Les humains passent un sixième de leur vie à améliorer leur apparence
Des chercheurs de multiples universités à travers le monde ont participé à une importante étude interculturelle sur les comportements liés à l’amélioration de l’apparence. Les résultats de cette étude (lien plus bas), qui est la plus grande jamais réalisée, ont révélé que les individus du monde entier passent en moyenne quatre heures par jour à améliorer leur apparence, indépendamment de leur sexe ou de leur âge. L’utilisation des médias sociaux est le facteur le plus fort pour prédire ces comportements.
Image d’entête : de la mythologie, Écho et Narcisse par John William Waterhouse, 1903. (Walker Art Gallery).
Les humains ont toujours accordé de l’importance à la beauté. Tout au long de l’histoire, nous nous sommes donné beaucoup de mal pour améliorer notre apparence physique. On sait que les premiers Homo sapiens appliquaient des pigments pour décorer leur corps, et les anciennes civilisations utilisaient largement les cosmétiques, les vêtements ornementés et les bijoux. Selon certains chercheurs, notre tendance à l’amélioration de l’apparence pourrait trouver son origine dans les comportements de toilettage des primates.
Mais qu’est-ce qui nous pousse exactement à passer du temps à essayer d’être plus attrayant physiquement ? Du point de vue de l’évolution, cela peut faire partie du comportement d’accouplement, car une bonne apparence est un signe de bonne santé et de bonnes prédispositions génétiques, ce qui maximise les chances d’avoir une progéniture en bonne santé. L’apparence physique est donc l’un des principaux critères de sélection d’un partenaire. Dans cette optique, on suppose que les femmes sont plus intéressées que les hommes à améliorer leur attractivité physique, et que les jeunes femmes célibataires sont particulièrement préoccupées par leur apparence.
Il existe quelques autres théories expliquant la préoccupation des humains pour leur attrait physique. L’une d’entre elles, la théorie de la prévalence des agents pathogènes, suggère que les personnes vivant dans des pays où la présence d’infections dangereuses telles que la leishmaniose, la trypanosomiase, le paludisme et la lèpre est élevée sont susceptibles de passer plus de temps à améliorer leur apparence, en particulier pour dissimuler les imperfections visuelles qui peuvent être perçues comme des signes de maladie. Les caractéristiques socioculturelles, telles que l’inégalité entre les sexes ou les attitudes individualistes ou collectivistes, et l’influence des médias de masse ou de l’utilisation des médias sociaux peuvent également avoir un impact sur le temps que les humains consacrent à leur apparence.
Une équipe internationale de scientifiques, dirigée par Marta Kowal de l’Université de Wrocław, en Pologne, a testé une série de ces théories afin de définir les facteurs qui ont le plus d’impact sur le comportement relatif à la beauté. Les chercheurs ont interrogé plus de 93 000 personnes dans 93 pays sur le temps qu’elles passent chaque jour à améliorer leur apparence physique. À ce jour, il s’agit de la plus grande étude réalisée dans le domaine de la psychologie de l’évolution.
Selon l’hypothèse évolutionniste, les humains veulent être beaux pour améliorer leurs chances de trouver un partenaire adéquat. L’enquête a donc révélé que les hommes et les femmes consacrent en moyenne environ quatre heures par jour à des comportements destinés à améliorer leur attractivité physique. Outre le fait de se maquiller, de se coiffer et de choisir des vêtements, ces comportements consistent à prendre soin de son hygiène corporelle, à faire de l’exercice ou à suivre un régime alimentaire spécifique dans le but d’améliorer son apparence (par opposition à prendre soin de sa santé, par exemple).
On a également constaté que les personnes âgées passent à peu près autant de temps que les jeunes à améliorer leur apparence. Les personnes qui vivent le début d’une relation amoureuse ont tendance à y passer plus de temps que celles qui sont mariées ou qui sortent ensemble depuis un certain temps.
L’hypothèse de la prévalence des agents pathogènes n’a été que partiellement confirmée : les personnes ayant des antécédents de maladies à pathogènes graves étaient susceptibles de passer plus de temps à améliorer leur apparence, par exemple en se maquillant pour masquer les traces de la maladie, mais aucun lien n’a été trouvé entre l’investissement dans la beauté et le fait de vivre dans un pays où certains agents pathogènes sont présents. Cela pourrait s’expliquer par l’amélioration des soins de santé, même dans les pays pauvres qui étaient autrefois confrontés à de graves infections.
Comme on pouvait s’y attendre, les femmes des pays où l’inégalité entre les sexes est prononcée ont tendance à investir plus de temps et d’efforts dans l’amélioration de leur apparence que celles des pays où l’égalité entre les sexes est avancée. Il en va de même pour les pays et les cultures ayant une attitude traditionnelle à l’égard des rôles des sexes.
A partir de l’étude : temps standardisé consacré aux comportements visant à améliorer l’esthétique dans les différents pays (les bandes grises indiquent un manque de données pour une région donnée). (M. Kowal et col./ Evolution and Human Behavior)
Les cultures individualistes qui valorisent les réalisations individuelles par rapport à celles de la collectivité soulignent également l’importance de l’amélioration de l’attractivité physique.
L’utilisation des médias sociaux semble être le facteur prédictif le plus fort des comportements visant à améliorer l’attractivité. Les chercheurs ont constaté que les gros utilisateurs des médias sociaux, en particulier ceux qui s’efforcent d’atteindre des normes de beauté irréalistes et qui s’inquiètent lorsque leurs photos reçoivent moins de likes, consacrent plus de temps à améliorer leur apparence que ceux qui passent moins ou pas de temps sur les réseaux sociaux.
Selon les chercheurs :
Dans cette étude, nous avons testé cinq théories existantes qui mettent en lumière les comportements d’amélioration de l’attractivité des personnes. Ces théories sont complémentaires plutôt que mutuellement exclusives. Nous avons confirmé certaines hypothèses et obtenu des résultats intéressants et moins attendus. Cette étude est une étape importante dans la recherche évolutionniste et socioculturelle qui permettra de mieux comprendre la psychologie humaine et nos attitudes envers la beauté.
L’étude publiée dans la revue Evolution and Human Behavior : Predictors of enhancing human physical attractiveness: Data from 93 countries.