fréquence de cette apparition dans la Voie lactée sont deux questions auxquelles l’humanité aimerait bien avoir des réponses. Pour y arriver, il faut rechercher les éléments constitutifs de la vie dans l’espace et explorer les mécanismes potentiels permettant de les acheminer de l’extérieur vers l’intérieur.
Comme nous le découvrons de plus en plus, les éléments constitutifs de la vie dans l’espace sont nombreux. Ils ont été repérés dans la poussière de la formation de planètes et dans les nuages de poussières de formation d’étoiles qui enveloppent le cœur de notre galaxie. Elles ont également été trouvées dans de nombreuses météorites qui ce sont écrasées sur Terre. L’ensemble de ces éléments suggère que les éléments constitutifs de la vie pourraient bien être d’origine extraterrestre… mais la certitude n’était pas acquise tant que les scientifiques n’avaient pas exclu la possibilité d’une infiltration de matériaux terrestres dans les roches spatiales après leur arrivée sur Terre.
Pour déterminer ce que contenaient les échantillons vierges que Hayabusa 2 a ramenés de Ryugu, Oba et ses collègues ont utilisé une nouvelle technique qu’ils ont mise au point pour la détection et l’identification à petite échelle de nucléobases en quantités infimes. L’équipe a pris les deux échantillons, obtenus à différents endroits de l’astéroïde, les a trempés dans de l’eau chaude et les a soumis à une chromatographie en phase liquide à haute performance couplée à une spectrométrie de masse à haute résolution par ionisation par électronébuliseur… Cette technique, utilisée sur la météorite de Murchison tombée sur Terre en 1969, a permis d’obtenir les cinq nucléobases canoniques.
Echantillons de Ryugu retournés par la sonde Hayabusa 2. (Yada et col./ Nature Astronomy)
La gamme de biomolécules trouvées dans Ryugu est plus restreinte, mais tout de même significative, estiment les chercheurs.
Toujours selon Oba :
Nous avons trouvé de l’uracile dans les échantillons en petites quantités, de l’ordre de 6 à 32 parties par milliard (ppb), tandis que la vitamine B3 était plus abondante, de l’ordre de 49 à 99 ppb. D’autres molécules biologiques ont également été trouvées dans l’échantillon, notamment une sélection d’acides aminés, d’amines et d’acides carboxyliques, que l’on trouve respectivement dans les protéines et le métabolisme.
Les composés identifiés, qui s’ajoutent à une vingtaine d’acides aminés précédemment trouvés dans les échantillons de Ryugu, diffèrent de ceux trouvés dans d’autres météorites riches en carbone tombées sur Terre, mais ils sont globalement similaires. Cela suggère que les biomolécules pourraient être assez courantes dans les météorites carbonées et qu’elles ont pu arriver sur Terre pendant les périodes de bombardement.
Pour ce qui est de leur présence sur les astéroïdes, les scientifiques pensent que les composés contenant de l’azote ont pu se former à partir de molécules plus simples, notamment le formaldéhyde, l’ammoniac et le cyanure d’hydrogène. Ces molécules n’ont pas été trouvées dans les échantillons de Ryugu, mais elles étaient probablement présentes si, au début de son histoire, l’astéroïde ou son corps d’origine avait été une comète, enrobée de glaces riches en ces molécules.
Ryugu n’est toutefois qu’un début. La NASA a recueilli un échantillon d’un autre astéroïde, Bennu, et le ramène sur Terre pour analyse. Les premières études indiquent qu’il contient lui aussi des matières organiques compatibles avec les éléments constitutifs de la vie.
Pour Oba :
La découverte d’uracile dans les échantillons de Ryugu renforce les théories actuelles concernant la source des nucléobases dans la Terre primitive. La mission OSIRIS-REx de la NASA ramènera cette année des échantillons de l’astéroïde Bennu, et une étude comparative de la composition de ces astéroïdes fournira des données supplémentaires pour étayer ces théories.
Il semble que la matière stellaire dont nous sommes faits ait fait un détour par les astéroïdes.
L’étude publiée dans Nature Communications : Uracil in the carbonaceous asteroid (162173) Ryugu et présentée sur le site de l’Université d’Hokkaido : Uracil found in Ryugu samples.