Un dinosaure doté d’un cou de 15 mètres remporte la palme de l’animal au cou le plus long de tous les temps
Des scientifiques ont découvert une nouvelle donnée impressionnante concernant le monde des dinosaures. Une équipe dirigée par le paléontologue Andrew J. Moore de l’Université d’État de New York à Stony Brook a découvert que le Mamenchisaurus sinocanadorum, un sauropode chinois de la fin du Jurassique, était doté d’un cou d’une incroyable longueur, 15 m. Cette découverte, publiée dans une nouvelle étude (lien plus bas), apporte de nouveaux éclaircissements sur l’évolution du corps des sauropodes et sur la façon dont ils ont évolué au fil du temps.
Image d’entête : représentation du sauropode Mamenchisaurus sinocanadorum, qui avait un cou de 15 mètres de long. (Júlia d’Oliveira/ London Natural History Museum)
Les sauropodes, ces géants imposants du monde des dinosaures, ont captivé l’imagination des humains depuis qu’ils ont été décrits au milieu du 19e siècle. L’une de leurs principales caractéristiques est leur taille gigantesque. Les plus grands sauropodes, comme l’Argentinosaurus, pouvaient atteindre 30 à 35 mètres de long et 60 à 75 tonnes de masse corporelle. Pour soutenir leur corps massif, les sauropodes disposaient d’adaptations uniques comme des os creux et un système allégé composé de sacs et de chambres remplis d’air à l’intérieur de leur corps.
ils disposaient également d’adaptations uniques au niveau de leurs dents et de leur système digestif. Plutôt que de mâcher leur nourriture, ils l’avalaient en entier et s’appuyaient sur une série de chambres de fermentation dans leur estomac pour décomposer les matières végétales coriaces. Certains sauropodes avaient même des dents spécialisées en forme de cuillère, qui leur permettaient de ramasser de grandes quantités de feuilles et d’autres végétaux.
Mais la caractéristique la plus emblématique des sauropodes est sans doute leur long cou. Selon Andrew J. Moore, comme indiqué précédemment, paléontologue à l’université de Stony Brook et auteur principal de la nouvelle étude, le cou du Mamenchisaurus mesurait 15 mètres de long, soit la plus grande taille que l’on puisse déduire avec certitude pour un sauropode connu. À titre de comparaison, ce cou est six fois plus long que celui des animaux au cou le plus long vivant aujourd’hui, les girafes.
Selon Moore :
Tous les sauropodes étaient grands, mais un cou d’une longueur époustouflante n’a pas évolué en une seule fois. Les Mamenchisauridés sont importants parce qu’ils ont repoussé les limites de la longueur du cou et ils ont été la première lignée de sauropodes à le faire. Avec un cou de 15 mètres de long, il semble que le Mamenchisaurus sinocanadorum soit le détenteur du record, du moins jusqu’à ce que l’on découvre quelque chose de plus long.
Malgré leur taille, les sauropodes étaient capables de bouger leur cou avec une incroyable précision, grâce à des articulations et des muscles spécialisés qui leur permettaient d’atteindre les arbres en hauteur pour se nourrir de végétation. Pour les sauropodes, la longueur du cou était essentielle pour atteindre leur taille emblématique. Ces animaux devaient être efficaces dans la collecte de nourriture pour alimenter leur corps massif, et un long cou était parfaitement adapté à cette tâche. En restant au même endroit, ils pouvaient engloutir la végétation environnante et dévorer des tonnes de nourriture tout en conservant une énergie précieuse en ne bougeant pas les autres parties de leur corps. En outre, le fait d’avoir un long cou a peut-être aidé les sauropodes à évacuer l’excès de chaleur corporelle en augmentant leur surface.
(Andrew Moore)
La nouvelle consécration du Mamenchisaurus en tant que sauropode au plus long cou ne fut pas une sinécure. Les premiers fossiles ont été découverts en 1987 dans la formation de Shishugou, dans le nord-ouest de la Chine. Bien que les restes soient incomplets, ne conservant que la mâchoire inférieure, quelques morceaux de crâne et quelques vertèbres, il était évident pour les scientifiques que ce dinosaure était énorme lorsqu’il parcourait les plaines marécageuses il y a quelque 160 millions d’années.
Mais à part le fait que le Mamenchisaurus était un sauropode et qu’il devait être assez grand, les caractéristiques déterminantes du dinosaure, dont la principale était son cou, restaient en grande partie une énigme.
Avec les années, aucun autre fossile n’a été découvert, ce qui n’était pas du tout inattendu étant donné que les vertèbres des sauropodes sont notoirement absentes des archives fossiles, mais le Mamenchisaurus était toujours dans la ligne de mire des paléontologues.
En l’absence de nouveaux fossiles, Moore et ses collègues se sont tournés vers la solution suivante : d’autres sauropodes. Les chercheurs ont analysé plusieurs proches parents du Mamenchisaurus, notamment le Xinjiangtitan, un autre sauropode découvert en Chine en 2013, dont la colonne vertébrale a été retrouvée dans son intégralité. Ce spécimen s’est avéré primordial, car il a permis aux chercheurs de mettre à l’échelle les fossiles incomplets du Mamenchisaurus.
Fossile de la mâchoire inférieure et de deux vertèbres d’un Mamenchisaurus. (Trustees of the Natural History Museum)
L’analyse suggère que, de tous les sauropodes inclus et même de tous ceux connus à ce jour, le Mamenchisaurus avait le cou le plus long. Il s’agit d’une conclusion tirée d’une extrapolation plutôt que d’une preuve directe, mais les chercheurs sont confiants dans leurs affirmations.
À l’instar d’autres sauropodes, les vertèbres du Mamenchisaurus ressemblaient à celles d’un oiseau, l’air constituant jusqu’à 77 % de leur volume. Les côtes du cou se chevauchaient de part et d’autre de ce dernier, fournissant des renforts pour supporter la charge importante du cou et du crâne.
Selon le coauteur de l’étude, Paul Upchurch, professeur de paléobiologie à l’University College de Londres :
Les études biomécaniques du cou des mamenchisauridés suggèrent qu’il n’était élevé qu’à un angle relativement faible au-dessus de l’horizontale (20-30°). Cependant, même à cet angle relativement faible, l’extrême longueur du cou signifierait que la tête de l’animal pouvait atteindre des hauteurs d’environ 7,5 à 10 mètres au-dessus du sol, ce qui faciliterait l’alimentation sur le feuillage des arbres.
Quant à savoir pourquoi le Mamenchisaurus a développé un cou aussi long, même pour un sauropode, les scientifiques n’en sont pas certains. Le facteur le plus probable est la compétition pour la nourriture avec d’autres sauropodes, qui a poussé les dinosaures à avoir un cou de plus en plus long pour atteindre les canopées. En même temps, le dinosaure devait concilier son long cou avec certaines exigences, comme faire circuler beaucoup de sang et permettre à la nourriture de passer à travers. Cela signifie qu’il y a certainement une limite à la taille d’un sauropode. Cette limite, elle n’a pas encore été trouvée, mais le Mamenchisaurus l’a certainement dépassée.
L’étude publiée dans le Journal of Systematic Palaeontology : Re-assessment of the Late Jurassic eusauropod Mamenchisaurus sinocanadorum Russell and Zheng, 1993, and the evolution of exceptionally long necks in mamenchisaurids, et présentée sur le site du London Natural History Museum : New fossil analysis reveals dinosaur with the longest neck of any animal ever.