Le télescope spatial James Webb a photographié de superbes nuages de formation d’étoiles dans d’autres galaxies
Il se passe beaucoup de choses dans l’espace entre les étoiles. Là, les poussières et les gaz ténus qui remplissent les vides se rassemblent parfois pour former des nuages denses. C’est là que naissent les étoiles, formées à partir de nœuds de matière qui s’effondrent et s’enflamment sous l’effet de la gravité pour illuminer l’Univers.
Caché dans le brouillard, le processus de formation des étoiles lui-même est encore largement un mystère. Mais le télescope spatial James Webb (JWST), avec sa résolution sans précédent dans les longueurs d’onde infrarouges, voit ce que nos yeux ne peuvent voir.
Image d’entête : La nouvelle image de NGC 7496 par le télescope spatial James Webb, dans laquelle 60 nouveaux amas de formation d’étoiles ont été découverts. (NASA, ESA, CSA, et J. Lee/NOIRLab, A. Pagan/STScI)
Les images du télescope spatial sont utilisées pour percer les secrets de la formation des étoiles dans 19 galaxies spirales proches, et pour cartographier les gaz et les poussières qui y circulent.
Le projet s’appelle PHANGS (Physics at High Angular resolution in Nearby Galaxies), et 21 études présentant les premières conclusions sur quatre de ces galaxies viennent d’être publiées (lien plus bas).
Selon la physicienne Karin Sandstrom, de l’université de Californie à San Diego :
Le JWST permet de dresser d’incroyables cartes des galaxies proches à très haute résolution, qui fournissent des images incroyablement détaillées du milieu interstellaire.
Si le JWST est capable de voir dans des parties de galaxies opaques aux autres télescopes, ce n’est pas seulement parce qu’il s’agit actuellement du télescope spatial le plus puissant, mais aussi parce qu’il voit l’Univers dans l’infrarouge. Les longueurs d’onde plus courtes de la lumière, comme la lumière optique, se dispersent sur les petites particules et ont donc tendance à ne pas pénétrer les épais nuages. Les longueurs d’onde plus longues, comme l’infrarouge, ont beaucoup plus de chances de traverser la poussière sans être perturbées.
Les précédents télescopes spatiaux infrarouges, comme Spitzer, ont laissé entrevoir les trésors infrarouges qui se cachent dans ces nuages, mais la résolution spectaculaire du JWST offre une vue intérieure sans précédent.
Comparaison des images de M74 (également connue sous le nom de NGC 628 ou galaxie fantôme) prises par le télescope spatial Spitzer (à gauche) et le JWST (droite). (SST : NASA/JPL-CalTech/JWST : NASA, ESA, CSA, STScI)
Le projet PHANGS est spécialement conçu à cet effet. Il étudie un échantillon de 19 galaxies spirales proches aux propriétés similaires à celles de la Voie lactée, orientées dans l’espace de manière à les voir de face. Cette orientation permet d’obtenir la meilleure vue de la distribution de la poussière et du gaz dans les galaxies, et que nous pourrons cartographier plus précisément les endroits où la formation d’étoiles se produit ou non.
Dans les quatre premières galaxies étudiées dans le cadre de PHANGS (M74, NGC 7496, IC 5332 et NGC 1365) les scientifiques ont été en mesure de repérer des structures fines avec des détails incroyables, y compris des caractéristiques qui s’étendent à partir des centres galactiques, appelées barres, et des « éperons » (Spurs) de gaz froid entre les bras spiraux, des régions censées être riches en formation d’étoiles.
Pour l’astronome Adam Leroy de l’Université d’État de l’Ohio :
La clarté avec laquelle nous voyons la structure fine nous a certainement pris par surprise.
Selon l’astrophysicienne Nadine Neumayer de l’Institut Max Planck d’astronomie en Allemagne :
Les nouvelles données de PHANGS-JWST nous donnent un aperçu fascinant de la formation d’étoiles des galaxies spirales environnantes à la plus haute résolution.
Ces images permettent enfin aux scientifiques de confirmer que la formation d’étoiles a bien lieu entre les bras spiraux bien définis : ils ont repéré de jeunes étoiles à l’intérieur des éperons. Ils ont également découvert quelques mystères, comme le cœur de la galaxie M74, également connue sous le nom de NGC 628 ou Phantom Galaxy. Ici, le noyau galactique, composé d’un amas d’étoiles entourant un trou noir supermassif, se trouve dans une cavité de 1 300 années-lumière de large complètement dépourvue de gaz et de poussière. La façon dont cette région a été évacuée reste une énigme.
Une nouvelle et étonnante vue de la galaxie NGC 628, alias Messier 74, M74 ou Phantom Galaxy, a été révélée dans un ensemble de données prises par le télescope spatial James Webb et traitées par Judy Schmidt. (ESA/Webb, NASA & CSA, J. Lee and the PHANGS-JWST Team)
D’autres équipes se sont concentrées sur la chimie du milieu interstellaire, en étudiant la présence d’hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP). Ces molécules sont facilement ionisées et uniformément réparties, ce qui en fait un excellent traceur de l’ensemble du milieu interstellaire.
Ces premiers résultats suggèrent que PHANGS a beaucoup à nous apprendre sur la façon dont les galaxies produisent de nouvelles étoiles.
Selon Sandstrom :
L’une des choses qui m’enthousiasment le plus, c’est que maintenant que nous disposons de ce traceur à haute résolution du milieu interstellaire, nous pouvons cartographier toutes sortes de choses, y compris la structure du gaz diffus, qui doit devenir plus dense et moléculaire pour que la formation d’étoiles ait lieu.
Nous pouvons également cartographier le gaz entourant les étoiles nouvellement formées, où il y a beaucoup de « rétroaction », comme dans le cas des explosions de supernova. Nous pouvons vraiment observer le cycle complet du milieu interstellaire avec beaucoup de détails. C’est le cœur de la façon dont une galaxie va former des étoiles.
L’étude publiée dans l’Astrophysical Journal Letters : PHANGS–JWST First Results et présentée sur le site de l’université de Californie à San Diego : A Star is Born: Images of Nearby Galaxies Provide Clues About Star Formation.